Écrire Une militante jugée pour « propagande homosexuelle »

Le 18 octobre, un tribunal siégeant à Samara entendra la cause de la militante des droits humains Evdokia Romanova, qui est poursuivie pour diffusion de « propagande homosexuelle ». La juge a décidé que l’audience aurait lieu à huis clos. Les poursuites engagées contre Evdokia Romanova découlent uniquement de l’exercice pacifique de son droit à la liberté d’expression ; en conséquence, elles doivent être abandonnées.

Les poursuites visant la militante des droits humains Evdokia Romanova, inculpée de « propagande homosexuelle », ont été engagées le 26 juillet 2017. Dans un premier temps, l’affaire a été portée devant le tribunal du district de Kirov, à Samara, en Russie centrale. Cependant, lors de l’audience du 18 septembre, le juge a estimé que l’affaire devait être entendue par un magistrat. Le 4 octobre, Evdokia Romanova a reçu une lettre du magistrat à qui son dossier avait été transféré. Ce courrier l’informait que l’affaire était renvoyée au service de police qui l’avait portée devant l’autorité judiciaire, en raison d’erreurs dans le dossier. L’une de ces erreurs concernait le délai de prescription de « l’infraction » reprochée à Evdokia Romanova, qui avait expiré avant même que la police n’engage une procédure contre la militante des droits humains. Le lieu où Evdokia Romanova était censée avoir commis « l’infraction » n’était pas identifié correctement. De plus, son adresse de résidence effective ne relevant pas de la juridiction du magistrat, le dossier devait à nouveau être transféré. Le 5 octobre, en fin d’après-midi, son avocat a été informé que l’audience aurait lieu le 9 octobre. Evdokia Romanova et son conseil n’ont eu que le week-end pour s’y préparer.

Lors de l’audience du 9 octobre, la juge a statué que le procès se tiendrait à huis clos, afin d’éviter que l’affaire ne donne lieu à davantage de « propagande ». Après l’audience, la juge a fait savoir à Evdokia Romanova qu’elle n’appréciait guère l’attention que l’affaire avait suscitée, ni les nombreux appels téléphoniques qu’elle recevait de journalistes travaillant à Moscou. La juge a spécifié qu’elle ne voulait pas de journalistes dans la salle d’audience. La prochaine audience est prévue pour le 18 octobre.

Le 26 juillet, la militante des droits humains Evdokia Romanova, membre actif de la Youth Coalition for Sexual and Reproductive Rights (YCSRR) de Samara, en Russie centrale, a été convoquée au poste de police local à titre de témoin dans une autre affaire sur laquelle la police enquêtait. Lorsqu’elle est arrivée au poste, elle a été interrogée et inculpée, au titre de l’article 6.21, paragraphe 2 du Code des infractions administratives, de « promotion des relations sexuelles non traditionnelles auprès des mineurs utilisant Internet ». Son seul « crime » a été de relayer, sur sa page Facebook et sur le réseau social russe VKontakte, des liens vers le site Web de la YCSRR et des publications médias, notamment vers un article du Guardian consacré au référendum sur le mariage entre personnes de même sexe en Irlande, et vers un article de Buzzfeed sur une exposition, à Saint-Pétersbourg, portant sur les adolescents LGBTI en Russie. Quatre de ces publications datent de 2015 et une autre de mai 2016. Si Evdokia Romanova est déclarée coupable, elle encourt une amende d’un montant pouvant aller jusqu’à 100 000 roubles (1 460 euros environ).

La Youth Coalition for Sexual and Reproductive Rights (YCSRR) a été fondée au Forum de la jeunesse de la Haye en février 1999, organisé par le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), la World Population Foundation (WPF) et le Conseil néerlandais sur la jeunesse et la population. Un certain nombre de jeunes participants du forum étaient particulièrement inquiets au sujet des droits des adolescents et des jeunes en matière de sexualité et de procréation. Ils ont créé la YCSRR afin de soutenir et de pérenniser les initiatives prises par des jeunes en vue de la réalisation de leurs droits en matière de sexualité et de procréation.

La loi interdisant la « promotion des relations sexuelles non traditionnelles auprès des mineurs », également connue sous le nom de « loi sur la propagande homosexuelle », a été adoptée en Russie en juin 2013. Elle a introduit dans le Code des infractions administratives l’article 6.21, qui prévoit de lourdes amendes pour les personnes qui, du point de vue des autorités, promeuvent les « relations sexuelles non traditionnelles ». Amnesty International estime que cette loi est contraire au droit à la liberté d’expression et milite pour son abolition. Elle a des conséquences particulièrement néfastes pour les activités des organisations LGBTI ainsi que des militants LGBTI individuels. Depuis son adoption en 2013, plusieurs personnes, dont les militants LGBTI Nikolaï Alexeïev, Nikolaï Baïev et Alexeï Kiselev, ont écopé d’amendes en application de cette loi. En janvier 2014, ces trois militants ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), affirmant qu’il y avait eu violation de leurs droits au titre de la Convention européenne des droits de l’homme. En juin 2017, la Cour a statué que la Russie avait enfreint l’article 10 (droit à la liberté d’expression) et l’article 14 (interdiction de toute discrimination) de la Convention européenne des droits de l’homme, et qu’elle devait verser des indemnités aux militants. La Russie a décidé d’interjeter appel.

Le droit à une audience publique est une garantie essentielle pour l’équité et l’indépendance des procédures judiciaires, ainsi qu’un moyen de préserver la confiance des citoyens dans le système de justice. Au pénal, à l’exception de certains cas prévus et bien définis, comme les affaires impliquant des mineurs, les audiences et les décisions doivent être publiques. Le droit à une audience publique signifie que non seulement les parties au procès, mais aussi le grand public et les médias ont le droit d’être présents.

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