Dong Samuel Luak, un avocat et défenseur des droits humains, a été vu pour la dernière fois le 23 janvier 2017 vers 21 heures dans le centre de Nairobi ; il s’apprêtait à prendre un bus pour rentrer chez lui. Il n’est jamais arrivé à destination. Aggrey Idri, président du Comité des affaires humanitaires du MPLS/APLS-O, a été vu pour la dernière fois le 24 janvier 2017 vers 8 heures du matin dans le quartier de Kilimani, à Nairobi.
Le 27 janvier 2017, en réponse à la requête en habeas corpus formulée au nom de Dong Samuel Luak et d’Aggrey Idri, la Haute Cour du Kenya a ordonné à la police d’enquêter afin d’établir où ils se trouvaient. Le 22 février, bien qu’estimant qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments pour confirmer que ces deux hommes étaient détenus par les autorités kenyanes ou que des représentants de l’État kenyan étaient impliqués dans leur disparition, elle a ordonné la poursuite des investigations. À ce jour, la police kenyane n’a pas fait état publiquement de la progression de l’enquête ni de ses constatations.
Le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires a appelé le Kenya et le Soudan du Sud à révéler ce qu’il est advenu de ces deux hommes et où ils se trouvent.
La confirmation que Dong Samuel Luak et Aggrey Idri se trouvaient à Djouba aux mains des autorités sud-soudanaises à la fin du mois de janvier prouve qu’ils ont été expulsés illégalement du Kenya et envoyés dans un pays où ils risquent de subir des violations des droits humains, notamment des actes de torture et d’autres mauvais traitements. James Gatdet Dak, porte-parole du MPLS-O, a ainsi été refoulé illégalement par les autorités kenyanes vers le Soudan du Sud le 3 novembre 2016. Il est détenu à l’isolement depuis près de sept mois dans un centre de détention du NSS situé à Djebel, un quartier de Djouba ; il est privé de lumière naturelle et d’activité physique et n’a que des contacts humains extrêmement limités.
À la prison du NSS où Dong Samuel Luak et Aggrey Idri ont passé deux nuits, les conditions de détention peuvent s’apparenter à de la torture ou à d’autres formes de mauvais traitements. Les détenus consomment exclusivement des haricots et de l’ugali, et la plupart d’entre eux dorment sur le sol. Certains ont été battus, en particulier pendant les interrogatoires ou à titre punitif. En juillet 2016, un détenu est mort, apparemment des suites d’une parasitose intestinale qui n’avait pas été soignée.
La Convention contre la torture [Nations unies], à laquelle le Kenya est partie, interdit de renvoyer des personnes dans des pays où elles risquent de subir des actes de torture ou d’autres mauvais traitements. Dong Samuel Luak a obtenu le statut de réfugié auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Si les autorités kenyanes l’ont effectivement expulsé, elles ont commis une violation du principe de non-refoulement inscrit dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.
On entend par « disparition forcée » l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi.
L’interdiction des disparitions forcées est une règle du droit international coutumier qui s’applique à tous les États. La torture et la disparition forcée sont des crimes au regard du droit international.