Lors de la répression des manifestations nationales qui ont eu lieu dans plus de 100 villes en Iran en novembre 2019, les forces de sécurité ont fait un usage illégal de la force, tuant au moins 304 personnes, dont des enfants, selon des informations dignes de foi. La majorité des décès recensés par l’organisation sont dûs à des tirs au niveau de la tête, du cœur, du cou et d’autres organes vitaux, ce qui laisse à penser que les forces de sécurité tiraient pour tuer. Les autorités ont arrêté des milliers de manifestants et ont soumis certains d’entre eux à des disparitions forcées, à des détentions au secret, ainsi qu’à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements. Les autorités ont également menacé et arrêté arbitrairement certains des proches des manifestants tués, soit pour les punir d’avoir parlé aux médias et aux organisations de défense des droits humains, soit pour les empêcher de le faire.
Le 21 décembre 2019, Narges Mohammadi, ainsi que d’autres détenues du quartier des femmes de la prison d’Evin, dont Atena Daemi, Mojgan Keshavarz, Monireh Arabshahi, Saba Kordafshari, Samaneh Norouz Moradi, Soheila Hijab et Yasaman Aryani, ont annoncé leur intention de faire un sit-in à partir de cette date, par solidarité avec les commémorations organisées en l’honneur des personnes tuées par les forces de sécurité lors des manifestations de novembre 2019, 40 jours après leur mort (pour plus d’informations, voir : https://www.amnesty.org/fr/documents/mde13/4578/2016/fr/). Le 26 décembre 2019, Narges Mohammadi a publié une lettre ouverte dans laquelle elle décrivait les mauvais traitements qu’elle avait subis lors de son transfert vers la prison de Zandjan. Le 27 décembre 2019, une agence de presse publique a indiqué que le service des relations publiques de la prison d’Evin avait nié ces mauvais traitements dans une déclaration publique.
En juillet 2019, Gholamreza Ziaei a été nommé à la tête de la prison d’Evin. Depuis lors, les prisonniers d’opinion détenus dans cet établissement se plaignent d’une détérioration de leurs conditions de détention. Ils dénoncent l’espacement des visites personnelles, passées d’une fois par mois à une fois tous les deux mois et demi, la suppression des jours de visite supplémentaires accordés aux femmes avec enfants, et le fait que l’administration pénitentiaire empêche les détenus de recevoir les livres et autres supports de lecture apportés par leurs familles. L’accès aux soins de santé a également été limité aux détenus payant leurs dépenses médicales.
Narges Mohammadi est incarcérée depuis son arrestation, en mai 2015. En 2011, elle a été condamnée à une peine de six ans d’emprisonnement, uniquement liée aux activités pacifiques de défense des droits fondamentaux qu’elle menait au Centre pour les défenseurs des droits humains. Narges Mohammadi a été condamnée à 16 ans d’emprisonnement au total dans une affaire distincte en mai 2016, à l’issue d’un procès inique devant la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, après avoir été déclarée coupable de « formation d’un groupe composé de plus de deux personnes dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale », « rassemblement et collusion en vue de commettre des atteintes à la sécurité nationale » et « diffusion de propagande hostile au régime ». Selon les dispositions iraniennes relatives aux condamnations, elle doit purger 10 ans de cette peine. Sa condamnation est uniquement liée à son travail en faveur des droits humains, notamment à sa participation à la Campagne pour l’abolition étape par étape de la peine de mort (Legam). Parmi les éléments de « preuve » retenus contre elle figurent des entretiens qu’elle a accordés aux médias sur les violations des droits humains, sa participation à des rassemblements pacifiques devant des prisons pour soutenir les familles des condamnés à mort, ses liens avec d’autres défenseurs des droits humains, dont la lauréate du prix Nobel de la paix Shirin Ebadi, sa participation à des manifestations pacifiques dénonçant les attaques à l’acide visant des femmes, et sa rencontre avec Catherine Ashton, alors haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2014.
En juillet 2016, Narges Mohammadi a observé une grève de la faim pendant 20 jours pour dénoncer le fait que les autorités ne lui permettaient pas de parler avec ses enfants. Elle a mis un terme à sa grève de la faim après avoir obtenu l’autorisation de leur parler ainsi qu’une déclaration écrite du substitut du procureur de la prison d’Evin, dans laquelle celui-ci s’engageait à lui permettre d’appeler ses enfants une fois par semaine (voir ici pour plus d’informations). Narges Mohammadi souffre de pathologies qui nécessitent une prise en charge spécialisée et régulière, dont elle ne peut bénéficier en prison. Elle dit devoir prendre un traitement anticoagulant pour prévenir le risque d’embolie pulmonaire (obstruction d’une artère transportant le sang du cœur aux poumons) ; de plus, selon son mari, elle a des problèmes de santé qui peuvent provoquer des convulsions, voire des paralysies partielles temporaires.