Écrire Des milliers de manifestant·e·s arrêtés arbitrairement

Arif Sohel, Rony Sheikh et Sabir Rahman sont trois des plus de 10 000 personnes (étudiant·e·s, membres de l’opposition et passant·e·s) qui ont été arrêtés en juillet 2024, dans le cadre de l’intense répression du gouvernement contre les manifestant·e·s.

Les familles de ces trois étudiants affirment que ni elles ni leurs avocats n’ont pu s’entretenir avec les jeunes gens, et craignent qu’ils ne soient soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en détention.

La réaction brutale du gouvernement a fait plus de 200 morts, parmi lesquels des journalistes et des passant·e·s.

Les autorités bangladaises doivent immédiatement mettre fin aux arrestations massives, libérer tous les manifestant·e·s détenus uniquement pour avoir exercé leurs droits fondamentaux, et garantir le droit à un procès équitable pour toutes les personnes détenues.

Depuis le 1er juillet 2024, le Bangladesh est le théâtre de manifestations de grande ampleur, après le rétablissement d’un quota controversé de 30 % d’emplois de la fonction publique réservés aux descendant·e·s des anciens combattants de la guerre d’indépendance. De nombreuses personnes, en particulier des étudiant·e·s, considèrent que ce quota, précédemment aboli en 2018 en raison de manifestations similaires, favorise de manière disproportionnée les sympathisant·e·s du parti au pouvoir.

Les manifestations, largement pacifiques au départ, sont devenues violentes après que des manifestant·e·s ont été attaqués, semble-t-il par des membres de la Ligue Chhatra du Bangladesh affiliée au parti au pouvoir, le 15 juillet à l’Université de Dacca et dans d’autres institutions. Des tiges de fer, des bâtons, des briques et des armes à feu ont été utilisés dans le cadre de ces attaques, faisant de nombreux blessés et donnant lieu à des tensions croissantes dans tout le pays. Les autorités ont depuis lors arrêté des milliers de manifestant·e·s.

Arif Sohel, étudiant à l’université Jahangirnagar de Dacca, a été emmené par un groupe vêtu en civil le 27 juillet. Il a fallu attendre 36 heures avant de savoir où il se trouvait, et sa famille n’a pas encore été autorisée à le voir. Ses amis affirment qu’il n’était absolument pas sur les lieux des infractions dont la police l’accuse, que les accusations portées contre lui sont fausses et qu’il a été pris pour cible pour avoir organisé les manifestations.

Rony, 18 ans, passait son certificat d’études secondaires supérieures lorsqu’il a été arrêté. Selon des membres de sa famille, les autorités se sont rendues à la résidence où il louait une chambre, ont fouillé son téléphone portable et l’ont arrêté car il avait des vidéos des manifestations sur cet appareil. Il n’a pas encore pu contacter son avocat ni sa famille.

Sabir est un étudiant de quatrième année en urbanisme à l’université de Jahangirnagar. Il a été arrêté pendant la journée, vers midi, pendant les manifestations. D’autres personnes manifestaient avec lui devant leur université. Sa mère a été autorisée à lui rendre visite une fois pendant 10 minutes depuis son arrestation le 18 juillet – et elle a vu des traces de coups sur son corps.

La situation s’est encore détériorée le 19 juillet, jour où la répression a été la plus meurtrière ; 75 décès ont été signalés en une journée. Le gouvernement a riposté en déployant des forces militaires et paramilitaires telles que le Bataillon d’action rapide et les gardes-frontières du Bangladesh, et en imposant un couvre-feu assorti de l’ordre de « tirer à vue », ainsi qu’une coupure d’Internet à l’échelle nationale.

Amnesty International a confirmé plusieurs cas de recours illégal à la force, notamment l’homicide d’Abu Sayed, un étudiant de 25 ans qui a été abattu par des policiers à une distance de 15 mètres alors qu’il ne représentait aucune menace. La police métropolitaine de Dacca a encore aggravé la situation en interdisant les rassemblements et processions dans la capitale, ce qui a donné lieu à des tactiques plus agressives de la part des forces de sécurité, notamment l’utilisation illégale de gaz lacrymogène, de balles en caoutchouc, de grenades assourdissantes et de fusils d’assaut.

Au 31 juillet 2024, plus de 200 personnes avaient été tuées (145 selon les statistiques du gouvernement), des milliers blessées et plus de 10 000 arrêtées. La plupart d’entre elles sont inculpées dans le cadre de rapports d’incident collectifs. Selon les médias, ces arrestations de masse ont été effectuées par diverses forces de sécurité qui ont coupé la connexion Internet dans les quartiers dans lesquels elles ont fait des descentes et ont arrêté des étudiants à leur domicile. Trois étudiants qui étaient soignés à l’hôpital ont dû quitter les lieux sous la contrainte et été placés en détention. Le ministre de la Justice a toutefois déclaré que ces étudiants avaient été incarcérés pour leur propre sécurité.

Le droit international indique clairement comment les autorités chargées de l’application des lois doivent réagir lorsque certains manifestant·e·s deviennent violents. Selon l’Observation générale n° 37 du Comité des droits de l’homme des Nations unies sur le droit de réunion pacifique, les participant·e·s à un rassemblement ne peuvent être tenus responsables d’actes de violence isolés commis par certaines personnes seulement. Par ailleurs, même lorsqu’une personne a un comportement violent (ce qui la place hors du champ de protection du droit à la liberté de réunion pacifique), ses autres droits doivent continuer à être protégés. Il est primordial que le recours illégal à la violence par les forces de sécurité fasse l’objet d’enquêtes et que les responsables soient amenés à répondre de leurs actes.

Cette crise met en évidence un modèle plus large de répression au Bangladesh, où des lois comme la Loi de 2018 sur la sécurité numérique et la Loi de 2023 sur la cybersécurité, qui lui a fait suite, sont utilisées dans le but d’étouffer l’opposition et la liberté d’expression.

L’intervention de la communauté internationale est cruciale pour faire pression sur le gouvernement bangladais afin qu’il respecte ses obligations en matière de droits humains et rétablisse la confiance du public dans l’état de droit.

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