Le Centre de documentation et d’information de Bolivie (CEDIB), une organisation de la société civile, signale avoir été harcelé, menacé et chassé de ses locaux à Cochabamba, dans le centre de la Bolivie. Ces événements témoignent d’un recul alarmant de l’espace accordé à la société civile en Bolivie et pourraient aboutir à la disparition d’éléments de preuve, recueillis pendant des dizaines d’années, portant sur des atteintes aux droits humains commises dans le pays.
Le 21 mars, Juan Rios, doyen de l’Universidad Mayor de San Simon (UMSS), une université publique située à Cochabamba, a adressé à Marco Gandarillas, directeur du Centre de documentation et d’information de Bolivie (CEDIB), un courrier officiel l’informant que le CEDIB disposait de 48 heures pour libérer ses bureaux, situés dans des locaux de l’UMSS, qu’il occupait depuis 1993. La lettre a été envoyée à la suite d’une visite, le même jour, d’un conseiller de l’UMSS dans les bureaux du CEDIB. Selon le témoignage de membres du personnel du CEDIB, le conseiller de l’UMSS les a menacés pendant cette visite, leur disant qu’ils seraient « confinés » et « ne pourraient ni entrer dans leurs bureaux, ni en sortir » s’ils n’évacuaient pas les locaux immédiatement.
Le directeur du CEDIB a répondu au courrier de l’UMSS le jour même, rappelant au doyen l’accord officiel conclu entre les deux organisations, et soulignant qu’un délai de deux jours pour évacuer les bureaux du CEDIB et transférer les archives qui y étaient stockées était « déraisonnable et non conforme aux lignes directrices juridiques. » Le directeur du CEDIB a demandé que l’UMSS respecte cet accord et exigé que les actions de l’UMSS soient conformes à la loi. Dans sa lettre, il a également renouvelé l’appel du CEDIB au dialogue entre les deux institutions. Le doyen a répondu le 31 mars par un courrier dans lequel il évoquait une expulsion immédiate avec « le concours des forces de l’ordre » si les locaux n’étaient pas libérés dans les 48 heures. Redoutant des violences contre le personnel et les archives, le CEDIB a décidé de commencer à déménager ses archives en lieu sûr.
Entre le 5 et le 6 avril, le directeur du CEDIB a envoyé des lettres au doyen, au médiateur, ainsi qu’au maire de Cochabamba et gouverneur du département du même nom, pour demander que des mesures soient prises afin de protéger le personnel et les archives pendant le déménagement des locaux. Selon lui, la seule réponse qu’il ait reçue émanait du doyen, qui a affirmé que l’Université n’interviendrait de façon « ni pacifique, ni violente » pendant la période de libération des locaux. Cependant, le directeur du CEDIB a indiqué que les conseillers juridiques du doyen, lorsqu’ils avaient remis la lettre, s’étaient introduits de force dans les bureaux du CEDIB pour s’assurer que le déménagement des archives avait bien lieu. Le déménagement est en cours, mais le CEDIB craint des attaques contre son personnel et ses archives. Ces événements sont préoccupants, car ils témoignent d’un recul de l’espace accordé à la société civile en Bolivie.
Écrire Une organisation de la société civile en danger
Le CEDIB est l’une des voix qui se sont élevées en Bolivie pour dénoncer les violations des droits fondamentaux des peuples indigènes liées aux industries extractives dans l’Amazonie bolivienne. Dernièrement, le CEDIB et le Centre d’études juridiques et de recherches sociales (CEJIS) ont soumis une demande de mesures conservatoires à la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) au nom des peuples indigènes volontairement isolés, faisant valoir que leur survie serait menacée par la prospection pétrolière sur leur territoire.
Le 6 février 2017, lors d’une conférence de presse à l’Assemblée permanente de défense des droits humains (APDH) à La Paz, à laquelle le CEDIB participait aux côtés du CEJIS et de dirigeants du Territoire communautaire d’origine (TCO) Tacana II, un territoire indigène, pour annoncer que la CIDH avait demandé au gouvernement bolivien de lui communiquer des informations suite à leur demande de mesures conservatoires, la présentation a été interrompue par des dirigeants du Mouvement pour le socialisme (MAS), un parti politique, qui ont menacé d’occuper le siège de l’APDH.
En 2015, le vice-président bolivien Álvaro García a menacé le CEDIB (ainsi que trois autres organisations) de les expulser de la Bolivie, après que le CEDIB eut remis en question un ensemble de décrets législatifs liés à l’industrie pétrolière qui menaçaient des zones protégées et les peuples indigènes qui y vivent.
En 2016, le CEDIB a signalé faire l’objet d’un harcèlement continuel en raison de l’enquête qu’il menait sur l’octroi d’autorisations d’exploitation minière de glaciers boliviens. Ce harcèlement avait notamment pris la forme d’une diffusion publique de photos de l’équipe chargée de l’enquête et de renseignements personnels sur ses membres.
Personnes concernées : Les membres du personnel du Centre de documentation et d’information de Bolivie (CEDIB)
Hommes et femmes
Action terminée