Les forces de sécurité ont arrêté Badr Mohamed le 16 août 2013 dans le cadre des manifestations de la place Ramsès, alors qu’il était âgé de 17 ans. Amnesty International a recueilli des informations sur la force excessive utilisée par les forces de sécurité contre manifestant·e·s et passant·e·s lors de ces manifestations, qui ont entraîné la mort de 97 manifestant·e·s.
Selon des informations recueillies par Amnesty International, Badr Mohamed se trouvait à proximité de la place Ramsès lorsque les violences ont éclaté, et il a couru se réfugier dans la mosquée Al Fath, non loin de là. Les forces de sécurité ont alors effectué une descente dans la mosquée, où des dizaines de manifestant·e·s et de passant·e·s, dont de nombreux blessés, étaient bloqués, et ont arrêté Badr Mohamed et beaucoup d’autres personnes.
Selon le dossier examiné par Amnesty International, Badr Mohamed a été désigné comme suspect dans l’affaire 8615/2013 et interrogé par le parquet d’Al Azbakeya le 19 août 2013 en l’absence d’un avocat. Badr Mohamed a été maintenu en détention arbitraire avec des adultes à la prison de Wadi al Natron, puis transféré trois mois plus tard dans un centre de détention pour mineurs, où il est resté jusqu’à sa libération sous caution en novembre 2013.
En vertu du droit international et des normes internationales, l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’enfants ne doit survenir qu’en dernier recours ; elle doit faire l’objet d’un contrôle régulier et être d’une durée aussi brève que possible ; des mesures de substitution à la détention doivent être utilisées chaque fois que cela est possible. Selon ses proches, après sa libération, il a souffert d’un syndrome de stress post-traumatique et a vécu dans la clandestinité, craignant que les autorités ne l’arrêtent de nouveau.
Le 18 août 2017, Badr Mohamed a été condamné à cinq ans de prison en son absence pour meurtre de policiers, tentative de meurtre, « destruction de biens publics », « manifestation sans autorisation », « agression contre les forces de sécurité » et « entrave au travail des institutions nationales », entre autres chefs d’accusation.Il a été jugé dans le cadre d’un procès de masse manifestement inique contre 494 accusés, dont 43 ont été condamnés à la réclusion à perpétuité, tandis que 399 autres ont été condamnés à des peines allant de cinq à 15 ans d’emprisonnement, notamment huit mineur·e·s. Le jugement, examiné par Amnesty International, s’est largement appuyé sur des enquêtes et des témoignages de membres des forces de sécurité et d’autres représentants du gouvernement.
Les forces de sécurité ont arrêté Badr Mohammed devant sa femme, une ressortissante autrichienne, lors de la rupture du jeûne du Ramadan (Iftar) le 11 mai 2020. Il a été renvoyé devant la branche antiterroriste de la cour pénale du Caire en juillet 2020. Selon les avocats, de nouveaux accusés sont arrêtés et/ou ajoutés à l’affaire chaque mois, ce qui a considérablement retardé les procédures judiciaires. À la mi-2022, le président du tribunal a rejeté les demandes des avocats de faire comparaître des témoins ou de réexaminer les preuves. Le nouveau procès s’est d’abord déroulé dans une salle d’audience du complexe pénitentiaire de Tora, puis dans une salle d’audience du complexe pénitentiaire de Badr.
Le 12 janvier 2023, Badr Mohamed a été déclaré coupable de « participation à un rassemblement illégal », d’« usage de la force, associé au crime de meurtre prémédité », de « tentative de meurtre », de « destruction de biens publics », de « tentative d’utilisation d’explosifs et possession d’armes à feu et d’armes blanches », entre autres chefs d’accusation, et condamné à cinq ans de prison. De même que pour le jugement initial rendu en août 2017, le juge présidant le nouveau procès s’est appuyé sur des rapports secrets des forces de sécurité, auxquels les accusé·e·s et leurs avocats n’ont pas accès, et sur des témoignages de policiers et d’autres responsables des services de sécurité ou du gouvernement.
Les avocats ont signalé qu’aucune preuve matérielle n’avait été produite concernant la participation présumée de Badr Mohamed à des manifestations ou à des actes violents. Les avocats de Badr Mohamed ont déclaré à Amnesty International que le tribunal avait rejeté les déclarations des témoins de la défense selon lesquelles il n’avait pas pris part aux manifestations.
Amnesty International a appris par des organisations de défense des droits humains et d’autres sources informées que des dizaines de prisonniers à Badr 1 observent une grève de la faim depuis début juin 2024 pour protester contre leurs conditions de détention cruelles et inhumaines. La grève semble avoir été déclenchée par une forte hausse des températures, grimpant à plus de 40˚ C, en partie à cause du refus de l’administration pénitentiaire d’autoriser les ventilateurs et des coupures de courant quotidiennes imposées par le gouvernement à l’échelle nationale en réponse à la crise énergétique.
Ils protestent également contre le manque d’accès à des soins adéquats et contre ce qu’eux-mêmes et des militants égyptiens des droits humains décrivent comme des fouilles au corps humiliantes imposées par les responsables de la prison lorsque les détenus quittent leur cellule, y compris pour assister à des audiences de renouvellement de la détention provisoire ou pour se rendre à la clinique de la prison. Ils se plaignent aussi souvent des mauvais traitements infligés aux familles lors des visites, notamment contraintes d’attendre au soleil pendant des heures, de la réduction du temps alloué pour faire de l’exercice en dehors de la cellule et des restrictions imposées aux visites familiales.
Certains grévistes de la faim dénoncent aussi leur détention provisoire à rallonge, qui dépasse parfois la durée maximale de deux ans fixée par le droit égyptien. Selon des organisations de défense des droits humains, en réponse à cette grève, les responsables de Badr 1 ont adopté des mesures punitives et transféré une cinquantaine de prisonniers vers des établissements éloignés, situés dans les gouvernorats d’El Minya (à 280 km au sud du Caire) et d’Al Wadi al Gadid (à 620 km au sud-ouest du Caire).
Selon des militants, les prisonniers restés à Badr 1 impliqués dans la grève de la faim ou qui la soutiennent, ont été visés par d’autres mesures punitives telles que la coupure délibérée de l’accès à l’électricité et à l’eau, en violation de l’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements.