Écrire Une politique de transferts vers Guantanamo tenue secrète

Le secrétaire américain à la Défense a transmis à la Maison-Blanche ses recommandations concernant la politique de transferts de détenus à Guantánamo, mais les détails de cette politique n’ont pas été rendus publics. Parallèlement, un détenu de Guantánamo a été transféré hors de la base pour la première fois depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump.
Le 30 janvier 2018, le président Donald Trump a abrogé le décret de son prédécesseur, datant de 2009, qui prévoyait la fermeture du centre de détention de Guantánamo. Il a ordonné au secrétaire à la Défense, James Mattis, d’élaborer d’ici au 30 avril des recommandations « relatives au traitement des personnes capturées en lien avec un conflit armé, notamment des directives régissant le transfert de personnes » à Guantánamo. Le 3 mai, la porte-parole du Pentagone a confirmé que James Mattis avait transmis ses recommandations au président, mais elle n’a pas donné plus de précisions. Elle a déclaré que « la Maison-Blanche déciderait en dernier lieu des suites à donner à ces recommandations et ferait des annonces en conséquence. »
Lors d’une conférence de presse le 30 avril, le secrétaire à la Défense a été interrogé sur ce que les États-Unis comptaient faire des membres du groupe armé se désignant sous le nom d’État islamique (EI) qui se trouvaient aux mains des Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par les États-Unis. Il a répondu que, à sa connaissance, le nombre de combattants étrangers détenus par les FDS « dépassait largement les 400 ». Il a précisé que les États-Unis, en particulier le Département d’État, était « en contact avec leur pays d’origine, c’est-à-dire le pays dont ils avaient la nationalité lorsqu’ils sont partis au combat. Cependant, dans certains cas, ce pays les a déchus de leur nationalité, et n’est donc pas toujours d’accord avec nous sur leur statut actuel. Les choses ne sont pas si simples. » Le 3 mai, la porte-parole du Pentagone a répété : « Nous essayons d’encourager les pays à reprendre leurs ressortissants ».
Le 2 mai, le Pentagone a annoncé le transfert d’Ahmed Mohammed Haza al Darbi de Guantánamo en Arabie saoudite. Cet homme avait plaidé coupable devant une commission militaire en février 2014, dans le cadre d’un accord conclu avant son procès. Selon le Pentagone, « ayant respecté les termes de cet accord, Ahmed al Darbi purgera le restant de sa peine de 13 ans de prison en Arabie saoudite ». C’est la première fois qu’un prisonnier est transféré hors de Guantánamo depuis la prise de fonctions du président Trump en janvier 2017. Il reste aujourd’hui 40 détenus sur cette base militaire américaine.
Amnesty International considère que les détentions à Guantánamo sont contraires aux obligations qui incombent aux États-Unis en vertu du droit international relatif aux droits humains. Elle demande depuis longtemps que toutes les personnes qui y sont incarcérées soient traduites en justice dans le cadre d’un procès équitable ou libérées, que le système des procès devant des commissions militaires soit abandonné car il ne satisfait pas aux normes internationales d’équité et que le centre de détention soit fermé.

