Écrire Une militante de la société civile détenue dans un établissement psychiatrique

Ardak Achym, blogueuse et militante de la société civile de 52 ans originaire de Chymkent, dans le sud du Kazakhstan, a été placée en détention dans un établissement psychiatrique après avoir été inculpée d’« insulte à un représentant de l’État par le biais des médias de masse », au titre de l’article 378 du Code pénal, en raison de ses publications critiquant le gouvernement sur les réseaux sociaux. Amnesty International la considère comme une prisonnière d’opinion.

Le 15 mars, sur ordre d’un tribunal, la police a procédé à une perquisition du domicile de la blogueuse et militante de la société civile Ardak Achym et l’a conduite à un examen psychiatrique. La police l’a informée qu’elle était inculpée d’« incitation à la discorde sociale, nationale, clanique, raciale ou religieuse », au titre de l’article 174 du Code pénal kazakh. Les charges ont depuis été requalifiées en « insulte à un représentant de l’État par le biais des médias de masse », au titre de l’article 378 du Code pénal. L’identité de la personne qu’Ardak Achym est accusée d’avoir insultée n’a pas été précisée.

Le 27 mars, un juge du district d’Abaï, à Chymkent, a statué, en l’absence d’Ardak Achym, qu’elle devait être placée en détention dans un établissement psychiatrique dans l’attente de son procès, au motif qu’elle souffrait de « schizophrénie paranoïde épisodique » depuis 2015 et qu’elle n’était, d’après ce juge, « pas en mesure de comprendre le danger que ses actions représentent pour la société ». Le juge a également déclaré qu’elle faisait l’objet d’une enquête pour avoir publié « plusieurs éléments contre les autorités sur une page Facebook ». Ardak Achym n’a été informée de cette décision de justice que le 31 mars, lorsqu’elle a été convoquée au commissariat pour être interrogée, avant d’être placée en détention à l’établissement psychiatrique. La famille d’Ardak Achym n’a pas été autorisée à lui rendre visite pendant les trois premiers jours de son hospitalisation forcée.

Le 12 avril, le tribunal régional du sud du Kazakhstan a confirmé la décision du tribunal de district et a prolongé la détention d’Ardak Achym à l’établissement psychiatrique d’un mois, dans l’attente de son procès. Le 26 avril, le tribunal du district d’Abaï, à Chymkent, a prolongé sa détention provisoire d’un mois supplémentaire. L’audience pour les accusations dont elle fait l’objet doit avoir lieu début juin, à Chymkent. Si elle est déclarée coupable, la militante encourt 75 jours de détention et une amende pouvant atteindre 721 500 tenges kazakhs. La famille d’Ardak Achym affirme qu’elle ne souffre d’aucun problème de santé mentale.

Les États ont la responsabilité de protéger le droit à la liberté d’expression. Ardak Achym est détenue uniquement en raison de l’expression pacifique de ses opinions, Amnesty International la considère donc comme une prisonnière d’opinion.

L’article 174 du Code pénal est de plus en plus utilisé pour réprimer le droit à la liberté d’expression au Kazakhstan. Deux autres militants de la société civile, Max Bokaïev et Talgat Aïan, ont été condamnés à cinq ans d’emprisonnement, notamment au titre de cet article. La condamnation de Talgat Aïan a été commuée le 12 avril en peine de prison avec sursis et il devrait être libéré le 29 avril 2018. Max Bokaïev est toujours en prison en dépit du fait que son état de santé se détériore. Tous deux sont des prisonniers d’opinion.

Amnesty International a déjà recueilli des informations sur les graves restrictions du droit à la liberté d’expression au Kazakhstan et les a publiées en 2017 dans un rapport intitulé Think before you post : Closing down social media space in Kazakhstan (EUR 57/5644/2017). Ce rapport démontre que, bien que l’article 174 semble être destiné à protéger les personnes des comportements ou propos discriminatoires, notamment de l’incitation à la haine, le terme « discorde » n’est pas défini de manière précise, et la loi est par conséquent formulée en termes vagues.

Loin d’être utilisé pour protéger les groupes et personnes les plus vulnérables de la discrimination, l’article 174 est plutôt utilisé pour réduire au silence les voix dissidentes qui diffusent du matériel d’information ou encouragent des discussions critiques des autorités. L’article 174 doit être modifié de manière conséquente afin de veiller à ce que les dispositions destinées à lutter contre l’incitation à la haine et la discrimination soient rédigées avec précision et conformément à l’article 19(3) du PIDCP, en vue de faire en sorte qu’elles ne soient pas utilisées de manière illégale pour réprimer le droit à la liberté d’expression.

Depuis le 13 mars, date à laquelle le parti du Choix démocratique du Kazakhstan a été qualifié d’organisation extrémiste, des dizaines de personnes ont été convoquées pour être interrogées par la police, et certaines ont été placées en détention. Amnesty International a publié une action urgente sur le cas d’Akmaral Tobylova, qui a depuis été libérée pour raisons médicales mais reste sous le coup d’accusations de financement d’une organisation extrémiste, simplement pour avoir consulté le site Internet du parti du Choix démocratique du Kazakhstan.

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