Écrire Une militante LGBT+ est toujours poursuivie en justice

Pierina Nochetti, militante lesbienne en faveur des droits humains, fait l’objet de poursuites pénales pour avoir semble-t-il peint un graffiti en signe de protestation contre la disparition d’un jeune homme transgenre dans la ville de Necochea, en Argentine.

Elle encourt jusqu’à quatre ans d’emprisonnement.

Nous demandons au parquet d’abandonner les charges retenues, car elles semblent constituer une restriction inutile et disproportionnée du droit à la liberté d’expression.

Pierina Nochetti, mère de trois enfants, est le principal soutien de sa famille. Elle se définit comme une lesbienne visible et une militante LGBTI+. Depuis longtemps, elle participe au comité organisant la marche des fiertés à Necochea, une ville côtière de la province de Buenos Aires. Au fil des années, elle a fait la preuve de son engagement en faveur des droits humains, en s’exprimant haut et fort afin de construire un monde où les gens peuvent exercer leurs droits librement et en toute égalité.

Pierina Nochetti a relayé les appels à la justice en relation avec la disparition d’un jeune homme transgenre, Tehuel de la Torre. La famille de Tehuel, des mouvements transféministes et LGBTI, et des organisations de défense des droits humains se mobilisent depuis sa disparition. Tehuel a été vu pour la dernière fois le 11 mars 2021, alors qu’il se rendait à un entretien d’embauche.
Pierina Nochetti a déjà été sanctionnée par les autorités locales pour lesquelles elle travaille, qui ont réduit son salaire pour une période de 10 jours.

Les autorités ont ensuite porté plainte en relation avec le graffiti et ont encouragé l’ouverture de poursuites judiciaires contre elle. L’ouverture de ces poursuites est survenue après que Pierina Nochetti a parlé à ses supérieurs des inégalités qu’elle subissait en termes de conditions de travail et de traitement, qui sont susceptibles d’être liés à son orientation sexuelle et son identité de genre.

L’Argentine est partie à plusieurs traités internationaux relatifs aux droits humains qui protègent le droit à la liberté d’expression, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention américaine relative aux droits de l’homme. En vertu du droit international relatif aux droits humains, les restrictions au droit à la liberté d’expression doivent être prévues par la loi et être nécessaires et proportionnées à un objectif légitime.

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a précisé que les sanctions pour les dégradations de biens dans le cadre de manifestations doivent être interprétées de manière restrictive, et a fixé un seuil élevé pour l’ouverture de poursuites, à savoir lorsque les dégâts sont « graves », faute de quoi elles constitueraient une restriction injustifiée.

La protection des droits des personnes LGBTI+ en Argentine a beaucoup progressé au cours des dernières décennies, notamment en ce qui concerne l’égalité devant le mariage, le droit à l’identité de genre, le droit à un quota d’emploi pour les personnes transgenres dans le secteur public, le droit à l’avortement et le droit à une éducation sexuelle complète, entre autres. Les personnes LGBTI, principalement les personnes trans et non binaires, subissent cependant de graves discriminations dans l’accès aux droits à la santé, à l’emploi et à l’éducation, ainsi qu’au droit de vivre à l’abri des violences fondées sur leur identité de genre ou leur orientation sexuelle.

En 2023, l’Observatoire national des crimes de haine contre les personnes LGBT a enregistré 133 crimes de haine en Argentine contre des personnes en raison de leur identité, de leur expression de genre ou de leur orientation sexuelle : 84 % de ces attaques visaient des femmes transgenres. Sur le nombre total de crimes, 40 étaient des atteintes à l’intégrité physique. Cette violence et cette exclusion sont plus profondes lorsqu’elles sont analysées dans une perspective intersectionnelle, incluant les militant·e·s et défenseur·e·s LGBT+.

Les personnes LGBTI+ sont en outre confrontées à un contexte où se multiplient les discours incitant à la haine et considérant la diversité sexuelle comme une pathologie - même dans les sphères gouvernementales -, ce qui conduit à une hausse du nombre de crimes de haine fondés sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression de genre.

J'agis

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Monsieur le procureur,

Je déplore les poursuites engagées contre Pierina Nochetti parce qu’elle aurait peint la question « Où est Tehuel ? » sur un mur public. Cette question est le slogan d’un appel collectif à la justice à la suite de la disparition d’un homme transgenre de 21 ans alors qu’il se rendait à un entretien d’embauche en 2021.

Pierina Nochetti est artiste, éducatrice, mère de trois enfants et principal soutien de sa famille. Elle est également employée par les autorités locales, qui lui ont déjà infligé des sanctions administratives - notamment une réduction de salaire - pour son militantisme lors de la marche des fiertés de 2022. Puisqu’il ne semble pas que des poursuites aient été engagées en relation avec d’autres peintures, qui incluent des messages haineux, sur ce même mur, je crains qu’elle ne soit prise pour cible pour son militantisme en faveur des droits des personnes LGBTI+, ainsi que pour son identité de genre, son expression de genre et son orientation sexuelle. Pierina Nochetti est davantage exposée au risque de discrimination du fait de son identité.

Elle fait l’objet de poursuites pénales depuis 2022, et leur prolongation injustifiée a un grave impact sur ses droits fondamentaux, notamment sur son bien-être émotionnel, son droit de manifester pacifiquement et sa liberté d’expression.

En vertu du droit international relatif aux droits humains, les restrictions au droit à la liberté d’expression doivent être clairement établies dans le droit et être nécessaires et proportionnées à un objectif légitime.

Je vous demande d’abandonner l’accusation de « dommages avec circonstances aggravantes » à l’encontre de Pierina Nochetti, car elle semble constituer une restriction injustifiée et disproportionnée du droit à la liberté d’expression. Retenir ce type de charges contre des défenseur·e·s des droits humains qui se sont exprimés librement envoie un message lourd de menaces, qui risque de restreindre encore davantage le droit de manifester pacifiquement.

Veuillez agréer, Monsieur le Procureur, l’expression de ma haute considération.

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