Le placement en détention d’Alaa Abdel Fattah et de Mohamed el Baqer s’inscrit dans le cadre de la plus vaste campagne d’arrestations menée depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdel Fattah al Sissi, en 2014. Les 20 et 21 septembre 2019, des manifestations éparses ont eu lieu dans plusieurs villes en Égypte, réclamant la démission du président Abdel Fattah al Sissi. Les manifestations auraient été déclenchées par des allégations de corruption lancées par Mohamad Ali, ancien sous-traitant de l’armée qui a accusé des responsables de l’armée et le président d’avoir dilapidé l’argent public en se faisant construire de luxueuses propriétés.
Le 29 mars 2019, Alaa Abdel Fattah a bénéficié d’une libération assortie d’une mise à l’épreuve après avoir purgé une peine injustifiée de cinq ans d’emprisonnement pour avoir participé à une manifestation pacifique. Cette mesure l’obligeait à passer chaque nuit 12 heures dans un poste de police, pendant cinq ans. Le 29 septembre 2019, Alaa Abdel Fattah n’est pas ressorti du poste de police de Dokki, au Caire, où il passait ses nuits. La police a indiqué à sa mère qu’il avait été conduit par des fonctionnaires de l’Agence de sécurité nationale au service du procureur général de la sûreté de l’État (SSSP). Plus tard ce jour-là, Mohamed el Baqer est entré dans le bâtiment du SSSP pour assurer sa défense.
Selon leurs familles et leurs amis, le lieu de détention d’Alaa Abdel Fattah et de Mohamed el Baqer est resté inconnu jusqu’au 1er octobre 2019, date à laquelle ils ont comparu devant un juge à la prison de sécurité maximale n° 2 de Tora pour la première fois depuis leur arrestation. L’interrogatoire était centré sur le travail de Mohamed el Baqer et le procureur n’a présenté aucun élément à charge contre lui, à l’exception d’un dossier d’enquête de l’Agence de sécurité nationale que ni lui ni son avocat n’ont pu examiner.
Le 18 mars 2020, la mère d’Alaa Abdel Fattah, Laila Soueif, sa sœur, Mona Seif, sa tante, Ahdaf Soueif, et la professeure d’université Rabab el Mahdi ont été arrêtées par les services de sécurité devant le siège du gouvernement au Caire, où elles avaient manifesté pour demander la libération des détenus compte tenu de leur crainte d’une épidémie de COVID-19 dans les prisons surpeuplées du pays. Le procureur les a accusées d’« incitation à manifester », de « diffusion de fausses informations » et de « possession de documents diffusant de fausses informations ». Le procureur a ensuite ordonné leur remise en liberté dans l’attente des conclusions de l’enquête contre une caution de 5 000 livres égyptiennes (environ 320 dollars des États-Unis).
Bien qu’elles aient versé la caution le jour même, elles ont été maintenues en détention jusqu’au lendemain sans aucun fondement juridique. Le 19 mars, Laila Soueif a été transférée dans les locaux du SSSP, au Nouveau Caire, où un procureur a ordonné sa libération contre une caution de 3 000 livres égyptiennes (environ 190 dollars des États-Unis). Les quatre femmes ont ensuite été libérées dans la soirée.
Amnesty International a rassemblé des informations montrant qu’à la suite des manifestations de septembre 2019, les forces de sécurité égyptiennes ont procédé à de très nombreuses arrestations de manifestants, et arrêté des journalistes, des avocats spécialistes des droits humains, des militants et des représentants politiques, dans le but de réduire au silence ceux qui critiquent le gouvernement et d’empêcher de nouvelles manifestations. L’organisation a ainsi recensé 76 arrestations entre le 19 et le 29 septembre, dans six villes. La Commission égyptienne pour les droits et les libertés, une ONG indépendante, a enregistré au moins 2 300 arrestations liées aux manifestations. D’après des avocats, de très nombreuses personnes arrêtées ont été relâchées sans avoir été interrogées, mais beaucoup d’autres sont maintenues en détention.
Alaa Abdel Fattah, militant politique et opposant au gouvernement bien connu, a été arrêté à plusieurs reprises ces dernières années, notamment en raison de sa participation au soulèvement de 2011.
Mohamed el Baqer est un avocat spécialisé dans la défense des droits humains. Il est le directeur du Centre Adalah pour les droits et les libertés, qu’il a fondé en 2014 et qui s’occupe de questions ayant trait à la justice pénale, au droit à l’éducation et aux droits des étudiants.