Écrire Un prisonnier d’opinion condamné à mort

Le 27 août, un tribunal révolutionnaire de Téhéran a déclaré Mohammad Ali Taheri, un maître spirituel, coupable de « diffusion de la corruption sur terre », pour avoir fondé le groupe spirituel Erfan-e Halgheh. Il est détenu à l’isolement depuis plus de six ans.
Mohammad Ali Taheri, un prisonnier d’opinion, a été déclaré coupable et condamné à mort le 27 août 2017 par la 26e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran pour « diffusion de la corruption sur terre » (efsad-e fel arz). L’acte de condamnation indique qu’il a été déclaré coupable de la création du groupe spirituel Erfan-e Halgheh et de « corruption des pensées et des convictions de dizaines de milliers de musulmans dans le pays », et cite à titre de preuve ses livres, ses écrits et les enseignements qu’il dispense. Son avocat dispose de 20 jours pour faire appel de la décision auprès de la Cour suprême. Le procès de Mohammad Ali Taheri s’est déroulé en deux séances qui ont eu lieu le 6 mars et le 10 juillet. Avant sa première audience, la télévision publique iranienne a diffusé une émission appelée « Le Cercle de Satan », dans laquelle Mohammad Ali Taheri était présenté comme le dirigeant d’une « secte perverse » dont les enseignements auraient conduit des personnes à douter de leur foi islamique. À la fin de l’émission, des personnes se qualifiant de « victimes » ont appelé à exécuter Mohammad Ali Taheri. Cette émission a été diffusée pendant l’audience du 10 juillet avec d’autres vidéos de Mohammad Ali Taheri intervenant lors de cours d’Erfan-e Halgheh, avant son arrestation en 2011.

C’est la troisième fois que les autorités demandent la peine de mort contre Mohammad Ali Taheri pour les mêmes faits. La première fois, en 2011, le tribunal révolutionnaire de Téhéran l’avait condamné à cinq ans d’emprisonnement pour « outrage aux valeurs sacrées de l’islam », mais avait estimé que des enquêtes complémentaires étaient nécessaires pour statuer au sujet de la « diffusion de la corruption sur terre ». Les autorités l’ont ensuite maintenu en détention à l’isolement à la section 2A de la prison d’Evin, où il est toujours détenu, dans l’attente de supposées enquêtes. Il a finalement été déclaré coupable de « diffusion de la corruption sur terre » en 2015 et condamné à mort, avant d’être finalement acquitté en appel en juin 2016. Il n’a cependant pas été libéré et, à la fin de l’année 2016, il a été inculpé une fois de plus de « diffusion de la corruption sur terre » pour les mêmes activités qui l’avaient fait condamner en 2011.

Les poursuites pénales engagées contre Mohammad Ali Taheri bafouent l’interdiction de la dualité de poursuites pour un même fait, qui empêche qu’une personne soit jugée ou sanctionnée par le même organe judiciaire pour une infraction pour laquelle elle a déjà été déclarée coupable ou acquittée. L’article 14(7) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Iran est partie, dispose : « Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays. »

Mohammad Ali Taheri a été arrêté pour la première fois en avril 2010 et libéré au bout de deux mois. Il a été de nouveau arrêté en mai 2011 et inculpé de « diffusion de la corruption sur terre » et d’« outrage aux valeurs sacrées de l’islam » parce qu’il était à l’origine de la doctrine et du groupe spirituels Erfan-e Halgheh (interuniversalisme). En octobre 2011, la 26e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran l’a déclaré coupable et condamné à cinq ans d’emprisonnement pour la deuxième charge, mais a estimé que des enquêtes complémentaires étaient nécessaires pour statuer sur la première. L’enquête a ensuite servi de prétexte aux autorités pour ne pas le réintégrer parmi les autres détenus de la prison d’Evin et le maintenir à l’isolement.

Les pasdaran (gardiens de la révolution) ont achevé l’enquête concernant la charge de « diffusion de la corruption sur terre » en septembre 2014 et ont conclu, entre autres, que Mohammad Ali Taheri avait propagé cette corruption en faisant la promotion de sa « secte perverse » auprès de 50 000 personnes dans le pays. Ils ont aussi soutenu qu’il avait pris des dispositions visant à « renverser sans brutalité les fondements sacrés de la République islamique » en semant le doute au sujet des convictions religieuses dans l’esprit d’un large public. Mohammad Ali Taheri a été jugé par la 26e chambre du tribunal révolutionnaire en mars et juillet 2015. À l’issue de son procès, en août 2015, il a été déclaré coupable et condamné à mort. Cependant, au mois de décembre suivant, la Cour suprême a annulé sa déclaration de culpabilité et sa condamnation à mort, au motif que les activités qu’il menait avant son arrestation en 2011 ne relevaient pas de la « diffusion de la corruption sur terre ». L’affaire a ensuite été renvoyée devant la 26e chambre afin qu’elle statue si les autres activités de cet homme, sans lien avec ses enseignements spirituels, pouvaient constituer l’infraction. En juin 2016, celle-ci a rendu sa décision finale et prononcé l’acquittement de Mohammad Ali Taheri pour la charge de « diffusion de la corruption sur terre ».

Bien qu’il ait été acquitté et qu’il ait terminé en février 2016 de purger la peine de cinq ans d’emprisonnement à laquelle il avait été condamné en 2011, les autorités refusent de le libérer. Au lieu de cela, elles ont procédé à de nouveaux interrogatoires et, à la fin de l’année 2016, l’ont à nouveau inculpé de « diffusion de la corruption sur terre », ce qui a mené à son procès, sa déclaration de culpabilité et sa condamnation à mort en 2017. Il a été déclaré coupable pour les mêmes activités que celles pour lesquelles il avait été jugé en 2011.

Mohammad Ali Taheri a créé la doctrine Erfan e Halgheh après avoir reçu des « inspirations spirituelles » lui permettant de se connecter à une « conscience cosmique ». Il pratiquait ses nouvelles croyances, aux côtés de ses adeptes, lors de « séances de guérison » qui reposaient, semble-t-il, sur le recours à des traitements de substitution non médicamenteux. Pendant sa détention, Mohammad Ali Taheri a mené 16 grèves de la faim et essayé de se suicider à quatre reprises pour protester contre son maintien en détention à l’isolement, l’absence de contacts avec sa famille et son avocat, et les menaces de mort le visant lui et sa famille. La dernière grève de la faim en date a débuté le 28 septembre 2016 et a duré 97 jours.

Selon le Comité des droits de l’homme, qui est chargé de suivre la mise en œuvre du PIDCP, le maintien en détention à l’isolement peut constituer une violation de l’interdiction absolue de la torture et des autres formes de mauvais traitements. L’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus [ONU], dites Règles Mandela, interdit la détention à l’isolement pendant une période de plus de 15 jours consécutifs.

Nom : Mohammad Ali Taheri
Homme

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