Carlos Debiais est un photographe vénézuélien qui vit à Bogotá, en Colombie. Rentré au Venezuela à titre temporaire pour faire refaire son passeport, il est arrivé dans son État d’origine, Falcón, le 8 novembre 2021. Le 12 novembre, alors qu’il filmait des images avec son drone dans la baie d’Amuay, à proximité de la raffinerie de pétrole d’Amuay, gérée par la compagnie pétrolière publique PDVSA, il a été interrogé par des agents de sécurité de la PDVSA, rejoints plus tard par des membres de la Garde nationale. Peu après, des agents de la Direction générale du contre-espionnage militaire (DGCIM) sont arrivés et ont fouillé sa voiture et ses effets personnels, trouvant son matériel de tournage, dont un drone, ainsi que des dollars des États-Unis et de la marijuana destinée à son usage personnel. Il a alors été emmené dans des locaux de la DCGIM situés à l’intérieur de la raffinerie d’Amuay, où il a de nouveau été interrogé.
Le sort réservé à Carlos Debiais et le lieu où il était détenu sont restés inconnus du 12 au 15 novembre, date à laquelle sa famille a été informée qu’il se trouvait au siège de la DGCIM à Boleíta Norte, à Caracas, à environ 558 km de l’endroit où il avait été arrêté. Ce jour-là, il a comparu devant un tribunal antiterroriste et s’est vu reprocher des faits de « terrorisme », d’association de malfaiteurs, de « violation du régime de la nation » et de consommation de stupéfiants. Le ministère public n’a présenté aucun élément de preuve dans le délai de 45 jours prévu par la loi, ni ultérieurement, lorsque ce délai a été prolongé de 15 jours. Lors de l’audience préliminaire qui s’est tenue le 10 février 2022, trois mois après son arrestation, Carlos Debiais a été inculpé de « violation du régime de la nation » et de consommation de stupéfiants.
Bien que seules des images de la baie d’Amuay aient été découvertes, et aucune de la raffinerie ni d’autres contenus répréhensibles, Carlos Debiais a été déclaré coupable et condamné à quatre ans et six mois d’emprisonnement. Il a été autorisé à purger sa peine en liberté conditionnelle, à condition de se présenter devant le tribunal tous les deux mois.
Entretemps, selon sa famille, le sort de Carlos Debiais et le lieu où il se trouvait ont de nouveau été inconnus du 15 novembre au 5 décembre, date à laquelle il a été autorisé à téléphoner à sa famille. Ensuite, du 5 au 15 décembre, il n’a à nouveau été autorisé à avoir aucun contact avec sa famille ou ses avocats. Le 23 mars, il a été transféré à la prison d’El Rodeo II, à Caracas, sans que sa famille en soit informée. Il est détenu dans cet établissement depuis lors.
Le 12 avril, la dixième cour de contrôle de l’exécution des peines a rendu une ordonnance de mise en liberté en faveur de Carlos Debiais, assortie d’une période de probation de trois ans. Selon certaines informations, l’administration pénitentiaire d’El Rodeo II affirme que cette ordonnance ne peut être appliquée sans ordre exprès en ce sens de la ministre des Affaires pénitentiaires, Mirelys Contreras.
Cette détention arbitraire intervient sur fond de violations massives des droits humains au Venezuela. Le gouvernement de Nicolás Maduro a mis en œuvre une politique de répression dans le contexte d’une crise humanitaire complexe et d’une profonde crise des droits humains, qui a contraint plus de 6,1 millions de Vénézuélien·ne·s à quitter le pays pour des raisons de sécurité.
Le système judiciaire manque d’indépendance et, selon la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur la République bolivarienne du Venezuela [ONU], les autorités l’utilisent pour permettre et commettre des violations des droits humains et des crimes au regard du droit international, dont certains pourraient constituer des crimes contre l’humanité.