Écrire L’Ohio se dirige vers une reprise des exécutions

L’exécution de Ronald Phillips est prévue pour le 26 juillet dans l’Ohio. Il avait été condamné à mort en 1993 pour un meurtre commis plus tôt cette année-là alors qu’il venait d’avoir 19 ans. Il a maintenant 43 ans. Si elle a lieu, cette exécution serait la première dans l’Ohio depuis trois ans et demi.

En août 1993, un jury a déclaré Ronald Phillips coupable du viol et du meurtre de la fille de trois ans de sa compagne commis en janvier 1993. Lors de la phase du procès consacrée à la détermination de la peine, son avocat a présenté des membres de sa famille en tant que témoins de moralité, pour soutenir l’argument selon lequel sa vie devait être épargnée car Ronald Phillips était un « bon garçon » sans antécédents pénaux, et ses actes étaient une anomalie. Un psychologue a témoigné que le jeune homme était « une personne plutôt simple, immature sur le plan émotionnel, psychologiquement perturbée » avec un faible niveau intellectuel. Le jury a voté en faveur de la peine de mort.

En 2010, la cour fédérale d’appel du sixième circuit a confirmé sa condamnation à mort par deux voix contre une. Le juge minoritaire a affirmé que les avocats n’avaient clairement pas informé le jury de l’enfance de leur client marquée par les maltraitances et les violences, constituant des circonstances atténuantes pourtant déterminantes. Les informations dont disposait le jury présentaient Ronald Phillips comme « un garçon américain normal qui aimait jouer avec des maquettes d’avion », a écrit le juge Guy Cole, mais ces informations ne faisaient pas état du fait qu’« il a grandi dans un environnement de violence, sans interruption, de sa naissance à l’âge de 19 ans ». Sa « culpabilité aurait sans aucun doute été moindre aux yeux des jurés s’ils avaient su que son seul modèle masculin lui avait montré tout au long de sa vie qu’il était acceptable d’agresser physiquement et sexuellement les enfants dont on s’occupait », a continué Guy Cole, estimant qu’il y avait une probabilité raisonnable qu’au moins un juré aurait voté en faveur de la réclusion à perpétuité s’il avait eu connaissance de ces informations. En 2016, le Comité des grâces et des libérations conditionnelles de l’Ohio a voté contre la recommandation d’une mesure de clémence en faveur de cet homme, par dix voix contre deux. Le gouverneur peut invalider ce vote.

Le gouverneur a également le pouvoir d’octroyer des sursis pour donner aux tribunaux plus de temps pour examiner une contestation du processus d’injection létale en cours. L’Ohio n’a procédé à aucune exécution depuis janvier 2014, lorsqu’un détenu avait été vu en train de « tousser, suffoquer et s’étouffer » pendant l’injection létale. Il s’agissait de l’une des exécutions « ratées » impliquant l’utilisation de midazolam dans le protocole d’injection létale aux États-Unis. Le 28 juin 2017, la cour fédérale d’appel du sixième circuit a levé une ordonnance prononcée par un tribunal inférieur interdisant la reprise des exécutions impliquant l’utilisation de midazolam. Six des 14 juges ont émis une opinion dissidente. Si un seul juge supplémentaire avait voté contre, cela aurait entraîné une égalité à sept voix contre sept et l’ordonnance aurait été maintenue. Les détenus condamnés à mort ont demandé à la Cour suprême des États-Unis de suspendre leur exécution et de réexaminer la décision.

En juin 2015, deux juges de la Cour suprême américaine ont déclaré que la peine de mort pouvait être contraire à la Constitution, faisant notamment valoir la fréquence des erreurs dans les affaires où les accusés encourent la peine de mort aux États-Unis, et les informations démontrant que la peine de mort n’est en pratique pas limitée aux personnes qui, « en raison de leur culpabilité extrême, méritent d’être exécutées », comme le prévoit normalement le droit constitutionnel américain. Au moins neuf personnes ont été condamnées à mort pour des crimes qu’elles n’avaient pas commis depuis 1975 dans l’Ohio. Un tiers de ces neuf cas ont été découverts en 2014, lorsque trois personnes ont été innocentées et acquittées après avoir été déclarées coupables à tort dans des affaires passibles de la peine de mort dans l’Ohio.

À l’heure actuelle, 141 pays sont abolitionnistes en droit ou en pratique. L’abolition de la peine de mort est un objectif du droit international, et l’Assemblée générale des Nations unies a adopté plusieurs résolutions appelant à un moratoire sur les exécutions en vue d’abolir la peine de mort. L’Ohio s’apprête à reprendre les exécutions alors que les États-Unis semblent s’orienter contre la peine de mort ; une situation qui nécessite un leadership fondé sur des principes fermes en matière de droits humains. Le nombre annuel d’exécutions et de condamnations à mort n’a jamais été aussi bas, et un certain nombre d’États ont aboli la peine de mort ou ont instauré des moratoires sur les exécutions ces dernières années.

