Alva Campbell, âgé de 69 ans, doit être exécuté dans l’Ohio le 15 novembre. Le gouverneur de cet État peut commuer sa condamnation à mort, même si le comité des grâces a voté contre l’octroi d’une mesure de clémence.
Charles Dials a été abattu à Columbus, dans l’Ohio, le 2 avril 1997. La police a arrêté Alva Campbell, qui lui avait échappé auparavant lors d’un transfert au tribunal pour répondre d’une accusation de vol à main armée, et il a « avoué » le meurtre aux policiers. Il a été jugé et condamné à mort en avril 1998. Ce jugement a été annulé en appel, mais il a de nouveau été condamné en 2001.
Alva Campbell, qui aura 70 ans en avril 2018 si son exécution est annulée ou reportée, a passé la majeure partie de sa vie d’adulte en prison. D’après un sociologue qui a étudié son cas, après une enfance dans des conditions épouvantables, il a « passé presque toute son adolescence » dans différentes institutions publiques et est devenu de fait un « enfant de l’assistance publique », sans qu’aucune prise en charge psychologique ne soit mise en place par ses tuteurs. En 2012, la cour d’appel du sixième circuit a reconnu que cette période aux mains de l’assistance publique avait eu un impact « principalement négatif » sur Alva Campbell, ce dont le jury de son procès n’avait pas été informé car ses avocats s’étaient concentrés sur les 10 premières années de sa vie. Cette juridiction fédérale a relevé que, pendant ces années, il avait subi « les conditions abominables de son foyer – comprenant notamment des occurrences multiples de viol, d’inceste et d’autres violences physiques et affectives ». Le jury ayant entendu une description de ces années, les violences et les négligences remontant à la période où il était pris en charge par les services de l’État auraient été seulement « cumulatives » en tant que circonstances atténuantes, a-t-elle estimé.
Lors de l’audience devant le comité des grâces de l’Ohio, qui s’est tenue le 12 octobre 2017, l’un des avocats ayant défendu Alva Campbell en première instance a déclaré que, en se concentrant sur les terribles 10 premières années de la vie de leur client, lui et son confrère avaient par mégarde induit le jury en erreur en laissant penser que l’intervention de l’assistance publique avait sauvé le jeune garçon et changé sa vie de manière positive. Néanmoins, bien que le comité ait admis que les expériences vécues par Alva Campbell pendant son enfance au sein de son foyer comme entre les mains des services de l’État avaient été « sans aucun doute traumatisantes », il a voté contre l’octroi d’une mesure de clémence. L’une des 12 membres du comité a toutefois voté en faveur d’une telle mesure, en concluant que le foyer familial d’Alva Campbell se caractérisait par des « conditions de vie instables et inhumaines et une absence de cadre moral ou autre fixé par ses parents », ce qui « [l’]avait empêché de mûrir et de se développer psychologiquement et affectivement ». Elle a souligné : « Au lieu d’améliorer sa situation, le retrait de M. Campbell de ce foyer n’a fait que retarder encore plus son développement psychologique et affectif ». Selon elle, l’octroi d’une mesure de clémence « servirait les intérêts de la justice ».
Un recours formé récemment expose en détail comment l’état de santé d’Alva Campbell « s’est progressivement et extrêmement détérioré, avec de multiples affections graves et potentiellement mortelles apparaissant presque tous les ans » depuis 2003. Ses avocats y précisent que sa très mauvaise santé lui fait courir le risque d’une « réaction paradoxale » à toute substance utilisée pour les injections létales, « ce qui rendrait toute tentative des autorités pour l’exécuter contraire à la Constitution ». Le 25 octobre, la cour d’appel du sixième circuit a rejeté ce recours. L’une de ses trois juges a rendu un avis divergent, en déclarant : « Il existe des situations où l’exécution d’une personne dont la santé mentale s’est détériorée constituerait une opération de vengeance inconsidérée, et des situations où l’exécution d’une personne dont la santé physique s’est détériorée constituerait une opération de vengeance inconsidérée. » Elle a conclu que les avocats avaient suffisamment mis en évidence le second cas de figure pour justifier un renvoi de l’affaire devant la juridiction fédérale inférieure afin de déterminer si l’exécution serait inconstitutionnelle.
