Ces cinq militants ont manifesté pacifiquement à Alexandrie contre la décision qu’a prise l’Égypte de rétrocéder deux îles, Tiran et Sanafir, au Royaume d’Arabie saoudite. Ce jour-là, les forces de sécurité n’ont arrêté aucun manifestant. Cependant, le parquet de Montazah, à Alexandrie, a inculpé les cinq militants de « participation à une manifestation non autorisée », de « démonstration de force » et d’« outrage au président », avant de les renvoyer devant le tribunal correctionnel de Montazah. La première audience devait avoir lieu le 19 septembre mais elle a été reportée au 17 octobre, puis au 18 novembre.
Les forces de sécurité ont arrêté au moins 240 militants politiques et manifestants entre avril et septembre 2017 pour des infractions allant de la tenue en ligne de propos considérés comme « outrageants » pour le président à la participation à des manifestations non autorisées. La plupart d’entre eux ont été condamnés au titre des lois n° 107/2013 et 10/1914 relatives aux manifestations.
La loi n° 107/2013 relative aux manifestations, adoptée en novembre 2013, confère au ministère de l’Intérieur de vastes pouvoirs discrétionnaires en ce qui concerne les manifestations pacifiques. Selon ses dispositions, les organisateurs doivent communiquer toutes les informations relatives à des rassemblements de plus de 10 personnes au ministère de l’Intérieur au moins trois jours à l’avance. Cette loi permet également au ministère de l’Intérieur d’annuler un défilé ou de modifier son itinéraire. Cela signifie que les manifestations ne peuvent avoir lieu qu’avec l’autorisation préalable de ce ministère, ce qui est contraire au droit international et aux normes internationales. De plus, ce texte autorise les forces de sécurité à utiliser la force contre tout manifestant présumé avoir commis « une infraction punie par la loi », ce qui risque de favoriser le recours à une force inutile ou excessive. Les manifestants déclarés coupables d’avoir enfreint cette loi encourent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 livres égyptiennes (soit près de 11 000 euros).
La loi n°10/1914 relative aux rassemblements, la plus ancienne des lois encore en vigueur en Égypte, prévoit des peines sévères pour les rassemblements pacifiques dans le cas où certaines infractions au libellé vague (atteinte à l’ordre public ou perturbation de la paix publique, par exemple) sont commises pendant une manifestation – jusqu’à 25 ans de prison, si ces infractions s’accompagnent de la destruction de biens.
La loi n° 107/2013 prévoit une période de mise à l’épreuve à l’issue de la peine d’emprisonnement. Amnesty International a indiqué que certaines utilisations de la mise à l’épreuve en Égypte équivalaient à une privation de liberté (pour plus d’informations, voir : www.amnesty.org/en/latest/news/2017/03/egypt-punitive-probation-measures-latest-tactic-used-to-harass-activists/).
Mahienour El Masry est une éminente avocate spécialiste des droits humains qui exerce à Alexandrie, où elle joue un rôle de premier plan dans la défense des droits des travailleurs, des femmes et des réfugiés. En 2014, alors qu’elle était détenue pour avoir exercé son droit à la liberté de réunion, elle a reçu le prestigieux prix international des droits de l’homme Ludovic-Trarieux, décerné chaque année à un avocat qui défend le respect des droits fondamentaux.
En février 2015, Mahienour El Masry a été condamnée à deux années d’emprisonnement. Le 11 mai 2015, la cour d’appel a ramené cette peine à un an et trois mois d’emprisonnement. Mahienour El Masry a été déclarée coupable d’avoir « manifesté sans autorisation », « détérioré des biens de la police », « attaqué les forces de sécurité »et « menacé la sécurité publique ». L’affaire a débuté le 29 mars 2013, quand Mahienour El Masry a participé à une manifestation devant le poste de police d’al Raml, à Alexandrie. Il s’agissait d’un rassemblement de solidarité envers des avocats détenus et interrogés dans le poste de police parce qu’ils avaient accusé des policiers de les avoir agressés verbalement et physiquement. Le 13 août 2016, Mahienour El Masry a été remise en liberté, après avoir purgé sa peine d’emprisonnement d’un an et trois mois.