Écrire Un prisonnier d’opinion saoudien en instance de jugement

Le 21 août, le militant saoudien Issa al Nukheifi a comparu devant le tribunal antiterroriste, où il a appris la nature des charges pesant sur lui. Ces charges et le procès dont il fait l’objet sont liés à ses activités de défense des droits humains et à des commentaires qu’il a postés sur les réseaux sociaux. Cet homme est un prisonnier d’opinion et doit être libéré immédiatement.

Le procès d’Issa al Nukheifi devant le Tribunal pénal spécial, juridiction antiterroriste saoudienne siégeant dans la capitale, Riyadh, a débuté le 21 août. Le tribunal l’a inculpé d’un certain nombre d’infractions, notamment d’« outrage aux dirigeants, au gouvernement et aux forces de sécurité », de « communication avec des groupes étrangers hostiles au Royaume et perception de financements de ces groupes », et d’infraction à l’article 6 de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité. Ces charges étaient essentiellement fondées sur des tweets dans lesquels Issa al Nukheifi, entre autres, appelait à la libération de prisonniers d’opinion et réclamait un parlement démocratique et un gouvernement représentatif. Il a également été accusé d’avoir communiqué avec d’autres défenseurs des droits humains et de les avoir soutenus.

Issa al Nukheifi a été arrêté le 18 décembre 2016 lorsqu’il s’est présenté au poste de police d’al Nozha, à La Mecque (ouest de l’Arabie saoudite), pour y subir un interrogatoire, après avoir reçu la veille une convocation du Département des enquêtes criminelles. Selon des informations communiquées à Amnesty International, le Bureau des enquêtes et des poursuites judiciaires a interrogé Issa al Nukheifi à maintes reprises, sans qu’un avocat soit présent, au sujet de ses activités de défenseur des droits humains et de ses contacts avec des organisations internationales de protection des droits humains. Le 30 décembre 2016, Issa al Nukheifi a été transféré dans la prison générale de La Mecque, où il est actuellement détenu.

Par le passé, Issa al Nukheifi a déjà été arrêté, jugé et condamné à une peine de prison pour des infractions similaires. Arrêté une première fois le 15 avril 2012, il a ensuite été condamné par le Tribunal pénal spécial à trois ans et huit mois d’emprisonnement pour « incitation à la désobéissance au souverain et à la remise en cause de sa légitimité », « remise en cause du pouvoir judiciaire et de l’intégrité de ses procédures », « railleries à l’égard du Conseil des grands oulémas [docteurs de la foi] » et violation de l’article 6 de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité. Le tribunal a également ordonné la fermeture de ses comptes Facebook et Twitter. Issa al Nukheifi a été libéré le 6 avril 2016, puis arrêté à nouveau huit mois plus tard.

Issa al Nukheifi est un militant des droits humains qui soutient l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA), une organisation indépendante de défense des droits humains fermée par les autorités saoudiennes en mars 2013. Au moins 12 membres fondateurs et membres actifs de cette organisation ont depuis lors été incarcérés ou condamnés à de lourdes peines de prison.

Selon des documents judiciaires, Issa al Nukheifi a été inculpé en raison de tweets qui, entre autres, appelaient à « la création d’un parlement élu par le peuple pour surveiller et superviser le gouvernement et les dépenses publiques », indiquaient que « les personnes qui violent les décrets royaux [seraient] arrêtées » parce que l’Arabie saoudite « n’a pas d’institutions de la société civile ni de gouvernement représentatif élu » et « évoquaient sa précédente incarcération pour trois ans et huit mois en 2012, qualifiant les prisons du Royaume de prisons de l’injustice ». Le parquet a requis la peine maximale pour les « infractions » d’Issa al Nukheifi. Enfreindre la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement, et le décret royal 44/A du 3 février 2014 prévoit jusqu’à 20 ans de réclusion pour, entre autres, « l’affiliation à des groupes religieux et intellectuels extrémistes ou à des groupes classés comme organisations terroristes au niveau national, régional ou international. »

Par le passé, les autorités ont déjà harcelé Issa al Nukheifi, qui dénonce depuis longtemps la corruption au sein de l’appareil d’État. Selon des militants locaux, l’attitude des autorités à l’égard d’Issa al Nukheifi pendant sa détention en 2012 est la conséquence de son refus de garder le silence sur les graves violations des droits humains commises dans le pays. En 2009, Issa al Nukheifi a recueilli seul des informations sur les répercussions de l’expulsion forcée de près de 12 000 habitants saoudiens de Jazan, à la frontière avec le Yémen. Il a affirmé que les autorités avaient non seulement confisqué illégalement de vastes étendues de terre et des biens immobiliers appartenant aux habitants saoudiens de la frontière, mais aussi vendu une partie de ces terres et détourné d’importantes sommes d’argent destinées à indemniser les personnes déplacées de force depuis 2009. Il a été arrêté le 15 septembre 2012, trois semaines après avoir déclaré à la télévision que les autorités locales de Jazan s’étaient rendues coupables de corruption et de nombreuses violations des droits humains.

Depuis 2012, les autorités saoudiennes prennent pour cible des militants de la société civile et des défenseurs des droits humains et utilisent aussi bien les tribunaux que des mesures administratives, comme des interdictions de voyager, pour les harceler, les intimider et entraver leur travail de défense des droits humains. Le 21 août 2017, Essam al Koshak, un autre défenseur des droits humains, a lui aussi été inculpé d’une série d’infractions liées à ses activités militantes. Il est détenu depuis le 8 janvier 2017. Le 31 juillet, le Tribunal pénal spécial a informé Abdulaziz al Shubaily que la peine de huit ans d’emprisonnement, l’interdiction de voyager consécutive d’une durée de huit ans et l’interdiction d’écrire sur les réseaux sociaux prononcées à son encontre avaient été confirmées. Cet homme risque désormais d’être envoyé en prison à tout moment pour commencer à y purger sa peine. Abdulaziz al Shubaily a été l’avocat de neuf des 11 autres membres de l’ACPRA qui ont fait l’objet de poursuites depuis décembre 2012. Il est l’un des derniers membres fondateurs actifs de l’ACPRA à avoir été condamné.

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