Les placements en détention à Guantánamo ont débuté le 11 janvier 2002, dans le contexte de ce que le président George W. Bush a qualifié de « guerre contre le terrorisme » après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Au total, 779 personnes ont été incarcérées dans ce centre. Aucun nouveau prisonnier n’est arrivé à Guantánamo depuis le 14 mars 2008. Ils étaient encore 41 à y être détenus lors de la prise de fonction du président Donald Trump (voir https://www.amnesty.org/fr/documents/amr51/7822/2018/en/).
Le décret du président Trump en date du 30 janvier 2018 réaffirme la position des États-Unis selon laquelle ces détentions se fondent notamment sur l’Autorisation de recours à la force armée (AUMF), adoptée quasiment sans débat par le Congrès juste après les attentats du 11 septembre. Les tribunaux fédéraux américains ont confirmé la validité de l’AUMF en tant que source de droit autorisant les détentions. Le décret du président Trump affirme que l’AUMF « et d’autres sources faisant autorité ont autorisé les États-Unis à placer en détention certaines personnes ayant fait partie d’Al Qaïda, des talibans ou de forces associées engagées dans des hostilités contre les États-Unis ou contre ses partenaires de la coalition, ou leur ayant apporté un appui important. » Il indique également : « Aujourd’hui, les États-Unis restent engagés dans un conflit armé avec Al Qaïda, les talibans et des forces associées, y compris avec l’État islamique en Irak et en Syrie. » La question de savoir si les tribunaux américains considéreraient que l’AUMF s’applique à des détenus de l’État islamique envoyés à Guantánamo reste ouverte, étant donné qu’aucun de ces détenus n’a été transféré sur la base navale à ce jour. Plusieurs initiatives visant à adopter une nouvelle AUMF ont eu lieu ou sont en cours au Congrès, notamment dans le but de combler ce qui est perçu comme un vide juridique dans le droit américain.
Amnesty International estime que toute personne soupçonnée, pour des raisons valables, d’être responsable de crimes relevant du droit international doit être traduite devant une juridiction civile et bénéficier d’un procès conforme aux normes internationales d’équité, sans recours à la peine de mort. Cela vaut également pour les combattants étrangers soupçonnés pour des raisons valables d’avoir commis des crimes relevant du droit international, comme des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité, pendant les conflits armés non internationaux en Irak et en Syrie. Sous réserve qu’il y existe suffisamment de preuves recevables à leur encontre, ces combattants doivent être traduits en justice dans le cadre de procès équitables, pouvant se tenir au sein de tout système judiciaire disposant de la compétence nécessaire, que ce soit dans le pays dont ils ont la nationalité, en Syrie, en Irak ou à La Haye, ou dans un pays tiers appliquant la compétence universelle pour ces crimes. Amnesty International est opposée à la peine de mort en toutes circonstances. Aujourd’hui, 142 pays sont abolitionnistes en droit ou en pratique, et les tribunaux internationaux établis pour juger les crimes les plus graves au regard du droit international n’autorisent pas le recours à la peine capitale.
Ahmed Mohammed Haza al Darbi, ressortissant saoudien, a été arrêté le 4 juin 2002 par les autorités civiles azerbaïdjanaises à l’aéroport de Bakou. Il est resté détenu pendant deux mois en Azerbaïdjan. Il a ensuite été remis à des agents des États-Unis en août 2002 et conduit sur la base navale américaine de Bagram, en Afghanistan, où il a été maintenu en détention pendant huit mois avant d’être transféré à Guantánamo fin mars 2003. En février 2014, devant le juge d’une commission militaire, il a plaidé coupable de complot, d’attaque contre des biens de caractère civil, de mise en danger d’un navire et de terrorisme. Dans le cadre d’un accord conclu avant son procès, il a accepté de renoncer à son droit de faire appel, et s’est engagé à n’enclencher « aucune procédure judiciaire » contre les États-Unis ni aucun membre des autorités américaines en lien avec « sa capture, sa détention, son placement à l’isolement ni son statut de combattant ennemi étranger et illégal ou de belligérant ennemi étranger et illégal ». En vertu de cet accord, sa condamnation a été reportée et n’a été prononcée que trois ans et six mois plus tard. Il a été condamné en octobre 2017 à 13 ans de réclusion. Dans son communiqué de presse du 2 mai 2018 annonçant le transfert d’Ahmed al Darbi, le ministère de la Défense a indiqué : « Les États-Unis ont travaillé en coordination avec le gouvernement du Royaume d’Arabie saoudite pour s’assurer que le transfert se fasse dans le respect des normes établies en matière de sécurité et de traitement humain. »
Noms : détenus risquant d’être transférés à Guantánamo

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