Écrire Une militante a été incarcérée dès son retour forcé

Sam Sokha, une réfugiée reconnue par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), a été arrêtée et incarcérée par les autorités cambodgiennes après que la Thaïlande l’a expulsée de force le 8 février. Jugée par contumace, elle avait été reconnue coupable d’« incitation » en raison de son militantisme politique pourtant pacifique, et condamnée à plus de deux ans d’emprisonnement et à une amende. Amnesty International la considère comme une prisonnière d’opinion.

Sam Sokha, militante en faveur des droits des travailleurs, a été renvoyée de force au Cambodge par les autorités thaïlandaises le 8 février 2018. Le bureau du HCR en Thaïlande lui avait accordé le statut de réfugiée devant recevoir une protection internationale. Des policiers relevant du ministère cambodgien de l’Intérieur l’ont arrêtée à son arrivée à la frontière. Le 9 février, elle a été transférée à la prison de Kampong Speu pour y purger une peine de deux ans de prison. Le 25 janvier 2018, le juge du tribunal provincial de Kampong Speu l’avait condamnée par contumace pour « outrage à un représentant de l’État » et « incitation à la discrimination », après qu’elle a lancé une sandale à deux reprises sur un panneau érigé au bord de la route par le parti au pouvoir avant des élections locales en 2017. Sam Sokha a le droit de former un recours dans les 15 jours suivant un jugement prononcé par contumace (section 3 du Code pénal cambodgien).

Elle avait fui le Cambodge après que des sympathisants du parti au pouvoir dans le pays l’ont menacée, et que le tribunal de Kampong Speu a engagé des poursuites pénales et émis un mandat d’arrêt contre elle. Une vidéo de l’épisode de la sandale a été rendue publique sur Facebook et a suscité beaucoup d’intérêt sur les médias sociaux.

À plus d’une occasion, des représentants du gouvernement cambodgien ont sollicité l’aide du centre de détention pour migrants de Suan Phlu, lui demandant de renvoyer Sam Sokha au Cambodge. Ils n’ont pas personnellement rencontré la militante. Le 7 février 2018, la veille de son expulsion, ces fonctionnaires cambodgiens ont de nouveau rencontré la direction du centre de détention.

Avant son expulsion, Sam Sokha se trouvait au centre de Suan Phlu, à Bangkok, depuis le début du mois de janvier 2018 ; la police thaïlandaise l’avait arrêtée parce qu’elle se trouvait dans le pays sans permission valable. Considérée comme une « étrangère » dotée d’une « permission expirée » en vertu de la Loi sur l’immigration, Sam Sokha a été jugée et condamnée à deux mois de prison avec sursis pour « dépassement de la durée prévue » par son visa en Thaïlande, ainsi qu’à une amende de 3 000 bahts.

En 2017, le tribunal provincial de Kampong Speu au Cambodge avait accusé Sam Sokha d’« outrage à un représentant de l’État » et « incitation à la discrimination » (articles 494, 496 et 502 du Code pénal cambodgien). Elle avait été convoquée au tribunal à deux reprises pour y être interrogée, en avril et juin 2017, alors qu’elle se trouvait hors du pays. En juin 2017, le tribunal avait émis un mandat d’arrêt la concernant. Avant de fuir en Thaïlande, Sam Sokha avait été menacée verbalement par des sympathisants du parti au pouvoir, le Parti du peuple cambodgien (PPC), parce qu’elle avait lancé une sandale sur une affiche du PPC située au bord d’une route, montrant le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale.

Les faits se sont déroulés en 2017 à une période de répression intense contre les médias indépendants, la société civile et l’opposition politique, qui a précédé les élections municipales de juin 2017. Le 25 janvier 2018, soit quelques jours avant son expulsion, le juge du tribunal de Kampong Speu l’a déclarée coupable par contumace des charges retenues contre elle, et condamnée à deux ans de prison et à une amende d’un montant de 5 millions de riels cambodgiens (environ 1 250 dollars américains).

