Le procureur chargé de l’enquête sur les accusations visant les responsables de la stérilisation forcée de plus de 2 000 femmes paysannes et indigènes vivant dans la pauvreté a décidé de classer sans suite la majorité des affaires, refusant une nouvelle fois aux victimes le droit à la justice.
Le 27 juillet 2016, le parquet supraprovincial de Lima a une fois de plus rejeté les accusations portées contre les auteurs présumés de la stérilisation forcée de plus de 2 000 femmes pendant les années 1990 au Pérou. Ces affaires ne représentent qu’un faible pourcentage du nombre total de femmes qui ont été stérilisées de force au long de cette décennie.
L’enquête sur ces cas avait été close en janvier 2014 puis rouverte le 10 mai 2015, en raison de pressions nationales et internationales et de l’insistance des victimes. La deuxième division du parquet supraprovincial de Lima chargé des affaires pénales a reçu pour tâche de mener l’enquête. Il a demandé une prolongation de la date butoir en août 2015, puis une nouvelle fois en février 2016, en vue de poursuivre les investigations.
Le parquet a rendu cette décision alors que tout semble indiquer que les professionnels de santé mettant en œuvre les programmes de planification familiale ont subi des pressions des autorités pour atteindre des quotas de stérilisation et que, dans la plupart des cas, les femmes concernées n’ont pas donné leur consentement libre et éclairé. Seules sept affaires sur toutes celles visées par l’enquête seront transmises à la magistrature pour être traitées individuellement en justice. Les autres affaires resteront classées sans suite.
Amnesty International a plus d’une fois demandé au bureau du procureur général de poursuivre toute personne ayant participé à ces graves violations des droits humains, en mettant en place le programme de stérilisations, en l’appliquant, en fournissant des ressources ou en toute autre qualité, même s’il s’agit de représentants de l’État ou de fonctionnaires, qu’ils soient employés civils ou militaires.
Écrire Plus de 2 000 femmes à nouveau privées de justice
Durant les années 1990, environ 200 000 femmes, paysannes ou indigènes pour la plupart, ont été stérilisées dans le cadre d’une politique de contrôle démographique visant les personnes pauvres. Tout semble indiquer que les professionnels de santé mettant en œuvre les programmes de planification familiale ont subi des pressions des autorités pour atteindre des quotas de stérilisation et que, dans la plupart des cas, les femmes concernées n’ont pas donné leur consentement libre et éclairé. Ces femmes et leurs familles auraient été menacées d’amendes, de peines de prison ou de suppression des subventions sur les denrées alimentaires si elles refusaient de subir l’opération imposée. Beaucoup n’ont pas bénéficié du suivi nécessaire après l’opération et ont souffert de problèmes de santé par la suite ; 18 en sont mortes.
En 2002, la Commission du Congrès chargée d’enquêter sur les accusations de stérilisation forcée a statué que la stérilisation avait été effectuée sans le consentement des femmes concernées, par le biais de pressions ou de violences psychologiques, ou en échange d’un avantage alimentaire ou économique. Sur la base de ces conclusions, des accusations ont été émises contre le président de l’époque, Alberto Fujimori, contre les ministres et les ministres adjoints de la Santé, ainsi que contre plusieurs de leurs conseillers.
Les droits sexuels et reproductifs sont inscrits dans divers traités internationaux relatifs aux droits humains, qui obligent les nations à respecter, protéger et garantir la liberté, la dignité et les droits sexuels et reproductifs pour tous, sans contrainte ni violence. Ces droits, établis dans le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement qui s’est tenue au Caire en 1994, reposent sur la reconnaissance du droit fondamental de tous les couples et individus de décider librement et avec discernement du nombre d’enfants qu’ils ont, de l’espacement de leurs naissances et du moment où ils veulent les avoir.
L’histoire du Pérou est marquée depuis longtemps par la discrimination envers les personnes pauvres, indigènes et paysannes, notamment les femmes. La Commission vérité et réconciliation a estimé que la persistance de la discrimination raciale, sociale et liée au genre était l’une des raisons pour lesquelles ces graves atteintes aux droits humains de personnes pauvres indigènes et paysannes avaient été ignorées pendant des années, et qu’une discrimination aussi endémique devait être traitée pour empêcher que ces violences ne se renouvellent.
En 2004, le bureau du procureur général a ouvert une enquête sur la pratique répandue des stérilisations forcées dans les années 1990. Cette enquête a été close une première fois en 2009. À la suite de pressions nationales et internationales, elle a été rouverte en octobre 2011. En janvier 2014, le bureau du procureur a décidé d’engager des poursuites dans un seul cas, celui de María Mamérita Mestanza, et de classer sans suite les autres affaires. À la suite de pressions nationales et internationales, le bureau du procureur général a rouvert l’enquête une nouvelle fois en mai 2015. En août 2015, la date butoir pour l’enquête a été prolongée de six mois, et en février 2016, une prolongation de cinq mois supplémentaires a été demandée, jusqu’à la décision de clore ces enquêtes en juillet 2016.
Cette enquête a fait suite à un règlement à l’amiable devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme entre le gouvernement péruvien et la famille de María Mamérita Mestanza. Les autorités péruviennes ont reconnu devant la Commission avoir bafoué les droits de María Mamérita Mestanza à la vie et à l’intégrité physique, son droit à une égale protection devant la loi sans discrimination. Elles ont également reconnu ne pas avoir respecté leur devoir de protection à son égard. Le gouvernement péruvien s’est en outre engagé à enquêter et faire justice dans cette affaire et dans tous les autres cas de stérilisation forcée signalés.
Nom : Plus de 2 000 femmes victimes de stérilisation forcée ,Femme
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