Écrire Narges Mohammadi condamnée à 16 ans de prison

La défenseure des droits humains et prisonnière d’opinion iranienne, Narges Mohammadi, a été condamnée à 16 ans d’emprisonnement à l’issue de son procès le 20 avril. Elle souffre de graves problèmes de santé et a besoin de soins médicaux spécialisés permanents qui ne sont pas disponibles en prison. Elle n’est toujours pas autorisée à voir ses jumeaux de neuf ans.

La défenseure des droits humains de premier plan, Narges Mohammadi, a été condamnée à 16 ans d’emprisonnement pour plusieurs chefs d’accusation liés à la sécurité nationale, en raison de son travail en faveur des droits humains. La 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran a condamné Narges Mohammadi à 10 ans d’emprisonnement pour avoir « fondé un groupe illégal », en raison de sa participation à une campagne contre la peine de mort. Elle a également été condamnée à cinq ans d’emprisonnement pour « rassemblement et collusion en vue de commettre des infractions compromettant la sécurité nationale » et à un an d’emprisonnement pour « propagande contre le régime ».

Le tribunal a retenu à titre de preuve contre elle des entretiens qu’elle a accordés à des médias internationaux ainsi que sa rencontre avec Catherine Ashton, alors haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, en mars 2014. Son procès a eu lieu le 20 avril et la décision du tribunal a été communiquée à son avocat le 17 mai. Si sa condamnation et sa peine sont confirmées, elle devra purger au moins encore 10 ans de prison, pour l’infraction la plus grave pour laquelle elle a été condamnée, à savoir « création d’un groupe illégal ». En effet, les dispositions du Code pénal iranien de 2013 prévoient que les personnes reconnues coupables de plusieurs infractions doivent purger la peine la plus longue.

Narges Mohammadi est également accusée d’avoir « insulté des policiers lors de son transfert à l’hôpital », dans une affaire distincte. Ce chef d’accusation fait suite à son dépôt de plainte quant au traitement dégradant et inhumain que les gardiens lui ont infligé lorsqu’elle a été transférée de la prison à l’hôpital pour des examens, notamment leur refus de lui accorder une consultation confidentielle avec ses médecins.

Narges Mohammadi est gravement malade. Elle souffre d’une embolie pulmonaire (un caillot de sang dans l’artère pulmonaire, laquelle permet au sang de passer du cœur aux poumons) et de troubles neurologiques qui peuvent provoquer des crises et une paralysie partielle temporaire. Elle a besoin de soins médicaux spécialisés constants qu’elle ne peut pas recevoir en prison.

Narges Mohammadi, défenseure des droits humains reconnue, purge déjà une peine de six ans d’emprisonnement, pour des accusations de « rassemblement et collusion en vue de commettre des infractions compromettant la sécurité nationale » et de « diffusion de propagande contre le régime », en raison de ses activités militantes en faveur des droits humains. Elle soutient la campagne contre la peine de mort, Legam (Pas à pas contre la peine de mort), et est vice-présidente du Centre de défense des droits humains d’Iran. Elle a reçu plusieurs prix dans différents pays pour son travail de défense des droits humains et est également victime depuis plusieurs années de manœuvres de harcèlement et d’intimidation de la part des autorités iraniennes en raison de ce même travail.

Narges Mohammadi a commencé à purger une peine de six ans d’emprisonnement à la suite d’une autre condamnation en avril 2012, mais a été libérée trois mois plus tard après avoir obtenu une libération temporaire pour pouvoir recevoir des soins médicaux pour ses problèmes neurologiques, qui s’étaient aggravés en raison de sa détention. Elle a été de nouveau arrêtée à son domicile le 5 mai 2015 et conduite à la prison d’Evin à Téhéran.

Les autorités ne l’ont pas autorisée à voir ses enfants. Ses jumeaux de neuf ans ont dû partir vivre à l’étranger avec leur père, car personne ne pouvait s’occuper d’eux en Iran. Elle n’a été autorisée à leur téléphoner qu’une fois au cours de l’année écoulée. En février 2016, elle a écrit une lettre ouverte au responsable du pouvoir judiciaire, déplorant que les autorités se servent de ses enfants pour exercer des pressions sur elle. Elle a déclaré : « La question est très simple : je suis une mère et j’ai le droit d’entendre la voix de mes enfants même si [cette] mère est coupable à vos yeux et aux yeux de l’institution que vous dirigez. »

En octobre 2015, elle a fait plusieurs crises qui ont finalement conduit les autorités à permettre son hospitalisation. Toutefois, son traitement a été interrompu lorsqu’elle a été ramenée à la prison d’Evin contre l’avis de son médecin, au bout de 17 jours. Elle a été menottée au lit pendant ses premiers jours à l’hôpital. Des agents se trouvaient à l’intérieur de la chambre et devant la porte pendant tout son séjour, ce qui aurait gêné les médecins pour pratiquer des examens. Depuis la prison d’Evin, Narges Mohammadi a écrit une lettre au procureur général de Téhéran en octobre 2015, dans laquelle elle expliquait les traitements inhumains qu’elle a subis aux mains des gardiens lorsqu’elle a été transférée à l’hôpital pour des examens et dénonçait le fait que le directeur de la prison a refusé sa demande d’une consultation confidentielle avec son médecin.

Elle a raconté son hospitalisation, après avoir fait plusieurs attaques : « Au bout de cinq jours, j’ai enfin été hospitalisée. Dès mon transfert de la prison d’Evin à l’hôpital, j’étais menottée, même lorsque le médecin venait prendre ma tension. Ils m’ont attachée au lit dès que nous sommes entrés dans la chambre. Je ne pouvais par conséquent pas m’allonger ou m’asseoir confortablement. Mon état de santé a empiré. Personne ne prêtait attention à mes protestations et mes appels. Du 11 au 18 [octobre], j’ai été privée de toute communication, même avec mes parents. On m’a interdit de sortir de ma chambre. La porte de la chambre était fermée, et les rideaux tirés. »

Le fait de ne pas fournir des soins médicaux à des détenus bafoue les obligations internationales de l’Iran en matière de droits humains. Cela peut équivaloir à une violation de l’interdiction absolue de la torture et d’autres mauvais traitements inscrite à l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Iran est partie. L’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, auquel l’Iran est aussi partie, garantit également « le droit de toute personne au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint ».

L’Ensemble révisé de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (règles Mandela) prévoit également que les établissements pénitentiaires doivent dispenser des soins médicaux spécialisés aux prisonniers sans discrimination (règles 24-35). La règle 27(1) de ce texte dispose : « Les détenus qui requièrent des traitements spécialisés ou soins chirurgicaux doivent être transférés vers des établissements spécialisés ou vers des hôpitaux civils. » Au titre de la règle 58 des règles Mandela, les détenus ont également le droit de communiquer avec leurs proches et de recevoir leur visite. Le fait de refuser ce droit peut représenter un traitement inhumain.

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