Depuis août 2017, plus de 740 000 Rohingyas se sont enfuis de chez eux, dans l’État d’Arakan, qui se situe dans le nord du Myanmar, en raison de la campagne de violences menée contre eux par l’armée. D’après un rapport de l’ONU, ces crimes pourraient également constituer un génocide. Dans les années qui ont suivi cette campagne de violences, des Rohingyas ont continué de s’enfuir en franchissant la frontière.
Depuis plusieurs années, des Rohingyas tentent d’aller en Malaisie, en Thaïlande, en Indonésie et dans d’autres pays. Comme ils ne possèdent pas de visa ni de documents de voyage et comme leurs déplacements sont soumis à des restrictions strictes, il leur est presque impossible de rejoindre les autres pays par voie terrestre, et sont donc contraints d’utiliser des bateaux.
Selon les informations obtenues par Amnesty International, plusieurs centaines de personnes réfugiées seraient toujours bloquées en mer. En mai 2020, plusieurs dizaines de personnes seraient mortes à bord d’un bateau que les autorités malaisiennes ont repoussé. Les rescapés qui ont été autorisés à débarquer au Bangladesh souffraient de malnutrition et de déshydratation. Au cours des dernières semaines, en juin, la Malaisie et le Bangladesh, qui avaient dans un premier temps accepté d’accueillir des bateaux, ont refusé d’offrir leur aide aux personnes ayant besoin d’être secourues. De plus, des gardes-côtes ont repoussé des bateaux. Les autres pays n’ont pas réagi.
Les gouvernements des pays d’Asie du Sud et du Sud-Est doivent immédiatement lancer des opérations de recherche et sauvetage pour les Rohingyas bloqués en mer, leur apporter de la nourriture et des médicaments, et les autoriser à débarquer en toute sécurité. Les autorités ne doivent pas repousser ces bateaux. Les mesures adoptées pour faire face à la pandémie de COVID-19 ne doivent pas être utilisées comme prétexte pour empêcher les Rohingyas de débarquer en toute sécurité et de demander l’asile.
Les gouvernements doivent également respecter les engagements qui ont été pris au titre de déclarations régionales, notamment la Déclaration de 2010 de l’ANASE sur les opérations de recherche et sauvetage en mer, la Déclaration de Bali de 2016, et des conclusions de la réunion de février 2020 de l’Équipe spéciale du Processus de Bali, qui « insistent sur le fait qu’il est primordial de sauver des vies en mer et de ne pas mettre en danger la vie et la sécurité de personnes quand ils font face à des migrations irrégulières par mer ».
L’Indonésie n’est pas État partie à la Convention de 1951, mais elle joue un rôle essentiel en assurant la coprésidence, avec l’Australie, du Processus de Bali. En 2016, l’Indonésie s’est aussi dotée du Règlement présidentiel n° 125/2016 sur la gestion des personnes réfugiées. De plus, l’Indonésie dispose d’une Équipe spéciale sur la gestion des personnes réfugiées (Satuan Tugas Penanganan Pengungsi dari Luar Negeri) qui dépend du ministère chargé de coordonner les affaires politiques, juridiques et de sécurité et qui travaille en coordination avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en Indonésie.
Par ailleurs, la communauté internationale doit aussi faire beaucoup plus pour soutenir le Bangladesh, et assumer sa part de responsabilité et participer financièrement à l’accueil de presque un million de personnes réfugiées, alors que l’économie de ce pays est déjà mise à rude épreuve en raison du ralentissement mondial lié à la pandémie.
Pour finir, les réfugiés rohingyas ont le droit de continuer de chercher à obtenir l’asile, et les États doivent continuer d’ouvrir leurs frontières pour accueillir les personnes qui continuent de s’enfuir actuellement ou qui s’enfuiront à l’avenir.