Écrire Nouvel ajournement du procès de 23 militaires

Le procès en cour martiale de 23 militaires des Forces de défense du Lesotho (LDF) pour mutinerie a été reporté au 2 mai ; 16 d’entre eux sont toujours en détention. Les avocats de la défense sont victimes d’un harcèlement et de manœuvres d’intimidation de plus en plus intenses ; certains ont même été arrêtés.

Le procès en cour martiale de 23 militaires inculpés de mutinerie, qui devait se poursuivre le 1er février, a été reporté au 2 mai. Il s’agit du deuxième ajournement. Sept accusés ont été libérés sous caution ; les 16 autres se trouvent toujours à la prison de haute sécurité de Maseru, où ils sont incarcérés depuis mai 2015 malgré plusieurs ordonnances de remise en liberté rendues par la Haute Cour.

Dans son rapport sur la situation au Lesotho publié fin février, la commission d’enquête de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) indique qu’aucun élément probant n’atteste l’existence d’un complot en vue d’une mutinerie et que des militaires ont été soumis à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements afin qu’ils impliquent des collègues. Elle recommande de gracier les 23 militaires en instance de jugement. Le Parlement a examiné le rapport le 8 février. Le Premier ministre, Pakalitha Mosisili, a déclaré que seules certaines des recommandations seraient appliquées, sans préciser lesquelles.

Les cinq avocats de la défense ont reçu des menaces de mort en raison de leur rôle dans l’affaire ; ils ont signalé avoir été suivis et surveillés. En novembre 2015, une « liste noire » a circulé sur les réseaux sociaux. Les avocats y figuraient et ont pris la menace au sérieux car des personnes citées sur une précédente liste du même type avaient été tués. Des individus sont entrés par effraction au domicile et au bureau de deux des avocats au cours des derniers mois. L’équipe juridique travaillant sur l’affaire vit sous une menace constante. Au Lesotho, les militaires portent souvent des armes de manière visible au tribunal, ce qui crée une atmosphère intimidante.

Khotso Nthontho, l’un des avocats, a été arrêté le 12 février pour parjure. La Haute Cour a ordonné la libération de trois militaires en novembre 2015 mais seul l’un d’eux a été relâché. Khotso Nthontho a tenté d’engager des poursuites pour non-respect d’une décision de justice. Juste avant qu’il ne rédige une déclaration sous serment demandée par la Haute Cour, les deux militaires ont été libérés sans qu’il le sache. L’accusation de parjure contre Khotso Nthontho a de toute évidence un lien avec le fait qu’il ait évoqué le maintien en détention des deux militaires dans le cadre d’une procédure pour outrage à magistrat mettant en cause les LDF. L’avocat a été libéré le 12 février tard dans la nuit, après que la Haute Cour a ordonné sa libération dans le cadre d’une procédure d’urgence. Pendant sa garde à vue, des inconnus ont ravagé son domicile et sa voiture. Il n’y avait personne chez lui au moment des faits. Il doit comparaître de nouveau devant la juridiction répressive de Maseru le 26 février.

Le général de corps d’armée Maaparankoe Mahao, ancien chef des Forces de défense du Lesotho (LDF), a été démis de ses fonctions le 21 mai 2015, au bout de plusieurs mois d’instabilité politique. Peu après, quelque 50 militaires considérés comme loyaux à son égard ont été arrêtés. Les avocats représentant leurs familles ont saisi la justice afin que ces détenus soient déférés à un tribunal. Pendant la procédure judiciaire, nombre des militaires concernés ont affirmé avoir été victimes d’actes de torture et d’autres mauvais traitements. Plus de la moitié d’entre eux ont ensuite été libérés mais 23 ont été inculpés de mutinerie et maintenus en détention. Certains des militaires libérés sont devenus des témoins assistés, qui ont fourni des éléments à charge contre les 23 accusés. Tout porte à croire que leurs témoignages leur ont été arrachés sous la torture ou au moyen d’autres formes de mauvais traitements pendant leur détention. Sept des 23 accusés ont ensuite été libérés sous caution et 16 sont toujours en détention.

Le général Mahao a été abattu le 25 juin 2015 à Maseru par des militaires qui étaient venus l’arrêter parce qu’il aurait fomenté une mutinerie. Peu de temps avant, en juin, il avait saisi la justice pour faire appel de son éviction de l’armée, affirmant qu’elle était illégale. Les autorités ont déclaré qu’il avait opposé une résistance au moment de son arrestation, mais sa famille a contesté cette version et clamé haut et fort qu’il s’agissait d’un assassinat.

Une commission d’enquête de la SADC, composée de 10 membres et présidée par le juge Mpaphi Phumaphi, du Botswana, a été mise en place le 3 juillet 2015 pour enquêter sur les problèmes de sécurité au Lesotho, en particulier le meurtre de Maaparankoe Mahao. Cette commission a toutefois été contrainte de conclure sa mission prématurément car les LDF ont refusé de coopérer. Son rapport a été examiné début décembre par l’Organe de la SADC pour la politique, la défense et la sécurité, dirigé par trois États. Le 18 janvier, les États assurant la direction de l’Organe (Afrique du Sud, Mozambique et Tanzanie) et ceux présidant la SADC (Botswana, Swaziland et Zimbabwe) ont rencontré le Premier ministre lésothan pour discuter du rapport, que les autorités n’ont pas souhaité recevoir. La SADC a réagi immédiatement en menaçant d’éviction le Lesotho, qui a finalement accepté le rapport. Le document a été examiné officiellement par le Parlement le 8 février. Il faisait état de divisions au sein des LDF et d’anomalies entachant les accusations de mutinerie. Il recommandait donc d’abandonner toute poursuite pénale à l’encontre des 23 militaires. La commission d’enquête a établi que le général Mahao avait bien été assassiné et non abattu accidentellement lors de son arrestation, comme le prétendaient les LDF. Elle a aussi découvert que l’hôpital et les LDF tentaient de masquer les circonstances réelles du décès. Elle a recommandé que les militaires soupçonnés d’être impliqués dans cet homicide soient suspendus immédiatement et que des poursuites pénales soient engagées à leur encontre sans délai.

La version du rapport présentée au Parlement par le Premier ministre ne contenait pas les noms de certains membres des LDF impliqués dans des violations des droits humains, notamment des actes de torture et d’autres mauvais traitements et des meurtres. Étant donné que la commission d’enquête était chargée notamment d’aider à identifier les auteurs présumés de l’homicide du général Mahao afin de les amener à rendre des comptes, le fait que les autorités lésothanes aient supprimé ces noms compromet malheureusement l’objectif même de la commission.

Des élections législatives se sont tenues le 28 février au Lesotho mais ne se sont pas soldées par une victoire nette. Un gouvernement de coalition a été formé par le Congrès du Lesotho pour la démocratie, le parti du Premier ministre Pakalitha Mosisili, et six autres partis politiques. La SADC a continué à jouer un rôle de médiation entre les rivaux politiques afin d’apaiser les tensions entre l’armée et la police, qui trouve son origine dans la politisation des forces de sécurité.

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