Amnesty International est catégoriquement opposée à la peine de mort, quelles que soient les circonstances aggravantes ou atténuantes ou la méthode d’exécution utilisée. Ce châtiment est fondamentalement cruel, inhumain et dégradant ; il est incompatible avec la dignité humaine. Mettre un terme à la peine capitale, c’est abandonner une politique qui sème la destruction et la division. Non seulement ce châtiment comporte un risque d’erreur irréparable, mais il coûte en outre très cher, que ce soit en deniers publics ou en termes sociaux et psychologiques. Il n’a jamais été prouvé que ce châtiment ait un effet plus dissuasif que les autres peines. Il tend à être appliqué de manière discriminatoire aux États-Unis, en fonction des origines ethniques et sociales. Il exclut toute possibilité de réinsertion, prolonge la souffrance de la famille de la victime et l’étend aux proches du condamné. Il accapare des ressources qui pourraient être utilisées plus efficacement pour lutter contre les crimes violents et aider ceux qui sont touchés par ces crimes.

Aux États-Unis, la peine capitale est supposée « se limiter aux personnes qui ont commis un crime des plus graves et qui, en raison de leur culpabilité extrême, méritent d’être exécutées ». Bien que le crime pour lequel Ronald Phillips a été condamné ait en effet été grave, il existe des doutes quant au fait que son cas remplisse les conditions de la deuxième partie de ce cadre constitutionnel : « en lisant les informations sur cette affaire, décrite avec précision d’après la majorité, on ne peut ressentir que dégout et horreur à l’idée qu’un être humain puisse infliger de tels actes à un autre être humain », a déclaré le juge Guy Cole dans son opinion dissidente en 2010. « C’est justement pour cette raison que les informations sur l’environnement effroyable dans lequel a grandi Ronald Phillips pendant toute sa vie avant de commettre ce crime – un monde dans lequel la violence, la criminalité et les violences physiques et sexuelles contre des enfants étaient la norme – sont essentielles pour évaluer sa culpabilité et pour déterminer le châtiment qu’il mérite. Cependant, le jury qui a requis la peine de mort contre Ronald Phillips n’avait reçu que peu d’informations sur son enfance, car son avocat n’avait pas enquêté sur les signaux qui pointaient vers un grand nombre d’éléments prouvant des circonstances atténuantes qui auraient considérablement altéré la perception de sa culpabilité ». Guy Cole a critiqué ses deux collègues qui ont d’après lui « fermé les yeux sur les conditions effroyables dans lesquelles Ronald Phillips a grandi et leurs conséquences sur son développement moral et émotionnel » et ont « décrit la violence dont Ronald Phillips et ses frères et sœurs ont été victimes [...] comme simplement "désagréable" ». Guy Cole a insisté sur le fait que « cette affaire s’inscrit parfaitement dans le cadre des préjugés dont ce tribunal a fait preuve et qui ont mené à une assistance juridique inefficace », même avec la déférence avec laquelle les juridictions fédérales doivent traiter les décisions des tribunaux d’État.

Quatorze exécutions ont eu lieu aux États-Unis depuis le début de l’année, ce qui porte à 1 456 le nombre de personnes auxquelles les autorités de ce pays ont ôté la vie depuis 1976, quand la Cour suprême fédérale a approuvé une nouvelle législation relative à la peine capitale. 88 % de ces exécutions ont été menées dans le sud du pays. L’Ohio, un État du centre-ouest, a procédé à 53 exécutions depuis la reprise des exécutions judiciaires aux États-Unis en 1999, et est maintenant le huitième État ayant procédé au plus d’exécutions (après le Texas, la Virginie, l’Oklahoma, la Floride, le Missouri, la Géorgie et l’Alabama). Ronald Phillips est le premier des 34 détenus qui doivent être exécutés dans l’Ohio dans les quatre prochaines années. L’Ohio est le septième État ayant le plus grand nombre de condamnés à mort (après la Californie, la Floride, le Texas, l’Alabama, la Pennsylvanie et la Caroline du Nord) et il se place en huitième position en ce qui concerne le nombre de condamnations injustes dans les affaires où l’accusé encourt ce châtiment depuis 1973 (après la Floride, l’Illinois qui est maintenant abolitionniste, le Texas, la Louisiane, l’Oklahoma, l’Arizona et la Caroline du Nord).

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