Défenseur bien connu des droits humains et prisonnier d’opinion, Abdulhadi Al Khawaja, 61 ans, est le cofondateur du Centre du Golfe pour les droits humains (GCHR) et du Centre bahreïnite pour les droits humains (BCHR). Jusqu’au début de l’année 2011, il était coordonnateur de la protection pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord pour l’organisation de défense des droits humains Frontline Defenders. Il a également participé à une mission d’établissement des faits d’Amnesty International en Irak en 2003 et est membre du Réseau consultatif international du Centre de ressources sur les entreprises et les droits de l’homme.
Ce militant pacifique a reçu plusieurs prix en rapport avec les droits humains, notamment le Dignity - World without Torture Award en octobre 2013 et, plus récemment, le prestigieux prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’Homme en 2022. Abdulhadi Al Khawaja purge une peine de réclusion à perpétuité à la prison de Jaww pour son rôle dans l’organisation de manifestations pacifiques pendant le soulèvement populaire de 2011 à Bahreïn. Il a été déclaré coupable et condamné devant une juridiction militaire en 2011, puis en 2012 lors d’un nouveau procès devant un tribunal civil, pour des infractions comprenant la « création de groupes terroristes en vue de renverser la monarchie et de modifier la Constitution ».
Le 4 mai 2023, les Nations unies ont publié une communication conjointe, envoyée plus tôt dans l’année par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et cinq autres expert·e·s de l’ONU au gouvernement de Bahreïn, exprimant leurs profondes inquiétudes quant au cas d’Abdulhadi Al Khawaja, notamment sa détention arbitraire et ses allégations répétées de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le 17 avril 2023, le gouvernement de Bahreïn a répondu à cette lettre, sans reconnaître Abdulhadi Al Khawaja comme un défenseur des droits humains et préférant le qualifier de « terroriste ». Le gouvernement a également affirmé qu’il jouissait de tous ses droits, y compris à la santé et à une représentation juridique.
Le 9 mai 2023, Abdulhadi Al Khawaja a commencé à mener une action de protestation quotidienne devant les caméras de surveillance de la cour de la prison, pour que ses codétenus et lui-même aient accès aux rendez-vous médicaux nécessaires. Il tenait ainsi des pancartes sur lesquelles il avait écrit : « La privation de soins médicaux est un meurtre lent et systématique » et « Vous nous torturez et nous privez de soins médicaux ». Le 14 mai 2023, il a dit à sa famille qu’il arrêtait temporairement cette action, car l’administration pénitentiaire lui avait promis d’améliorer ses conditions et de lui donner accès à un traitement adapté, mais il n’a pas encore vu les spécialistes censés l’examiner.
Le 6 novembre 2022, lors d’un appel avec ses filles qui vivent à l’étranger, Abdulhadi Al Khawaja a déclaré qu’il allait faire l’objet de plusieurs nouveaux procès. Il leur a ainsi expliqué que le premier s’était ouvert le 3 novembre 2022, en son absence, devant le deuxième tribunal pénal de première instance. Il était accusé d’avoir cassé une chaise en plastique et d’avoir insulté un policier à la prison de Jaww en novembre 2021, après s’être vu refuser la possibilité d’appeler ses filles. Son deuxième procès s’est ouvert le 21 novembre 2022, pour « outrage à un fonctionnaire ». L’affaire est liée à des événements survenus le 30 mars 2022, lors desquels Abdulhadi Al Khawaja a protesté contre l’accord de normalisation des relations diplomatiques avec Israël (accords d’Abraham) et a dit à un agent pénitentiaire : « Vous êtes une personne sale. Vous traitez les gens comme des animaux ».
Le 28 novembre 2022, le tribunal l’a déclaré coupable et l’a condamné à une amende dans le cadre des deux affaires. Celles-ci ont été renvoyées devant la deuxième Haute Cour criminelle d’appel. Le 29 décembre 2022, cette juridiction a statué qu’Abdulhadi Al Khawaja n’avait pas le droit de faire appel de sa déclaration de culpabilité et de son amende de 100 dinars bahreïnites (soit 265 dollars américains) prononcées dans le cadre de la deuxième affaire pour outrage à un fonctionnaire. Le 5 janvier 2023, le tribunal a confirmé sa déclaration de culpabilité et son amende de 60 dinars bahreïnites (soit 160 dollars américains) pour avoir cassé une chaise et insulté un fonctionnaire dans la première affaire.
Abdulhadi Al Khawaja n’a été autorisé à assister à aucune des audiences.
Le 15 décembre 2022, le Parlement européen a adopté une résolution d’urgence mettant en avant le cas d’Abdulhadi Al Khawaja et ceux d’autres prisonniers politiques, et appelant à sa libération.