Écrire Des militants papous risquent la réclusion a perpétuité

Six militant.es politiques ont été arrêtés à Djakarta, en Indonésie, après avoir fait campagne pacifiquement en faveur du droit à l’autodétermination de la Papouasie.
Inculpées de « rébellion » (makar), ces personnes sont des prisonniers d’opinion ; elles doivent donc être libérées immédiatement et sans condition.

Les 30 et 31 août, des policiers de différentes régions indonésiennes ont arrêté huit militantes et militants politiques soupçonnés d’avoir organisé une manifestation pacifique devant le Palais présidentiel à Djakarta le 28 août, à la suite de violences racistes contre des étudiants papous à Surabaya et à Malang, dans la province de Java-Est. Pendant cette action de protestation, certaines des personnes qui manifestaient ont brandi le drapeau représentant « l’Étoile du matin », emblème interdit de l’indépendance papoue.

Le 30 août, vers 18 heures (heure locale), des policiers en civil ont arrêté Dano (Anes) Tabuni et Carles Kosay dans leur logement de location à Depok, dans la province de Java-Ouest. Ils n’ont pas présenté de mandat d’arrêt ; de plus, pendant l’arrestation, un policier a braqué une arme en direction des étudiants papous. Le 31 août, des agents de la police régionale de Djakarta ont appréhendé Ambrosius Mulait et Isay Wenda, qui avaient manifesté la veille avec des dizaines d’autres étudiants papous devant le siège de la police de Djakarta. Le même jour, vers 19 heures, des policiers en civil ont arrêté Naliana Lokbere, Arina Lokbere et Norince Kogoya à leur domicile, à Djakarta-Sud, sans présenter de mandat d’arrêt. Lorsqu’une des étudiantes a voulu se changer, un policier lui a dit, de manière insultante : « Vous les Papous, en général, vous ne portez pas de vêtements ». Enfin, le 31 août, vers 20 heures, des policiers en civil ont arrêté Surya Anta Ginting au Plaza Indonesia, un centre commercial du centre de Djakarta, sans présenter de mandat d’arrêt. Surya Anta Ginting est porte-parole du Front populaire indonésien pour la Papouasie occidentale, une organisation de la société civile qui plaide pacifiquement en faveur de l’autodétermination de la Papouasie.

Le 1er septembre, la police a libéré Naliana Lokbere et Norince Kogoya sans inculpation, mais les six autres militant.es ont été maintenus en détention et inculpés au titre des articles 106 et 110 du Code pénal. L’article 106 du Code pénal permet aux autorités de condamner une personne « à la réclusion à perpétuité ou à une peine maximale de vingt ans de réclusion pour makar visant à amener le territoire national entièrement ou partiellement sous domination étrangère ou à obtenir la séparation d’une partie dudit territoire. » L’article 110 dispose que la conspiration en vue de makar est passible de sanctions au titre de l’article 106. Ces 10 dernières années, les autorités indonésiennes ont utilisé ces dispositions pour poursuivre des dizaines de militant.es politiques indépendantistes pacifiques.

Les articles relatifs au makar font partie de la section du Code pénal indonésien consacrée aux atteintes à la sûreté de l’État, ce qui fait que si les personnes poursuivies peuvent recourir aux services d’avocats, ceux-ci peuvent uniquement observer les interrogatoires, et non entendre leur contenu.

Ces 10 dernières années, les activités politiques indépendantistes se sont accrues en Papouasie, notamment celles menées par des étudiantes et étudiants et par des jeunes. Ces personnes organisent régulièrement des manifestations de grande ampleur dans plusieurs villes, en Papouasie et au-dehors, pour réclamer un référendum d’autodétermination. Les forces de sécurité recourent souvent à des mesures répressives contre ces militantes et militants, par exemple à des interdictions générales des manifestations pacifiques, des arrestations de grande ampleur et des poursuites au titre des dispositions du Code pénal relatives au makar. Des militants politiques indépendantistes papous ont également été victimes d’homicides illégaux commis par les forces de sécurité.

Amnesty International ne prend aucunement position sur le statut politique des provinces d’Indonésie, ni sur les appels à l’indépendance. Cependant, l’organisation estime que le droit à la liberté d’expression protège le droit de militer pacifiquement en faveur de l’indépendance ou de toute autre option politique n’impliquant pas d’incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence. Elle reconnaît qu’il y a incontestablement eu des cas de violences commises par des acteurs non étatiques en Papouasie dernièrement, et que les autorités indonésiennes peuvent utiliser le droit pénal interne pour faire face à des attaques violentes. Toutefois, les autorités n’ont jamais fait la distinction entre les groupes armés qui commettent des attaques violentes et les militants pacifiques, ni entre l’expression pacifique d’opinions et les actes de violence physique.

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