Écrire Plus de 90 morts lors d’émeutes en prison

Durant la première semaine de janvier, plus de 90 hommes ont été tués (abattus, décapités ou écartelés) dans des prisons des États de l’Amazone et de Roraima dans le nord du Brésil, lors d’émeutes et de conflits entre gangs criminels. Les autorités doivent enquêter dans les meilleurs délais sur ces homicides et adopter des mesures afin de prévenir de telles violences au sein du système carcéral.

Entre le 1er et le 2 janvier, 56 prisonniers ont été tués à la prison d’Anísio Jobim à Manaus, dans l’État de l’Amazone, au cours d’une émeute sur fond de conflit entre gangs rivaux. Certains ont été tués par balle, d’autres poignardés, décapités, brûlés et écartelés. L’émeute a duré 16 heures et 12 personnes ont été prises en otages, avant d’être libérées saines et sauves par la suite. Plus de 180 prisonniers se sont évadés durant l’émeute ; au 8 janvier, la police avait localisé et remis derrière les barreaux moins de la moitié d’entre eux. Le 2 janvier, quatre hommes ont été tués à la prison de Puraquequara, également située à Manaus.

Du fait de l’insécurité et des infrastructures ayant été détruites, certains prisonniers d’Anísio Jobim ont été conduits à la prison de Vidal Jobim, fermée en 2016 en raison de sa désuétude ; le 8 janvier, quatre hommes y ont été tués. Le 8 janvier également, trois cadavres ont été retrouvés dans les bois entourant la prison d’Anísio Jobim. Cet établissement connaît un fort problème de surpopulation. Il accueille plus de 1 200 détenus, pour une capacité de 770 places. Cette situation est représentative du système carcéral dans l’État de l’Amazone : plus de 10 000 détenus y sont incarcérés pour une capacité de 3 100 places. Le Conseil national de justice et le mécanisme national de prévention de la torture ont déjà dénoncé les conditions inhumaines et la surpopulation dans les prisons de l’État de l’Amazone et appelé les autorités à prendre des mesures urgentes. À ce jour, rien n’a encore été entrepris. Depuis 2013, la prison d’Anísio Jobim est gérée par une société privée.

En outre, aux premières heures du 6 janvier, au moins 31 hommes ont été tués à la prison rurale de Monte Cristo à Boa Vista, dans l’État de Roraima. Selon les autorités, ce chiffre pourrait être plus élevé, car elles peinent à identifier plusieurs cadavres qui ont été écartelés et démembrés. Nombre des victimes ont été décapitées et on leur a arraché le cœur et d’autres organes. Des détenus ont partiellement filmé les meurtres. La prison de Monte Cristo est elle aussi surpeuplée : elle accueille plus de 1 400 détenus, pour une capacité de 700 places. En septembre 2016, le Conseil national de justice a dénoncé les conditions dégradantes dans cette prison. La situation dans les prisons des États de l’Amazone et de Roraima demeure instable. Dans d’autres États, des informations font état de tensions dues à la surpopulation et aux conditions déplorables, mais aussi aux rivalités entre gangs criminels actifs dans l’ensemble du pays.

Les réactions et les déclarations publiques de certains responsables concernant les meurtres dans la prison d’Anísio Jobim sont déplacées. Le président Michel Temer a qualifié ces meurtres de « terrible accident » (um acidente pavoroso). Le gouverneur de l’État de l’Amazone José Melo a justifié l’épisode en déclarant : « Ce ne sont pas des Saints là-bas. » (Ali não tinha nenhum santo). Le ministre des Affaires pénitentiaires de l’État de l’Amazone a déclaré : « À quoi vous attendiez-vous ? Il n’y avait pas de prêtres là-bas, seulement des criminels. » (Queria o que ? Ali não tinha padre, tinha criminoso). Enfin, le ministre national de la Jeunesse Bruno Julio a déclaré : « Ils auraient dû en tuer plus. Il faudrait un massacre par semaine. » (Tinha era que matar mais. Tinha que fazer uma chacina por semana). En raison des pressions exercées par la population, ce dernier a dû démissionner après avoir fait cette déclaration.

