Écrire Les modifications législatives menaçant des droits fondamentaux doivent être stoppées

Deux modifications législatives portant atteinte au droit à un recours effectif et au droit à un procès équitable ont été adoptées par le Parlement polonais le 15 juillet. Le président a à présent la possibilité de refuser de ratifier ces textes. Cette ratification peut intervenir à tout moment.

Le Parlement polonais a adopté des modifications de la Loi relative au Conseil national de la magistrature et de la Loi sur les tribunaux de droit commun qui renforcent le contrôle exercé par le gouvernement sur le pouvoir judiciaire, et menacent son indépendance ainsi que les droits à un recours effectif et à un procès équitable. À la suite de leur adoption par le Sénat, le 15 juillet, ces modifications législatives doivent à présent être ratifiées par le président pour pouvoir entrer en vigueur. Cette ratification peut intervenir à tout moment.

Une autre modification législative, portant sur la Loi relative à la Cour suprême, doit être examinée par la chambre basse du Parlement (Sejm) le 18 juillet, ce qui soulève d’autres inquiétudes encore quant à la volonté du gouvernement d’exercer un contrôle politique sur le pouvoir judiciaire. Ce texte est actuellement en première audience parlementaire.

Toutes ces modifications législatives portent atteinte aux droits à un recours effectif et à un procès équitable, prévus par l’article 45 de la Constitution de la République de Pologne, ainsi que par les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, et les articles 2(3) et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que la Pologne est tenue de respecter en tant qu’État partie à ces traités. Ces modifications législatives sont en outre incompatibles avec l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Depuis novembre 2015, le gouvernement polonais prend des mesures qui sapent dans les faits le principe d’état de droit et la protection des droits humains. Ces mesures ont conduit des ONG et des organes internationaux à sonner l’alarme au sujet des répercussions que ces modifications législatives pourraient avoir sur la liberté d’expression, la liberté de réunion, le droit au respect de la vie privée, les droits sexuels et reproductifs des femmes et la protection contre les crimes motivés par la haine. Il y a un an, en juillet 2016, la Commission européenne a émis une recommandation au titre du cadre pour l’État de droit dans laquelle elle constatait « une menace systématique pesant sur l’état de droit en Pologne ». Cette procédure n’a pour l’heure débouché sur aucun résultat particulier, et la situation dans le pays se dégrade de mois en mois. Des dizaines de militants sont poursuivis en justice pour leur participation à des manifestations pacifiques. Plus de 200 journalistes de médias publics ont été licenciés ou ont démissionné. Quelque 500 procureurs ont été rétrogradés ou contraints à partir à la retraite. Un grand nombre de fonctionnaires ont démissionné. C’est à présent le pouvoir judiciaire qui est pris pour cible.

La modification législative portant sur la Loi relative au Conseil national de la magistrature (CNM), l’organe chargé de garantir l’indépendance des tribunaux et des juges, accroît le nombre de juges nommés par la chambre basse du Parlement, avec 15 juges supplémentaires, le portant à un total de 25. Cette augmentation du nombre de membres du CNM nommés par le Parlement est contraire à la Constitution de la Pologne, qui le limite à six membres. De plus, cette réforme réduit les pouvoirs des membres du CNM en ce qui concerne la nomination des juges, tout en élargissant les pouvoirs du ministre de la Justice.

Dans la nuit du 15 juillet, le Parlement a aussi adopté une modification de la Loi sur les tribunaux de droit commun. Cette réforme donne au ministre de la Justice le pouvoir de nommer les présidents et vice-présidents des tribunaux. Elle modifie en outre la procédure pour l’avancement des juges, qui ne précise pas les critères retenus pour l’avancement, ce qui introduit un élément d’arbitraire. Cette mesure vise une fois de plus à concentrer dans les mains du ministre de la Justice les pouvoirs sur tout le système judiciaire. Cela viole clairement le principe d’indépendance du pouvoir judiciaire, et va à l’encontre des obligations de la Pologne découlant de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 14(1) du PIDCP, de l’article 45 de la Constitution de la République de Pologne et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Ces attaques portées contre le pouvoir judiciaire ne sont ni nouvelles ni des cas isolés. Déjà en 2016, le gouvernement avait mis en œuvre un certain nombre de modifications législatives problématiques concernant le fonctionnement et la composition du Tribunal constitutionnel, qui nuisaient gravement à son indépendance, si bien que la Commission européenne a émis une recommandation au titre du cadre pour l’État de droit dans laquelle elle constatait « une menace systématique pesant sur l’état de droit en Pologne ». De plus, à la suite de la fusion des postes de procureur général et de ministre de la Justice résultant d’une modification de la Loi relative au ministère public, pas moins de 500 procureurs sur un total de 6 000 en Pologne ont été soit rétrogradés, soit transférés, soit contraints à partir à la retraite. Les modifications de la Loi relative au ministère public ont également élargi les pouvoirs du procureur général, ce poste étant à présent occupé par la personne qui occupe également celui de ministre de la Justice, notamment avec le pouvoir d’intervenir à chaque étape de la procédure menée par un procureur, en donnant des instructions.

Une troisième modification législative, portant sur la Loi relative à la Cour suprême, doit être examinée par la chambre basse du Parlement (Sejm) le 18 juillet. Si cette réforme entre en vigueur, le lendemain tous les juges actuels de la Cour suprême devront prendre leur retraite. Le ministre de la Justice aura aussi le pouvoir de décider d’exceptions à cette règle en prorogeant le mandat de certains de ces juges. Le ministre disposera de nouvelles compétences concernant la procédure disciplinaire s’appliquant aux juges de la Cour suprême.

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