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Le comité des grâces a été informé de l’enfance d’Alva Campbell marquée par l’alcoolisme de ses parents et surtout les violences infligées par son père. Ce dernier était blanc et sa mère était afro-américaine. Selon les avocats, le père était ouvertement raciste et interdisait à ses enfants métis d’avoir des contacts avec des enfants noirs, ce qui renforçait leur isolement. Le père infligeait des violences physiques et sexuelles aux enfants, notamment des pratiques sadiques à visée « ludique », comme les poursuivre avec des animaux morts et un « jeu électrique » lors duquel il les obligeait à lever les mains pendant qu’il faisait passer un courant électrique dans leur corps. Il les a également forcés à le regarder battre leur mère, parfois au point qu’elle perde connaissance. Quand Alva Campbell avait 10 ans, le père a été éloigné de la famille après avoir violé l’une de ses filles. Les enfants sont restés avec leur mère dans un premier temps, mais ils ont ensuite été confiés à l’assistance publique quand ils ont été trouvés en train de mendier de la nourriture.
En 2012, la cour d’appel du sixième circuit a reconnu que l’expérience d’Alva Campbell aux mains de l’assistance publique avait été « principalement négative » et que ses avocats de première instance n’avaient « pas décrit les conditions négatives subies par M. Campbell – et les réactions de M. Campbell à ces conditions – dans les structures d’accueil pour mineurs » où il avait été placé. Cette juridiction a relevé que le ministère public avait tourné « à son avantage » l’absence d’éléments remontant à l’époque où Alva Campbell était pris en charge par les services de l’État parmi les circonstances atténuantes présentées au jury, en décrivant ces années comme une période de délivrance lui ayant apporté des perspectives d’avenir. Elle a conclu qu’il ne semblait pas que les avocats de la défense aient eu « la moindre raison stratégique » de ne pas présenter ces éléments atténuants, mais elle a tout de même confirmé la condamnation à mort, en invoquant la déférence avec laquelle les juridictions fédérales doivent traiter les décisions des tribunaux d’État aux termes de la législation américaine.
L’enfance traumatisante d’Alva Campbell a été suivie d’un âge adulte presque entièrement passé en prison : trois années purgées pour un vol à main armée commis à l’âge de 19 ans, puis 20 années pour un meurtre commis lorsqu’il avait 23 ans. Il est dans le couloir de la mort depuis presque 20 ans. Alva Campbell a déclaré au comité des grâces qu’il acceptait la responsabilité de son comportement criminel, qu’il présentait ses excuses aux proches de Charles Dials et aux autres personnes à qui il avait porté préjudice et qu’il regrettait sincèrement ce qu’il avait fait.
Dans le recours qu’ils ont déposé auprès de la cour d’appel du sixième circuit en août 2017, les avocats d’Alva Campbell ont exposé la détérioration progressive de son état de santé au cours des 15 dernières années, qui rendrait son exécution contraire à la Constitution selon eux : « 2003 – diagnostic d’hypertension artérielle pulmonaire ; 2004 – diagnostic de fibrose pulmonaire et de nodules grossissants dans la partie supérieur des poumons, emphysème évoluant gravement au point de causer une détresse respiratoire ; 2006 – diagnostic de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et d’emphysème classé en “stade final”, diagnostic de pneumothorax et d’insuffisance respiratoire, sarcoïdose (maladie pour laquelle il n’existe pas de traitement), maladie coronarienne, fibrillation atriale, hypertension, thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire ; 2012 – insuffisance respiratoire hypoxémique (dyspnée), histoplasmose, fibrillation atriale associée à une tachycardie et une arythmie cardiaque ; 2014 – diagnostic d’aggravation de la BPCO, nodules grossissants dans les poumons, aggravation de l’emphysème pulmonaire, découverte d’un anévrisme aortique ; 2015 – diagnostic de cancer de la prostate et prostatectomie, pneumothorax spontané nécessitant un transfert d’urgence en hélicoptère à l’hôpital de l’OSU et diagnostic de SARM [Staphylococcus aureus résistant à la méticilline] pendant l’hospitalisation ; 2016 – pose d’une prothèse totale de hanche après avoir été renversé par un codétenu, découverte par le personnel de l’hôpital de l’OSU d’un côlon gangreneux, deux opérations chirurgicales nécessaires pour retirer le côlon et l’équiper d’une colostomie ; 2017 – diagnostic de pneumonie à la suite d’une hospitalisation pour une hémoptysie. Outre ces caractéristiques physiques qui gênent ses capacités respiratoires, M. Campbell doit prendre un supplément d’oxygène quatre fois par jour pour survivre et a besoin d’un [déambulateur] pour une mobilité très limitée. »
Amnesty International est opposée à la peine de mort en toutes circonstances. À l’heure actuelle, 141 pays sont abolitionnistes en droit ou en pratique. Depuis 1976, 1 463 personnes ont été exécutées aux États-Unis, dont 55 dans l’Ohio. Sur les 21 exécutions effectuées jusqu’à présent en 2017 dans le pays, deux ont eu lieu dans cet État. L’Ohio compte actuellement 27 prisonniers dont l’exécution est programmée avant septembre 2022.
Nom : Alva Campbell
Homme
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