Détenteur de la double nationalité égyptienne et turque, Abdul Rahman Al Qaradawi est un poète qui vit et travaille en Turquie. Il est le fils de feu Yusuf Al Qaradawi, éminent universitaire islamique égyptien. Sa sœur, Ola Al Qaradawi, a été interpellée en Égypte en juin 2017 et détenue arbitrairement pendant quatre ans en Égypte sur la base de fausses accusations liées au terrorisme. Les autorités égyptiennes ont condamné Abdul Rahman Al Qaradawi par contumace en 2017 à cinq ans de prison pour des accusations de diffusion de fausses nouvelles, entre autres, dans le cadre d’une affaire à caractère politique.
Le 26 janvier 2025, le Parlement égyptien a débattu et approuvé un nouveau traité visant à transférer des prisonniers reconnus coupables d’Égypte aux Émirats arabes unis. S’il est extradé vers l’Égypte, Abdul Rahman Al Qaradawi sera exposé au risque d’être victime d’une disparition forcée, d’actes de torture et de mauvais traitements, ainsi que d’un procès inique débouchant sur son incarcération inique prolongée.
La détention arbitraire d’Abdul Rahman Al Qaradawi a fait suite à ses propos critiques à l’égard des autorités émiriennes, saoudiennes et égyptiennes. Amnesty International a examiné le contenu de ses publications et relevé que l’arrestation et la demande d’extradition déposée par les Émirats arabes unis se fondent sur des propos qui sont protégés au titre du droit à la liberté d’expression.
En vertu du droit international et des normes internationales, la liberté d’expression s’applique à tous types d’idées, y compris aux idées très offensantes, et l’expression ne peut être légitimement restreinte en vertu des mêmes textes, que si elle bafoue les droits d’autrui, sert à faire l’apologie de la haine ou à inciter à la discrimination ou à la violence.
Extrader Abdul Rahman Al Qaradawi de force vers un pays où il risque d’être persécuté constitue une violation flagrante du principe de non-refoulement qui, en vertu du droit international relatif aux droits humains, garantit que nul ne doit être renvoyé dans un pays où il risque d’être soumis à la torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou à d’autres préjudices irréparables.
Le 8 janvier 2025, plusieurs rapporteurs spéciaux de l’ONU ont publié un communiqué de presse demandant aux autorités libanaises de ne pas l’extrader vers un pays où il existe des motifs sérieux de croire qu’il risquerait de subir des actes de torture, une disparition forcée ou d’autres violations graves des droits humains.
Depuis 2011, des dizaines de personnes ont été placées en détention aux Émirats arabes unis pour avoir exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression et d’association. En 2012, le procès collectif et d’une iniquité flagrante de 94 personnes, connu sous le nom de l’affaire des « 94 Émiriens », a abouti à la condamnation de 69 d’entre elles à des peines d’emprisonnement allant de sept à 15 ans, alors que la plupart n’avaient rien fait d’autre que réclamer des réformes et se prononcer en faveur de la démocratie.
En vertu du droit émirien de l’époque, le jugement était définitif et n’a pas pu faire l’objet d’un appel, en violation du droit international. Sur les 69 hommes condamnés, cinq l’ont été à sept ans d’emprisonnement, 56 à 10 ans et huit ont été condamnés à 15 ans de prison par contumace. Cinquante-neuf des personnes emprisonnées dans le cadre de cette affaire se trouvent toujours en détention arbitraire, bien qu’elles aient purgé leur peine.
Le 17 mai 2023, Khalaf al Rumaithi, citoyen turc et émirien, a été expulsé de force vers les Émirats arabes unis par la Jordanie. Cet homme, qui compte parmi les 94 Émiriens, avait été condamné à 15 ans de prison par contumace et vivait en exil en Turquie depuis une dizaine d’années, quand il a pris un avion pour la Jordanie le 7 mai 2023 en quête d’un établissement scolaire arabe où inscrire ses enfants.
Selon l’organe de presse gouvernemental Emirates News Agency, qui a annoncé son expulsion forcée par la Jordanie et son arrestation par les Émirats, Khalaf al Rumaithi sera rejugé pour appartenance à une organisation « dont le but est de s’opposer aux principes fondamentaux de l’État émirien ». Khalaf al Rumaithi était également accusé dans le cadre d’un autre procès collectif impliquant 84 accusés, dont au moins 26 prisonniers.
Le 10 juillet 2024, 43 accusés ont été condamnés à la réclusion à perpétuité, cinq à 15 ans de prison, et cinq autres à 10 ans de prison, à l’issue de poursuites qui ont bafoué les droits à un procès équitable.
Les Émirats arabes unis n’ont toujours pas ratifié plusieurs des principaux traités internationaux en matière de droits humains, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). De nombreuses dispositions de ces deux documents sont tirées de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), qui sont devenues au fil du temps partie intégrante du droit international coutumier et sont donc généralement contraignantes pour tous les États.