Natalia Filonova milite depuis les années 1990 et habite à Oulan-Oudé, capitale de la République de Bouriatie, dans la région russe de Sibérie orientale. En 2008, elle est devenue membre du mouvement « Solidarité », qui demandait des réformes démocratiques. Natalia Filonova a été correspondante du journal régional Petrovsk-Zabaikalskie Ogni (« Lumières de Petrovsk-Zabaïkalski »). Puis elle a lancé son propre journal, Vsemu naperekor (« Malgré tout »).
Natalia Filonova a participé à des manifestations pacifiques, notamment en soutien à Alexeï Navalny, en mémoire de Boris Nemtsov, dirigeant de « Solidarité » victime d’un assassinat, et contre l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en 2022.
Le 24 septembre 2022, Natalia Filonova a été arrêtée arbitrairement lors d’un rassemblement pacifique contre la conscription obligatoire des hommes pour la guerre en Ukraine (appelée « mobilisation partielle ») organisé à Oulan-Oudé. Les autorités ont engagé des poursuites à son encontre pour « violation répétée de la procédure établie pour la tenue de rassemblements publics ». Cependant, le 26 septembre, un tribunal a prononcé un non-lieu et ordonné la libération de Natalia Filonova. La police l’a immédiatement arrêtée à nouveau et a ouvert une enquête pénale contre elle au titre de l’article 318 du Code pénal, pour « recours à la violence contre un représentant des autorités ». Selon les enquêteurs, elle aurait agressé deux policiers au moment de son transfert. Ils ont affirmé que Natalia Filonova avait frappé un agent et donné un coup de stylo dans la figure d’un autre alors qu’elle se trouvait à bord d’un véhicule de police.
Les accusations de recours à la force contre des policiers sont souvent utilisées en Russie pour poursuivre des militant·e·s qui participent à des rassemblements. La manifestation lors de laquelle Natalia Filonova a été arrêtée était pacifique, comme toutes ses actions militantes précédentes et son travail journalistique. En tant que militante, elle a régulièrement fait l’objet de pressions de la part des autorités, notamment des arrestations multiples pour des accusations de violations de la législation russe en matière de rassemblements pacifiques, qui est très restrictive. C’est pourquoi Amnesty International estime que la condamnation de Natalia Filonova est motivée par des considérations politiques et vise à étouffer ses critiques à l’égard des autorités.
Le 22 octobre 2022, Natalia Filonova a été placée en détention. Elle a été dans un premier temps assignée à domicile, mais le 17 novembre 2022, elle a été placée en détention provisoire pour avoir violé les conditions de son assignation à domicile (elle avait dû se rendre dans une ville voisine où son mari avait été hospitalisé en urgence, laissant leur enfant seul).
Le 31 août 2023, le tribunal du district d’Oktyabrsky, à Oulan-Oudé, a condamné Natalia Filonova à deux ans et 10 mois de prison.
En mai 2024, Natalia Filonova a indiqué avoir refusé une offre de grâce présidentielle, car elle estimait que cela signifierait qu’elle reconnaissait sa culpabilité. D’après elle, c’est à la suite de ce refus qu’elle a commencé à être soumise à des sanctions supplémentaires en prison, alors qu’elle avait une bonne réputation auparavant. Elle a été considérée comme « extrémiste », placée dans une cellule d’isolement disciplinaire à trois reprises, et en juillet, elle a été transférée sous le régime de conditions strictes de détention.
Ce régime de détention, destiné aux « récidivistes » du non-respect des règles de la prison, impose le placement des personnes concernées dans un quartier séparé et entièrement fermé. Celles-ci ne sont pas autorisées à se déplacer librement dans l’enceinte de la colonie pénitentiaire ; elles ne peuvent sortir qu’une heure et demie par jour, et leurs dépenses pour acheter de la nourriture et le nombre de visites familiales et de colis qu’elles peuvent recevoir sont plus limités. Les conditions strictes de détention sont une sanction à durée indéterminée (dans la limite de la peine d’emprisonnement) et peuvent être imposées et levées à la discrétion de l’administration de la colonie pénitentiaire.