Tout au long de l’année 2017, un nombre croissant d’informations ont indiqué que des policiers thaïlandais et des représentants du gouvernement cambodgien ont surveillé, harcelé et menacé des demandeurs d’asile et réfugiés venus du Cambodge en Thaïlande, ainsi que des défenseurs des droits humains et des réfugiés cambodgiens. La Thaïlande et le Cambodge ont un accord d’extradition, signé le 6 mai 1998. Il existe un risque réel, si ce n’est déjà une réalité, que l’extradition vers le Cambodge, où ils seront persécutés, de militants pacifiques ayant demandé l’asile en Thaïlande ne devienne une pratique établie, ce qui constitue une violation du principe international de non-refoulement, et inversement. Ce danger s’étend au-delà de ces deux États, les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) ayant accru leur coopération en matière d’extraditions et d’expulsions.

La Thaïlande négocie depuis 2016 avec le Viêt-Nam afin d’établir un traité d’extradition similaire à celui conclu avec le Cambodge. Le gouvernement thaïlandais a précédemment cédé aux pressions de gouvernements étrangers et renvoyé de force des personnes vers des pays où leur vie et leurs libertés sont gravement menacées. L’expulsion de Sam Sokha vers le Cambodge est l’un de ces cas.

Ces deux dernières années, à l’approche des élections générales de juillet 2018, le Cambodge a été le théâtre d’un nombre accru d’arrestations arbitraires, de détentions et d’incarcérations injustifiées de militant.e.s et défenseur.e.s des droits humains au seul motif de l’exercice pacifique de leurs droits à la liberté d’expression et de réunion. Par exemple, Tep Vanny, militante du droit au logement des riverains du lac Boeung Kak, est maintenue en détention arbitraire depuis le 15 août 2016 en raison de sa participation pourtant non violente à une action de protestation dite du « Lundi noir » en faveur de la libération de cinq défenseurs des droits humains. Elle a depuis lors été visée par diverses accusations motivées par des considérations politiques, et injustement condamnée plusieurs fois en raison de son action pacifique.

En août 2017, Kem Sok, analyste politique, a été reconnu coupable de « diffamation et incitation à commettre un acte criminel », charges forgées de toutes pièces, car il aurait fait un lien, lors d’une interview à la radio, entre le gouvernement et le meurtre de Kem Ley, un autre commentateur politique. Les manœuvres ayant pour but de réduire au silence les voix indépendantes dans le pays sont de plus en plus fréquentes depuis les élections municipales, visant également les médias indépendants, en particulier la presse et les stations de radio (FM notamment), entre autres certains programmes très suivis de Radio Free Asia et Voice of America, qui émettent depuis les États-Unis, ainsi que l’émission cambodgienne Voice of Democracy.

L’année 2017 a été marquée par des attaques nourries et incessantes contre l’opposition politique et ses sympathisants au Cambodge. Le gouvernement a fait adopter de manière précipitée par le Parlement deux séries controversées de modifications, une concernant la Loi sur les partis politiques, permettant la dissolution de partis, et une autre relative aux lois électorales au Cambodge. Le 3 septembre 2017, Kem Sokha, le président du principal parti d’opposition, le Parti du sauvetage national du Cambodge, a fait l’objet d’une arrestation arbitraire sur la base de charges de « collusion avec une puissance étrangère » motivées par des considérations politiques, et il se trouve en détention provisoire depuis lors.

Le 16 novembre, une décision de la Cour suprême, manifestement prononcée à la demande du gouvernement a : dissous le Parti du sauvetage national du Cambodge en s’appuyant sur des allégations sans fondement, selon lesquelles ce parti avait eu l’intention de faire une prétendue « révolution de couleur » avec une aide étrangère ; et interdit à 118 responsables de ce même parti de mener des activités politiques pendant cinq ans. Ces mesures de répression ont amené plus de la moitié des députés du Parti du sauvetage national du Cambodge à quitter le pays de crainte d’être arrêtés.

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