Écrire Un musicien et un réalisateur entament une grève de la faim en prison

Les frères iraniens Mehdi Rajabian et Hossein Rajabian ont entamé une grève de la faim le 8 septembre pour protester contre le refus des autorités de leur accorder une permission pour raisons médicales et contre la décision de les placer dans deux sections différentes de la prison d’Evin, à Téhéran. Leur état de santé s’est dégradé.

Mehdi Rajabian (musicien) et son frère Hossein Rajabian (réalisateur), qui ont commencé à purger leurs peines de trois ans d’emprisonnement le 4 juin, ont entamé une grève de la faim le 8 septembre. Ils protestent contre le refus du parquet de leur accorder une permission pour raisons médicales et contre la décision des autorités de les placer dans deux sections différentes de la prison, décision intervenue peu après le début de leur action. Ils n’ont pas pu se revoir depuis lors et sont tous les deux en mauvaise santé.

À la suite d’un examen en imagerie par résonance magnétique (IRM), un neurologue a indiqué à Mehdi Rajabian qu’il souffrait peut-être d’une sclérose en plaques (SEP), pathologie nécessitant des soins immédiats, et devait passer rapidement des examens visant à établir un diagnostic. Jusqu’à récemment, Mehdi Rajabian était privé du traitement qui, selon son médecin, est indispensable pour retarder la manifestation des symptômes de la SEP. Par ailleurs, il est victime d’attaques depuis que des agents des forces de sécurité l’ont battu après on arrestation, en octobre 2013. Il a notamment eu une crise le 10 septembre et a été emmené à l’infirmerie de la prison.

Hossein Rajabian, quant à lui, souffrait déjà de problèmes rénaux avant son incarcération et est en proie à des symptômes aigus proches de la fièvre. Quelques heures après avoir commencé sa grève de la faim, il a été emmené à l’infirmerie de la prison pour un examen de sang qui a révélé un taux élevé de globules blancs. Il a ensuite été conduit, pieds et poings liés, dans un hôpital de ville mais n’a pas bénéficié des soins adéquats avant de regagner la prison.
Le 26 avril 2015, à l’issue d’un procès qui a duré trois minutes, un tribunal révolutionnaire a condamné Mehdi et Hossein Rajabian à six ans d’emprisonnement et à une amende pour des charges liées à leurs activités artistiques, notamment « atteinte aux valeurs sacrées de l’islam » et « activités audiovisuelles illégales ». Une cour d’appel a ensuite statué qu’ils devaient purger la moitié de leurs peines d’emprisonnement, soit trois années au lieu de six. Celle-ci avait assorti le reste de leur peine d’un sursis de cinq ans, sous réserve de « bonne conduite ». Le procès a été entaché d’irrégularités flagrantes.

Avant leur arrestation, en octobre 2013, Mehdi et Hossein Rajabian ont été détenus pendant deux mois à l’isolement, où ils ont raconté avoir été frappés et soumis à des décharges électriques dans le but de leur extorquer des « aveux » filmés. Leurs « aveux » ont été utilisés à titre de preuve afin de garantir leur condamnation, alors qu’ils avaient déclaré au juge qu’ils leur avaient été extorqués sous la torture et les mauvais traitements. Ils n’ont pas pu consulter d’avocat au moment de leur arrestation ni pendant leurs procès en première instance et en appel. Le musicien Yousef Emadi, arrêté et jugé en même temps que Mehdi et Hossein Rajabian, reste en liberté.

Mehdi Rajabian et Hossein Rajabian ont été arrêtés, incarcérés et déclarés coupables en même temps qu’un autre musicien, Yousef Emadi. Le 5 octobre 2013, des pasdaran (gardiens de la révolution) ont arrêté ces trois hommes, leur infligeant des décharges de pistolet incapacitant et leur bandant les yeux, alors que les trois hommes travaillaient à leur bureau de la ville de Sari, dans la province de Mazandaran (nord du pays). Pendant 18 jours, ils ont été maintenus en détention dans un lieu inconnu, où ils affirment avoir été torturés, notamment à l’électricité. Ils ont ensuite été détenus pendant deux mois à l’isolement dans la section 2A de la prison d’Evin. Les agents chargés de les interroger les ont contraints à faire des « aveux » filmés, les menaçant de réclusion à perpétuité s’ils refusaient. Tous trois ont été remis en liberté sous caution en décembre 2013. Ils ont été maintenus au secret pendant la majeure partie de leur détention.

