Écrire Des militants indigènes privés du droit de se défendre

Le 20 mars, trois membres de la communauté indigène wichí de Chañaral seront jugés dans le cadre d’un procès oral pour avoir défendu leur territoire. Cette procédure judiciaire viole leur droit de se défendre et d’accéder à la justice.

Trois membres de la communauté wichí de Chañaral, qui vit dans la province de Salta (nord de l’Argentine), vont être jugés dans le cadre d’un procès qui ne respecte pas les garanties d’une procédure régulière pour avoir défendu leur territoire. Martín Acosta, Dalmacio Acosta et Demetrio Campos font l’objet de poursuites pénales pour menaces et dégradations engagées contre eux par un propriétaire terrien qui tente d’occuper les terres où leur communauté vit traditionnellement. Cette procédure fait suite à un incident qui a eu lieu en 2014 : les Wichís s’étaient alors opposés à un groupe de personnes qui avait posé des clôtures sur une partie de leurs terres ancestrales, entravant leur accès aux zones où ils allaient chasser et pêcher ainsi qu’à l’eau et au bois.

Depuis que les poursuites ont été engagées contre eux et qu’on leur a attribué un avocat commis d’office, ces militants indigènes affirment que celui-ci ne les a jamais contactés ni conseillés sur le plan juridique, ni même informés des charges retenues contre eux alors qu’il en avait connaissance. Par ailleurs, les pièces du dossier et les assignations en justice n’ont selon eux pas été traduites en langue wichí, ce qui rend leur défense impossible. L’un des prévenus est un enseignant bilingue qui comprend l’espagnol, mais les deux autres ne maîtrisent pas suffisamment cette langue pour comprendre les poursuites et les allégations dont ils font l’objet, étant donné qu’ils ne savent pas bien lire et écrire en espagnol. Ils vont donc être jugés dans le cadre d’un procès oral, sans véritable défense, alors qu’ils risquent une condamnation pénale pour ces faits.

Le ministère public a engagé les poursuites contre ces militants indigènes en partant du principe que les faits se sont déroulés dans la région de Palmar, qui se trouve sur un territoire traditionnel des Wichís appartenant aux communautés indigènes de Rivadavia Banda Norte, dans la province de Salta. Cette zone est aujourd’hui prise en compte en tant que territoire indigène dans le relevé foncier auquel les autorités argentines ont procédé à travers le pays afin de pouvoir répondre avec précision aux revendications des peuples indigènes sur leurs terres (aux termes de la Loi n° 26.160).

La communauté wichí de Chañaral qui vit dans la province de Salta se bat contre les avancées du secteur privé sur leur territoire. En 2013 et 2014, elle a signalé la pose de clôtures et de barrières sur ses terres ancestrales à de nombreuses reprises. Pour l’heure, Amnesty International n’a reçu aucune information faisant état d’une progression dans le traitement de ces plaintes.

En 2006, les autorités argentines ont adopté la Loi n° 26.160, qui ordonne la suspension des expulsions de communautés indigènes et charge l’Institut national pour les affaires indigènes (INAI) de mener une étude foncière sur le statut juridique des terres occupées par des communautés indigènes. Cependant, les prolongations et retards non justifiés après son entrée en vigueur ont entraîné jusqu’à présent un non-respect généralisé de la législation. Le relevé foncier concernant les terres de la communauté de Chañaral a commencé, mais il n’est pas encore terminé et cette communauté n’a toujours pas de titre de propriété collectif.

En 2016, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU], dans ses Observations finales concernant l’Argentine, a noté : « [B]ien que la législation reconnaisse le droit de propriété sur les terres traditionnellement occupées par les peuples autochtones, l’État partie ne garantit toujours pas la pleine jouissance et l’exercice effectif de ce droit. La loi no 26160 ordonne qu’il soit procédé au relevé ou à la délimitation des terres traditionnellement occupées par les peuples autochtones en vue de la régularisation de la propriété. Cependant, des difficultés ont été rencontrées et des retards enregistrés dans le relevé et la délimitation des terres, et le processus n’a pu être achevé que dans six provinces ; de plus, même dans les endroits où le processus a été mené à bonne fin, les résultats ne se sont pas traduits nécessairement par une reconnaissance de la possession et de la propriété communautaire. »

En 2012, à l’issue de sa visite en Argentine, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones avait dénoncé l’utilisation du droit pénal pour rendre passibles de poursuites les actions liées aux manifestations des peuples autochtones visant à résister aux expulsions et à revendiquer leurs droits légitimes, et il a appelé le gouvernement argentin à chercher des solutions pour trouver un juste équilibre entre le maintien de l’ordre public et le respect des normes internationales en matière de droits humains.

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