Les autorités bangladaises ont envoyé derrière les barreaux au moins 370 travailleurs et travailleuses migrants revenus au Bangladesh depuis le 4 juillet 2020. Les dernières victimes de ces détentions arbitraires sont 32 travailleurs bangladais incarcérés le 28 septembre. Ils ont été arrêtés en Syrie alors qu’ils tentaient de se rendre en Italie, en Grèce et dans d’autres pays européens par l’intermédiaire de recruteurs. Le gouvernement syrien a commué leurs peines de prison en raison de la pandémie de COVID-19 et les a envoyés au Liban. Arrivés au Bangladesh le 13 septembre, ils ont passé deux semaines en quarantaine. Ensuite, la police les a envoyés en prison.
Amnesty International s’est procurée des exemplaires des demandes inquiétantes déposées par la police auprès du tribunal de première instance de Dacca, concernant la détention de ces travailleurs·euses jusqu’à ce qu’elle puisse déterminer la nature de leur infraction. La police affirme qu’ils ont « terni l’image du pays » en se livrant soi-disant à des activités illégales à l’étranger et pourraient commettre des infractions au Bangladesh à l’avenir.
Il est à déplorer que le tribunal de première instance de Dacca ait accédé à ces requêtes de la police, sans demander quelles charges précises pesaient sur ces personnes, en violation du droit international relatif aux droits humains et notamment de l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
L’arrestation de ces 32 travailleurs·euses s’inscrit dans le cadre d’une pratique inquiétante déployée depuis le 4 juillet, lorsque la police a envoyé en prison 219 travailleurs bangladais – 141 revenant du Koweït, 39 de Bahreïn et 39 du Qatar – pour les mêmes motifs. Le 21 juillet, la police a placé en détention 36 travailleurs migrants revenant du Qatar, expliquant qu’ils pourraient participer à des vols, des conflits familiaux ou des actes de terrorisme s’ils étaient remis en liberté. Le 1er septembre, elle a envoyé en prison 81 travailleurs migrants bangladais qui étaient rentrés du Viêt-Nam et deux autres revenus du Qatar, pour des motifs et des accusations similaires.
Tous ces travailleurs·euses migrants ont été placés en détention au titre de l’article 54 du Code de procédure pénale, qui permet aux policiers d’arrêter quelqu’un s’ils ont des « raisons de soupçonner » que cette personne est impliquée dans un acte illégal commis à l’extérieur du territoire national.
Shahin, 28 ans, a travaillé au Liban comme tailleur pendant quatre ans. Son père, Liton Borhania, 50 ans, a déclaré à Amnesty International qu’il a versé 500 000 takas bangladais (environ 5 100 euros) à des recruteurs pour faciliter le voyage de Shahin au Liban en février 2015. Depuis lors, Shahin, aîné d’une fratrie de cinq frères et une sœur, aide à subvenir aux besoins de la famille, notamment pour les dépenses du foyer et les frais de scolarisation de ses plus jeunes frères et sœurs.
Beaucoup de Bangladais·e·s deviennent victimes de traite en essayant de trouver un emploi bien rémunéré à l’étranger, surtout dans les pays du Golfe. Ils sont exploités par des trafiquants d’êtres humains qui leur promettent un emploi stable et bien rémunéré, puis par des employeurs qui les payent mal et les font travailler énormément en les menaçant de les envoyer en prison pour séjour illégal (voir le document d’ Amnesty International intitulé COVID-19 makes Gulf countries’ abuse of migrant workers impossible to ignore, 30 avril 2020).
Des militant·e·s des droits humains au Bangladesh ont déclaré qu’en arrêtant ces travailleurs·euses qui ont déjà purgé leur peine à l’étranger ou subi une expérience traumatisante après avoir été exploités par des trafiquants d’êtres humains, c’est le gouvernement bangladais lui-même qui ternit l’image du pays.