Écrire Des militants condamnés par un tribunal d’exception

Alaa Abdel Fattah et Mohamed Baker

Le 20 décembre 2021, la cour de sûreté de l’État, instaurée par la législation d’exception, a condamné le militant Alaa Abdel Fattah à cinq ans de prison et l’avocat spécialiste des droits humains Mohamed Baker à quatre ans de prison, après les avoir déclarés coupables d’accusations forgées de toutes pièces, à savoir « diffusion de fausses informations », en raison de leurs publications sur les réseaux sociaux. I

ls ont déjà passé 28 mois en détention arbitraire, découlant uniquement de l’exercice pacifique de leurs droits humains.

Amnesty International demande leur libération immédiate et inconditionnelle.

Mohamed Baker et Alaa Abdel Fattah sont détenus depuis le 29 septembre 2019 dans le cadre de l’affaire n° 1356/2019 instruite par le service du procureur général de la sûreté de l’État, une division du parquet spécialisée dans les enquêtes sur les menaces pour la sécurité nationale. Ils font l’objet d’investigations pour « appartenance à un groupe terroriste », « financement d’un groupe terroriste », « diffusion de fausses informations portant atteinte à la sécurité nationale » et « utilisation des réseaux sociaux en vue de commettre une infraction liée à la publication ». Le service du procureur général de la sûreté de l’État a ouvert des investigations à leur encontre pour des charges similaires dans le cadre d’une nouvelle affaire (n° 1228/2021), recourant à une stratégie de plus en plus utilisée par les autorités appelée « rotation », visant à contourner la durée maximale de détention provisoire autorisée par la législation égyptienne, fixée à deux ans, et à prolonger indéfiniment la détention des militants.

Le procès d’Alaa Abdel Fattah et Mohamed Baker dans l’affaire n° 1228/2021 a débuté le 28 octobre 2021, avec un troisième prévenu : le blogueur et militant Mohamed Ibrahim Radwan, alias « Oxygène », également inculpé de « diffusion de fausses informations » en raison de publications sur les réseaux sociaux, et condamné à quatre ans d’emprisonnement. Le verdict n’a pas été annoncé par le juge en présence des accusés, des familles et des avocats, comme c’est la norme. Un greffier l’a annoncé brutalement aux quelques avocats encore présents dans la salle d’audience. Depuis octobre 2021, les autorités ont déféré au moins 20 militants, journalistes et militants politiques devant des cours de sûreté de l’État instaurées par la législation d’exception.

Le 22 juin 2021, Ahmed Samir Santawy, chercheur et étudiant en master, a été déclaré coupable de « diffusion de fausses informations depuis l’étranger sur la situation interne » et condamné à quatre ans par un tribunal d’exception, sur la base de publications sur les réseaux sociaux dont il a nié être l’auteur. Le 17 novembre 2021, Zyad el Elaimy, ancien parlementaire, a été condamné à cinq ans de prison, et les journalistes Hisham Fouad et Hossam Moanis à quatre ans de prison, pour avoir partagé des publications sur les réseaux sociaux et d’autres contenus critiquant le bilan en termes de droits humains et la politique économique de l’Égypte. Ils ont été déclarés coupables de « diffusion de fausses informations dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale ».

Le 23 août 2021, le service du procureur général de la sûreté de l’État a déféré Hoda Abdelmoniem, avocate spécialiste des droits humains, Ezzat Ghoniem, fondateur de l’ONG Coordination égyptienne pour les droits et les libertés, et 29 autres prévenus devant la Cour de sûreté de l’État, pour répondre de diffusion de « fausses informations » sur les atteintes aux droits humains imputables aux forces de sécurité sur une page Facebook et de diverses infractions liées au terrorisme.

Alaa Abdel Fattah et Mohamed Baker sont détenus dans des conditions inhumaines à la prison de haute sécurité n° 2 de Tora, au Caire. Les autorités carcérales les maintiennent dans des cellules exiguës et mal ventilées, sans lit ni matelas. À la différence des autres détenus, il leur est interdit de faire de l’exercice dans la cour de la prison, d’utiliser la bibliothèque et de faire parvenir à leurs frais des livres ou des journaux de l’extérieur. En outre, ils sont privés de vêtements adaptés, de radio, de montre, d’accès à l’eau chaude et d’effets personnels, comme des photos de famille. Lors d’une visite, Mohamed Baker a informé son épouse que du fait de ses déplacements limités et de ses conditions de détention déplorables, il souffrait maintenant de douleurs articulaires et musculaires. Les familles de Mohamed Baker et d’Alaa Abdel Fattah ont porté plainte au sujet du traitement qui leur était infligé en prison, notamment de leur exclusion de la campagne de vaccination contre le COVID-19 alors que les inquiétudes sont vives, les détenus étant transférés des prisons aux tribunaux sans équipements de protection individuelle et entassés dans des conditions d’hygiène déplorables. Aucune information n’a été communiquée sur les suites données à leurs plaintes. Le 13 septembre 2021, l’avocat et la famille d’Alaa Abdel Fattah ont tiré publiquement la sonnette d’alarme, le disant en « danger imminent » et disant craindre qu’il ne tente de se suicider, car ses conditions de détention déplorables ont des répercussions néfastes sur sa santé mentale.

Le 23 novembre 2020, le Journal officiel a publié la décision du tribunal pénal du Caire d’inscrire Mohamed Baker et Alaa Abdel Fattah sur la « liste des terroristes » pour une période de cinq ans, en dehors de toute procédure régulière, dans le cadre de l’affaire n° 1781/2019, instruite par le service du procureur général de la sûreté de l’État. Mohamed Baker et ses avocats n’étaient pas au courant qu’il faisait également l’objet d’une enquête dans le cadre de l’affaire n° 1781/2019 avant la publication de cette décision. Il n’a jamais été interrogé par le service du procureur général de la sûreté de l’État en lien avec cette affaire et n’a jamais reçu d’informations quant aux faits exacts qui lui étaient reprochés.

Alaa Abdel Fattah, militant politique et opposant au gouvernement bien connu, a été arrêté à plusieurs reprises ces dernières années, notamment en raison de sa participation au soulèvement de 2011. Mohamed Baker est un avocat spécialisé dans la défense des droits humains. Il dirige le Centre Adalah pour les droits et les libertés, qu’il a fondé en 2014. Ces deux hommes comptent parmi les milliers de personnes placées en détention arbitraire en Égypte pour avoir exercé pacifiquement leurs droits humains ou à l’issue de procès d’une iniquité flagrante, y compris de procès collectifs ou militaires.

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