À la suite des meurtres survenus dans les prisons de l’État de Roraima, la gouverneure de cet État a affirmé qu’elle avait officiellement demandé l’aide du gouvernement fédéral et du ministre de la Justice en octobre 2016, face à l’instabilité au sein des établissements carcéraux. Le gouvernement fédéral lui a refusé cette aide en octobre 2016. Le ministre de la Justice a déclaré le contraire, mais des documents officiels divulgués à la presse contredisent sa version et révèlent que le gouvernement fédéral avait refusé d’envoyer des renforts.

Selon le ministère de la Justice, fin 2015, plus de 620 000 personnes étaient incarcérées dans les prisons brésiliennes, pour une capacité totale d’environ 370 000 places. Le système pénitentiaire brésilien est marqué par une forte surpopulation, des conditions dégradantes, la torture et les violences. Cependant, les autorités n’ont pas pris de mesures concrètes au cours des années passées pour résoudre le grave problème de surpopulation, remédier aux conditions déplorables et prévenir les violences meurtrières à l’intérieur des prisons.

En octobre 2016, 10 hommes ont été décapités ou brûlés vifs dans une prison de l’État de Roraima, tandis que huit autres sont morts asphyxiés dans leur cellule lors d’un incendie dans une prison de l’État de Rondônia. En 2015, dans l’État du Minas Gerais, une mutinerie a fait trois morts parmi les détenus de l’établissement pénitentiaire de Teófilo Otoni en octobre, et une autre deux morts à la prison de Governador Valadares en juin. En octobre 2015, la prison de Londrina, située dans l’État du Paraná, dans le sud du pays, a été le théâtre de troubles. En 2013, 60 prisonniers ont été assassinés dans la prison de Pedrinhas, dans l’État de Maranhão, et près d’une vingtaine ont été tués entre janvier et octobre 2014. Des séquences vidéo de décapitation ont été diffusées dans les médias. À Pedrinhas, l’un des prisonniers avait été tué, grillé et partiellement mangé par d’autres détenus. En novembre 2010, une émeute à la prison de Pedrinhas a fait 18 morts. En mai 2004, 31 hommes (30 détenus et un gardien) ont été tués lors d’une émeute au centre de détention de Benfica, à Rio de Janeiro. En janvier 2002, 27 hommes ont été tués à la prison d’Urso Branco à Porto Velho, dans l’État de Rondônia. En octobre 1992, 111 hommes ont été tués par la police militaire à la prison de Carandiru, à São Paulo, dans le cadre d’une émeute d’envergure ; 74 policiers avaient été condamnés pour le meurtre de 77 victimes. En 2016, le procès a été déclaré nul et ce massacre demeure impuni.

Depuis plusieurs années, le Conseil national de justice, le mécanisme national de prévention de la torture (http://www.sdh.gov.br/sobre/participacao-social/sistema-nacional-de-prevencao-e-combate-a-tortura-snpct/mecanismo/Unidades_Prisionais_de_Manaus___AM.pdf), le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture et plusieurs organisations nationales et internationales de défense des droits humains dénoncent les conditions chaotiques dans les geôles brésiliennes. Dans son rapport de mission sur le Brésil (http://ap.ohchr.org/documents/dpage_e.aspx?m=103), le rapporteur spécial sur la torture a engagé les autorités brésiliennes à adopter des mesures immédiates afin de remédier à la surpopulation et de faire pleinement respecter l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (règles Nelson Mandela), à étendre la réalisation des audiences relatives à la détention afin de couvrir l’ensemble du territoire national et à mettre en place de véritables mécanismes de plainte pour que les détenus puissent dénoncer les actes de torture et les mauvais traitements.

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