Nguyen Ngoc Anh, ingénieur en sciences aquatiques de 39 ans, vit dans la province de Ben Tre, sur la côte sud du Viêt-Nam, avec son épouse et leur fils de quatre ans.
En septembre 2019, il a indiqué à Nguyen Thi Chau, son épouse, lors de sa visite mensuelle qu’il subissait constamment des violences psychologiques de la part de son compagnon de cellule, notamment des menaces de mort quotidiennes. Nguyen Ngoc Anh soupçonne ce détenu de s’être entrenu avec un surveillant tous les vendredis pour lui communiquer des informations à son sujet. Il n’est pas rare que des surveillants se servent de prisonniers pour intimider et harceler d’autres détenus ou obtenir des renseignements sur eux.
Le 11 octobre 2019, lorsque l’épouse de Nguyen Ngoc Anh lui a rendu visite de nouveau, elle s’est inquiétée de le voir marcher en traînant la jambe et de constater qu’il présentait une ecchymose au cou et ne pouvait pas bouger son bras gauche normalement. Nguyen Ngoc Anh lui a dit avoir été agressé par son compagnon de cellule. À la mi-septembre, alors qu’il s’apprêtait à prendre une douche, son codétenu lui avait donné un coup de pied par l’arrière avec une telle force que sa tête avait heurté le mur et qu’il s’était évanoui. Le prisonnier lui avait ensuite tordu le bras gauche et l’avait frappé à la tête ; il n’avait cessé que lorsque d’autres détenus étaient intervenus.
Nguyen Ngoc Anh a été transféré dans une cellule séparée après l’agression mais aucun surveillant n’a confirmé l’enregistrement de la plainte qu’il a déposée. En outre, la direction a rejeté sa demande de soins médicaux alors qu’il a été grièvement blessé. La première des Règles Nelson Mandela dispose pourtant sans équivoque : « La sûreté et la sécurité des détenus, du personnel, des prestataires de services et des visiteurs doivent être assurées à tout moment. »
Nguyen Ngoc Anh s’était servi de son compte Facebook personnel pour exprimer son opinion sur différentes questions concernant le Viêt-Nam, notamment la catastrophe environnementale imputable à Formosa en 2016. En 2018, il a participé activement à un débat en ligne sur l’avant-projet de loi relative à la création de trois zones économiques spéciales dans le pays. Il a été arrêté le 30 août 2018 par les autorités de la province de Ben Tre et inculpé en vertu de l’article 117 du Code pénal pour « propagande contre l’État ». Détenu sans jugement jusqu’en juin 2019, il a finalement été déclaré coupable et condamné à six ans d’emprisonnement le 6 juin 2019.
À l’heure actuelle, plus d’une centaine de prisonniers et prisonnières d’opinion sont détenus au Viêt-Nam. Nombre d’entre eux sont victimes d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements en détention, notamment de harcèlement, de menaces, de manœuvres d’intimidation ou d’agressions physiques. Les conditions de détention sont très dures ; Amnesty International reçoit souvent des informations de la part de familles de prisonniers d’opinion faisant état d’une alimentation insuffisante, d’une prise en charge médicale déficiente et de l’absence de vêtements adaptés en hiver.
Le Viêt-Nam est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et sa Constitution de 2013 garantit également le droit à la liberté d’expression. D’autre part, il est partie à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’État vietnamien est obligé de respecter et de protéger le droit de toute personne relevant de sa compétence juridique et, plus particulièrement, de protéger la sécurité et le bien-être des personnes en détention.