Écrire Des militants maintenus en détention arbitraire dans le contexte de la pandémie de covid-19

Le 18 mai 2020, le militant bien connu Alaa Abdel Fattah, détenu de manière arbitraire depuis septembre 2019 à la prison de sécurité maximale n° 2 de Tora, a mis fin à sa grève de la faim de 36 jours, observée pour protester contre la décision de prolonger sa détention lors d’une audience à laquelle il n’a pas été autorisé à assister.

Le placement en détention provisoire de l’avocat spécialiste des droits humains Mohamed el Baqer a également été prolongé de 45 jours en son absence, le privant du droit de contester sa détention arbitraire.

Alaa Abdel Fattah, militant politique et opposant au gouvernement bien connu, a été arrêté à plusieurs reprises ces dernières années, notamment en raison de son militantisme pacifique et de ses critiques à l’égard des autorités. Mohamed el Baqer est un avocat spécialisé dans la défense des droits humains. Il est le directeur du Centre Adalah pour les droits et les libertés, qu’il a fondé en 2014 et qui s’occupe de questions ayant trait à la justice pénale, au droit à l’éducation et aux droits des étudiants.

Le placement en détention d’Alaa Abdel Fattah et de Mohamed el Baqer s’inscrit dans le cadre de la plus vaste campagne d’arrestations menée depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdel Fattah al Sissi, en 2014.

Les 20 et 21 septembre 2019, des manifestations éparses ont eu lieu dans plusieurs villes en Égypte, réclamant la démission du président Abdel Fattah al Sissi. Ces manifestations ont été déclenchées par des appels à protester contre les allégations de corruption lancées par Mohamad Ali, ancien sous-traitant de l’armée qui a accusé de hauts gradés et le président d’avoir dilapidé l’argent public en se faisant construire de luxueuses propriétés.

Lorsqu’ils ont comparu devant le procureur pour interrogatoire le 9 octobre 2019, ils ont indiqué avoir subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements. La torture en détention infligée à Alaa Abdel Fattah et les mauvais traitements infligés à Mohamed el Baqer illustrent le recours à une extrême violence pour écraser la dissidence.

Mohamed el Baqer, également incarcéré dans la prison de sécurité maximale n° 2 de Tora, a reçu une visite de ses proches pour la dernière fois le 7 mars 2020. Le 18 avril 2020, les autorités de la prison ont autorisé sa famille à lui envoyer de la nourriture, des vitamines et une lettre, alors qu’une semaine auparavant elles avaient refusé le colis que la famille voulait lui faire parvenir.

Sa famille a par ailleurs reçu une lettre de sa part. Mohamed el Baqer souffre de plusieurs problèmes de santé, notamment d’asthme, de douleurs dans la poitrine, de douleurs au niveau des vertèbres dorsales et lombaires, et de problèmes rénaux, dont certains figurent sur la liste établie par l’Organisation mondiale de la santé des facteurs favorisant la survenue d’une infection au COVID-19. La surpopulation et les mauvaises conditions sanitaires dans les prisons égyptiennes, qui sont largement documentées, entraînent un risque accru de propagation des maladies infectieuses.

Le 15 mars 2020, le ministère égyptien de la Justice a suspendu toutes les audiences des tribunaux afin d’empêcher la propagation du COVID-19. Depuis début mai, des juges de « tribunaux itinérants en charge des affaires de terrorisme » ont prolongé la détention provisoire de pus de 1 600 personnes en l’absence de garanties d’une procédure régulière : les accusés n’étaient pas présents à l’audience et les avocats n’ont pas été autorisés à présenter leur défense. Alaa Abdel Fattah et Mohamed el Baqer, comme d’autres personnes placées en détention provisoire, n’ont pas été transférés pour assister à l’audience de renouvellement de leur détention.

Le 18 mars 2020, Laila Soueif, Mona Seif, Ahdaf Soueif (la tante d’Alaa Abdel Fattah) et la professeure d’université Rabab el Mahdi ont été arrêtées par les services de sécurité devant le siège du gouvernement au Caire, où elles manifestaient pacifiquement sur le trottoir pour réclamer la libération des détenus, compte tenu de leur crainte d’une épidémie de COVID-19 dans les prisons surpeuplées du pays. Le procureur les a accusées d’« incitation à manifester », de « diffusion de fausses informations » et de « possession de documents diffusant de fausses informations ». Il a ensuite ordonné leur remise en liberté dans l’attente des conclusions de l’enquête contre une caution de 5 000 livres égyptiennes (environ 290 euros).

Bien qu’elles aient versé la caution le jour même, elles ont été retenues jusqu’au lendemain sans aucun fondement juridique. Le 19 mars, Laila Soueif a été transférée dans les locaux du service du procureur général de la sûreté de l’État, au Nouveau Caire, où un procureur a ordonné sa libération contre une caution de 3 000 livres égyptiennes (environ 170 euros). Les quatre femmes ont ensuite été libérées dans la soirée.

Amnesty International a rassemblé des informations montrant qu’à la suite des manifestations de septembre 2019, les forces de sécurité égyptiennes ont procédé à de très nombreuses arrestations de manifestant·e·s, et arrêté des journalistes, des avocat·e·s spécialistes des droits humains, des militant·e·s et des responsables politiques, dans le but de réduire au silence ceux qui critiquent le gouvernement et d’empêcher de nouvelles manifestations. Elle a ainsi recensé 76 arrestations entre le 19 et le 29 septembre 2019 dans six villes. La Commission égyptienne pour les droits et les libertés, une ONG indépendante, a enregistré au moins 2 300 arrestations en marge des manifestations. D’après des avocats, de très nombreuses personnes arrêtées ont été relâchées sans avoir été interrogées, mais beaucoup d’autres sont maintenues en détention.

Le 29 mars 2019, Alaa Abdel Fattah a bénéficié d’une libération assortie d’une mise à l’épreuve après avoir purgé une peine injustifiée de cinq ans d’emprisonnement pour avoir participé à une manifestation pacifique. Cette mesure l’obligeait à passer chaque nuit 12 heures dans un poste de police pendant cinq ans. Le 29 septembre 2019, il n’est pas ressorti du poste de police de Dokki, au Caire, où il passait ses nuits. La police a indiqué à sa mère qu’il avait été conduit par des fonctionnaires de l’Agence de sécurité nationale au service du procureur général de la sûreté de l’État (SSSP). Plus tard ce jour-là, Mohamed el Baqer est entré dans le bâtiment du SSSP pour assurer sa défense.

Selon leurs familles et leurs amis, le lieu de détention des deux hommes est resté inconnu jusqu’au 1er octobre 2019, date à laquelle ils ont comparu devant un juge à la prison de sécurité maximale n° 2 de Tora pour la première fois depuis leur arrestation. L’interrogatoire était centré sur le travail de Mohamed el Baqer et le procureur n’a présenté aucun élément à charge contre lui, à l’exception d’un dossier d’enquête de l’Agence de sécurité nationale que ni lui ni son avocat n’ont pu examiner.

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