Défenseur des droits humains de premier plan et prisonnier d’opinion, Abdulhadi Al Khawaja, 62 ans, est le cofondateur du Centre du Golfe pour les droits humains et du Centre bahreïnite pour les droits humains. Jusqu’au début de l’année 2011, il était coordonnateur de la protection pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord pour l’organisation de défense des droits humains Frontline Defenders. Il avait auparavant participé à une mission d’établissement des faits en Irak diligentée par Amnesty International en 2003, et est membre du Réseau consultatif international du Centre de ressources sur les entreprises et les droits de l’homme. Ce militant pacifique en faveur des droits humains a reçu plusieurs prix en rapport avec son travail, notamment le Dignity - World without Torture Award en octobre 2013. En 2022, il a obtenu le prestigieux prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’Homme. Abdulhadi Al Khawaja purge une peine de réclusion à perpétuité à la prison de Jaww pour son rôle dans l’organisation de manifestations pacifiques pendant le soulèvement populaire de 2011 à Bahreïn. Il a été déclaré coupable et condamné devant une juridiction militaire en 2011 à l’issue d’un procès manifestement inique, puis en 2012 lors d’un nouveau procès devant un tribunal civil, pour des infractions comprenant la « création de groupes terroristes en vue de renverser la monarchie et de modifier la Constitution ».
Abdulhadi Al Khawaja a entamé sa grève de la faim le 9 août 2023 après le dernier refus des autorités pénitentiaires de lui fournir des soins médicaux adéquats et a rejoint des centaines de détenus grévistes de la faim à la prison de Jaww. Bien qu’il ait souffert d’arythmie cardiaque le 28 février, c’est seulement le 1er juin qu’il a eu un rendez-vous à l’infirmerie de la prison avec un cardiologue de l’hôpital Salmaniya. Ce cardiologue n’a pas eu accès à son dossier médical, ni à l’équipement nécessaire pour effectuer un examen digne de ce nom, et a déclaré qu’Abdulhadi Al Khawaja avait besoin d’une radiographie et d’un suivi médical spécialisé à l’hôpital pendant plusieurs jours, ce que les autorités pénitentiaires ont refusé. Deux jours plus tard, le 11 août, Abdulhadi Al Khawaja a été conduit à l’infirmerie pour une forte arythmie cardiaque, puis transféré vers les urgences de l’hôpital des forces de défense de Bahreïn, avant d’être conduit au service des soins intensifs. Il était trop faible pour s’opposer à un traitement par voie intraveineuse. Quelques heures plus tard, il a été ramené dans sa cellule, où il a immédiatement repris sa grève de la faim.
Les rendez-vous médicaux d’Abdulhadi Al Khawaja à l’hôpital n’ont pas eu lieu comme prévu, même lorsqu’il a accepté d’être menotté et transporté à bord d’un bus blindé, contre l’avis des médecins de la prison qui recommandaient aux autorités pénitentiaires d’assouplir les contraintes en raison de son état de santé, notamment de ses problèmes aux vertèbres. Selon des témoignages de prisonniers, il n’est pas rare durant ce genre de trajet de rester dans le véhicule pendant des heures. Récemment, certains ont été transportés dans des voitures ou des bus ordinaires, sans être menottés. D’après les mécanismes internationaux de défense des droits humains, l’utilisation de moyens de contrainte pour les prisonniers qui ne présentent pas de risque d’évasion peut constituer un acte de torture ou un mauvais traitement. La Règle 47 de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus dispose que les instruments de contrainte ne doivent être utilisés qu’à titre de précaution contre une évasion ou pour empêcher les prisonniers de se blesser ou de blesser autrui.
Le 7 septembre 2023, la fille d’Abdulhadi Al Khawaja, Maryam Al Khawaja, a annoncé son retour à Bahreïn pour mobiliser en faveur de la libération de son père, mettant en péril sa propre liberté pour le sauver. En solidarité avec sa visite prévue le 15 septembre, Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International, Olive Moore et Andrew Anderson, actuelle directrice et ancien directeur de Front Line Defenders, et Timothy Whyte, secrétaire général d’ActionAid Danemark, l’ont accompagnée. Tous se sont vus refuser l’embarquement à bord de leur vol pour Bahreïn depuis Londres.
Le 14 septembre, les autorités bahreïnites ont annulé la visite du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) qui souhaitait évaluer les conditions dans le pays, la veille seulement de la date prévue.