Dix jours après leur procès, en avril 2015, on leur a annoncé que le jugement avait été prononcé et qu’ils devraient se rendre au tribunal pour en prendre connaissance. Ils ont chacun été condamnés à cinq ans d’emprisonnement pour « atteinte aux valeurs sacrées de l’islam », à un an d’emprisonnement pour « propagande contre le régime », et à une amende d’un montant de 200 millions de rials (environ 6 625 dollars des États-Unis) pour « activités audiovisuelles illégales ». On ne leur a pas remis de copie du jugement, mais un greffier leur a indiqué qu’ils avaient 20 jours pour former un recours. Ils se sont défendus eux-mêmes lors de leur procès en appel, le 22 décembre 2015, le juge présidant le tribunal leur ayant signifié qu’ils n’avaient pas droit à un avocat.

En première instance comme en appel, les trois hommes ont indiqué aux juges que leurs « aveux » leur avaient été arrachés sous la torture et d’autres formes de mauvais traitements lors de leur détention au secret. L’enquêteur du bureau du procureur de la prison d’Evin leur a dit qu’avoir été torturé dans la ville de Sari n’entrait pas en ligne de compte à Téhéran. Le juge qui présidait le tribunal durant leur procès en appel à Téhéran leur a déconseillé d’évoquer leurs allégations de torture et de mauvais traitements et a menacé d’alourdir leurs peines s’ils le faisaient. Ils n’ont pas pu consulter d’avocat au moment de leur arrestation ni pendant leurs procès en première instance et en appel. Mehdi Rajabian a eu des convulsions après avoir été roué de coups en détention à Sari.

Mehdi Rajabian est le fondateur du site Internet iranien Barg Music, lancé en 2009 et diffusant de la musique non autorisée. En Iran, seule la musique qui a reçu l’aval des censeurs officiels peut être diffusée, et les musiciens qui ne sont pas munis d’une autorisation se retrouvent dans la clandestinité. Barg Music a distribué de la musique en persan produite par des chanteurs iraniens, à l’étranger. Certaines de leurs paroles et de leurs messages ont un caractère politique ou abordent des sujets tabous. Figurent parmi ces musiciens Shahin Najafi, un rappeur iranien installé en Allemagne, dont un morceau de 2012 faisant référence à un chef religieux chiite a suscité une telle polémique que des dignitaires iraniens ont lancé des fatwas le qualifiant d’« apostat ».

L’apostasie est passible de la peine de mort en vertu du droit iranien. Le site Internet de Barg Music attirait semble-t-il 300 000 visiteurs par jour et avait signé des contrats de distribution exclusive avec des artistes iraniens ayant mentionné le nom du site dans leurs vidéos. Quand il a été arrêté, Mehdi Rajabian enregistrait l’histoire du setâr, un instrument de musique iranien. Les pasdaran qui ont procédé à son arrestation ont perquisitionné à son studio, confisquant ses enregistrements et d’autres supports en relation avec le projet. Mehdi Rajabian et Yousef Emadi ont été accusés d’avoir diffusé la voix d’artistes féminines, ainsi que celle de chanteurs « hostiles à la révolution islamique ».

Les autorités iraniennes imposent des restrictions aux chanteuses, leur interdisant de se produire en solo devant des hommes. Des dignitaires religieux conservateurs affirment que les voix de femmes ont le pouvoir de provoquer une excitation sensuelle immorale. En février 2015, le grand ayatollah Hassan Nouri Hamedani a ainsi déclaré : « Nous nous dresserons contre tout film, tout livre ou toute musique qui est anti-islamique et antirévolutionnaire [...] Aucun acte ne peut normaliser le chant des femmes. Nous nous y opposerons. » Hossein Rajabian a été arrêté après avoir réalisé son premier long métrage, intitulé Inverted Triangle, sur le droit au divorce des femmes en Iran. Les pasdaran ont saisi tout le matériel en rapport avec le film. Le film est interdit de diffusion en Iran.

Les charges retenues contre Mehdi Rajabian, Hossein Rajabian et Yousef Emadi sont en rapport avec leurs activités artistiques, notamment avec le long métrage d’Hossein Rajabian portant sur le droit au divorce des femmes en Iran, et avec la diffusion par Mehdi Rajabian et Yousef Emadi de musiques non autorisées, enregistrées par des chanteurs iraniens à l’extérieur du pays. L’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que l’Iran a ratifié, protège le droit à la liberté d’expression, y compris sous une forme artistique.

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