Écrire Des militants risquent la prison pour avoir organisé un rassemblement pacifique

Une vague d’arrestations de militants a eu lieu en mai au Kazakhstan. Le but était d’empêcher la participation de ces personnes à des manifestations pacifiques dans plusieurs villes du pays. Depuis, trois d’entre elles sont toujours détenues et risquent de faire l’objet de poursuites pénales. Ces militants sont des prisonniers d’opinion détenus uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

Max Bokaïev, Talgat Ayan et Janat Essentaïev faisaient partie des militants arrêtés dans les jours précédant le 21 mai, jour où plusieurs manifestations contre des modifications du Code foncier avaient été organisées dans tout le Kazakhstan.

Max Bokaïev et Talgat Ayan ont été arrêtés le 17 mai à Atyrau, dans l’ouest du Kazakhstan, après avoir annoncé publiquement leur intention de participer aux manifestations du 21 mai et encouragé d’autres personnes à faire de même. Ils ont été condamnés à 15 jours de détention administrative au titre de l’article 488 du Code des infractions administratives, pour avoir « enfreint la législation de la République du Kazakhstan sur l’organisation et la tenue de rassemblements pacifiques ». Le même jour, Janat Essentaïev a été arrêté à Ural’sk, dans le nord-ouest du Kazakhstan, et a été inculpé d’« incitation à la discorde sociale, nationale, clanique, raciale, entre les classes ou religieuse » au titre de l’article 174 du Code pénal du Kazakhstan. Cette infraction est passible d’une peine de sept ans d’emprisonnement (20 ans si elle est commise par un groupe criminel). Ces trois hommes avaient demandé aux autorités locales de leurs villes respectives l’autorisation d’organiser des manifestations le 21 mai, comme le requiert la législation nationale.

Le 31 mai, un jour avant l’expiration de leur détention administrative, Max Bokaïev et Talgat Ayan ont été inculpés de « propagande et appels publics à prendre ou garder le pouvoir, et de prise ou conservation du pouvoir ou de changement de l’ordre constitutionnel de la République du Kazakhstan par la violence » au titre de l’article 179 du Code pénal. Ils ont été placés en détention provisoire pour trois mois à Atyrau. S’ils sont déclarés coupables, ils risquent jusqu’à 15 ans de prison. D’après le bureau régional du Comité kazakh pour la sécurité nationale, Max Bokaïev et Talgat Ayan, entre autres, ont influencé l’opinion publique de manière négative sur le sujet des modifications apportées au Code foncier, appelé à manifester dans plusieurs villes du Kazakhstan et « prévu de provoquer des émeutes de grande ampleur lors d’une manifestation, ainsi que d’opposer une résistance armée aux autorités chargées de l’application des lois ». Janat Essentaïev est toujours en détention provisoire à Ural’sk.

Des manifestations ont eu lieu dans tout le pays depuis la fin avril jusqu’au mois de mai pour protester contre des modifications du Code foncier. Celles-ci permettraient de privatiser des terres agricoles non utilisées appartenant à l’État, de les vendre à des citoyens du Kazakhstan ou de les louer à des personnes étrangères pour une durée pouvant aller jusqu’à 25 ans. Un moratoire présidentiel sur ces modifications a été mis en place en mai, ce qui signifie qu’elles ont été abandonnées pour l’instant. Cependant, les manifestations continuent.

D’autres manifestations étaient prévues pour le 21 mai, mais les organisateurs qui ont demandé aux autorités locales l’autorisation d’organiser des rassemblements, comme le requiert la législation nationale, se sont tous vu opposer un refus arbitraire. Néanmoins, ce jour-là, dans plusieurs villes du Kazakhstan, des personnes ont tenté de se rendre dans les centres-villes pour manifester pacifiquement. Les rassemblements étaient relativement petits, entre plusieurs dizaines (dans la plupart des villes) et plusieurs centaines de personnes. Dans la plupart des villes, les rassemblements ont été dispersés par la police. Il n’a été fait état d’aucune violence.

Dans les jours précédant le 21 mai, au moins 34 militants ont été arrêtés et condamnés à des peines de détention administrative (pouvant aller jusqu’à 15 jours), tandis que les autorités ont tenté de dissimuler les informations sur les manifestations prévues et de mettre derrière les barreaux les personnes identifiées comme « organisateurs » (voir : https://www.amnesty.org/fr/documents/eur57/4141/2016/fr/).

La plupart des personnes arrêtées entre le 17 et le 20 mai n’avaient rien fait de plus que d’utiliser les médias sociaux pour annoncer leur intention de participer aux manifestations prévues ou fournir des informations sur ces manifestations. Le 21 mai, des personnes ont fait part de difficultés à accéder à Facebook et Google, tandis que l’accès à YouTube et Periscope (une plate-forme de partage de vidéos en ligne) était bloqué, probablement pour empêcher le partage d’informations et la mise en ligne de vidéos des manifestations ou des interventions policières. La majorité des personnes détenues ont été libérées, mais certaines d’entre elles ont reçu une amende ou ont été condamnées à des peines de détention administrative allant de 10 à 15 jours.

Le 27 mai, un communiqué de presse publié sur le site officiel du Bureau du procureur général a décrit les manifestations comme un « enchaînement d’événements » que « certains individus » voulaient utiliser pour « déstabiliser la situation socio-politique, inciter à la discorde interethnique et prendre le pouvoir ». Il indiquait que des poursuites pénales avaient été engagées contre plusieurs personnes liées à ces événements, mais il ne précisait pas de qui il s’agissait.

La liberté de réunion pacifique est extrêmement limitée au Kazakhstan. Toute manifestation de rue nécessite l’autorisation des autorités locales – autorisation qui est souvent refusée ou, lorsqu’elle est accordée, est assortie d’une obligation d’organiser l’événement à la périphérie des villes. Les atteintes aux règles relatives à l’organisation de rassemblements, notamment l’organisation ou la participation à des manifestations non autorisées, sont passibles d’une peine de 75 jours de détention administrative (articles 155 et 400 du Code pénal et article 488 du Code des infractions administratives).

Le droit à la liberté de réunion pacifique est inscrit dans des traités internationaux relatifs aux droits humains qui sont juridiquement contraignants et que le Kazakhstan a ratifiés, notamment dans les articles 19 et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ce droit, comme l’exposent le droit et les normes internationaux, ne devrait pas être soumis à l’autorisation des autorités gouvernementales. Les autorités peuvent demander à être préalablement informées des rassemblements, afin de faciliter le droit de réunion pacifique et de prendre des mesures visant à protéger la sécurité publique ou les droits des autres personnes, mais cela ne doit pas se traduire par l’obligation d’obtenir une autorisation préalable pour de telles manifestations.

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