Écrire Des militants pacifiques pachtounes visés par une procédure judiciaire

Une procédure pénale a été ouverte contre Manzoor Pashteen et d’autres responsables du Pashtun Tahaffuz Movement (Mouvement pour la protection des Pachtounes), qui militent pacifiquement en faveur de l’égalité et réclament justice pour les violations des droits humains subies par les Pachtounes.

Un procès-verbal introductif a été rédigé le 13 mars 2018 par la police de Qilla Saifullah, dans la province du Baloutchistan (sud-ouest du Pakistan), signifiant qu’une plainte avait été déposée contre Manzoor Pashteen, Haji Hidayatullah, Ali Wazir, Khan Zaman Kakar et Nawab Ayaz Khan Jogezai. Ces hommes sont mis en cause pour « provocations dans l’intention de susciter une émeute » et pour avoir « encouragé l’inimitié entre groupes » au titre des articles 153 et 153a, respectivement, du Code pénal draconien en vigueur au Pakistan.

Cette affaire, montée de toutes pièces, ressemble à une tentative visant à porter atteinte au Pashtun Tahaffuz Movement (PTM, Mouvement pour la protection des Pachtounes) et à punir ses dirigeants parce qu’ils ont exercé leurs droits à la liberté d’expression et de réunion. Le PTM est un mouvement populaire et pacifique qui réclame que les Pachtounes soient traités comme les autres Pakistanais et que cessent la discrimination systémique et les violations des droits fondamentaux auxquelles ils sont confrontés.

Le mouvement s’est retrouvé au centre de l’attention lorsqu’un sit-in a été organisé à Islamabad en février 2018, auquel ont participé des milliers de personnes ; en l’absence de progrès de la part du gouvernement civil en ce qui concerne le respect de ses engagements, le PTM continue de militer pour l’égalité et de réclamer justice pour les violations des droits humains dans tout le pays. Le dernier rassemblement en date de ce que certains appellent désormais « la longue marche des Pachtounes » a eu lieu à Zhob, au Baloutchistan, quelques jours avant l’ouverture de la procédure judiciaire.

Le Pashtun Tahaffuz Movement (PTM, Mouvement pour la défense des Pachtounes) s’est retrouvé au centre de l’attention après l’exécution extrajudiciaire de Naqeebullah Mehsud à Karachi, capitale de la province pakistanaise de Sind, en janvier 2018. Naqeebullah Mehsud, propriétaire d’un magasin de vêtements et connu comme mannequin sur les réseaux sociaux, a été exécuté de façon extrajudiciaire par la police de Karachi, qui l’avait accusé de faire partie des combattants talibans du Pakistan.

Une équipe de trois enquêteurs dirigée par Sanaullah Abbasi, inspecteur général adjoint de la brigade antiterroriste, a établi qu’il n’avait en réalité aucun lien avec ce groupe armé. Un haut gradé de la police de Karachi, Rao Anwar, a été désigné comme responsable de l’exécution et a pris la fuite.

L’homicide de Naqeebullah Mehsud a déclenché des manifestations de grande ampleur, menées entre autres par Manzoor Pashteen, 26 ans, chef de file du PTM. Les manifestants réclamaient que Rao Anwar soit amené à rendre des comptes, que les exécutions extrajudiciaires prennent fin, que la zone tribale du Waziristan du Sud, d’où est originaire la tribu Mehsud, soit déminée, et que toutes les victimes de disparitions forcées soient présentées devant un tribunal.

Les manifestations pacifiques organisées par le PTM ont attiré un grand nombre de Pachtounes lassés de subir depuis vingt ans une discrimination systémique liée aux opérations militaires menées par les forces de sécurité du pays contre les talibans pakistanais basés dans les zones tribales. Ces opérations se sont souvent traduites par des déplacements massifs de population, des manœuvres de harcèlement et de surveillance, des détentions arbitraires, des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées.

En février 2018, le PTM a organisé à Islamabad un rassemblement auquel ont participé des milliers de personnes, afin de réitérer ses appels à l’égalité de traitement et à la justice pour les violations des droits humains. Les manifestants ont afflué en nombre de différentes parties du pays, en particulier de Karachi, de la vallée de Swat et des zones tribales. Les principaux médias du pays ont évité de rendre compte des manifestations, peut-être en raison de pressions de la part des autorités visant à limiter l’information du public à ce sujet. Le gouvernement civil a néanmoins rencontré les chefs de file des manifestants et signé avec eux un accord leur assurant que leurs préoccupations seraient entendues. Une fois l’accord obtenu, les manifestants se sont dispersés.

Depuis, aucun progrès n’a été constaté concernant le respect par le gouvernement civil de ses engagements. Entre-temps, le PTM a conduit la « longue marche des Pachtounes », comme sont désormais désignées ces manifestations, dans d’autres parties du pays. Le dernier rassemblement en date a eu lieu à Zhob, dans la province du Baloutchistan. La procédure pénale visant Manzoor Pashteen et d’autres responsables du PTM a été ouverte à peine quelques jours plus tard.

Cette procédure est également intervenue alors que prenait fin l’Examen périodique universel du Pakistan devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève, à l’issue duquel les autorités pakistanaises ont accepté les recommandations faites par plusieurs États de protéger la liberté d’expression et les défenseurs des droits humains - des engagements remis en question à la lumière de l’affaire ouverte contre le PTM. Le Pakistan a été élu au Conseil des droits de l’homme en octobre 2017 et a entamé son mandat en janvier 2018. En tant que membre du Conseil, il est tenu d’observer « les normes les plus strictes en matière de promotion et de protection des droits de l’homme ».

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