Écrire LE PROCÈS D’UN DÉFENSEUR DES DROITS HUMAINS A ÉTÉ REPOUSSÉ

Une audience qui devait avoir lieu le 6 décembre aurait dû être la dernière occasion pour le parquet militaire israélien de présenter les témoins dans l’affaire contre l’avocat palestinien et ancien prisonnier d’opinion Anas Barghouti. L’audience a une fois de plus été repoussée au 24 janvier, bien que l’accusation n’ait pas appelé les témoins à la barre.

Anas Barghouti, 33 ans, est un avocat palestinien et un défenseur des droits humains. Une audience qui devait se tenir le 6 décembre devant le tribunal militaire d’Ofer, en Cisjordanie occupée, aurait dû être la dernière occasion pour le parquet militaire israélien de présenter les témoins dans une affaire contre Anas Barghouti, inculpé d’« appartenance au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) », une organisation interdite par Israël, et de « direction d’une commission chargée d’organiser des manifestations ». Il nie ces accusations. Arrêté une première fois le 15 septembre 2013, Anas Barghouti avait été libéré sous caution le 23 octobre 2013, car un juge militaire avait statué qu’il n’existait pas suffisamment de preuves contre lui pour qu’il soit considéré comme une menace pour la sécurité. Anas Barghouti a dû se présenter devant le tribunal tous les trois mois depuis qu’il a été libéré sous caution, mais le parquet militaire n’a jamais présenté les témoins de l’accusation.

Le juge avait accordé une autre chance à l’accusation de présenter ses témoins lors de l’audience du 6 décembre 2016, en émettant un mandat d’arrêt contre l’un des témoins. Ce témoin n’avait jusque-là pas répondu aux convocations du tribunal. Les Palestiniens ne répondent souvent pas à ces convocations car ils ne veulent pas coopérer avec une institution de l’occupation militaire israélienne. On ignore pourquoi le juge a attendu trois ans pour émettre ce mandat qui est pourtant couramment utilisé. Les avocats d’Anas Barghouti travaillant pour Addameer, une organisation palestinienne de défense des droits des prisonniers, craignent que cela n’ait pour conséquence que l’affaire reste ouverte longtemps. En effet, les juges acceptent souvent des motifs tels que le « manque de forces » ou la « sécurité » lorsque l’accusation ne présente pas les témoins. Cela impliquerait de nouvelles audiences, et donc plus de jours au tribunal pour Anas Barghouti. Par le passé, Amnesty International a déjà exprimé ses inquiétudes concernant certaines affaires pour lesquelles il semblerait que les retards répétés et injustifiés dans les procès aient constitué un moyen de punir des Palestiniens qui n’étaient ni en détention ni en liberté sous caution. Les procédures des tribunaux militaires israéliens devant lesquels les Palestiniens de Cisjordanie occupée comparaissent sont loin de respecter les normes internationales.

L’armée israélienne a arrêté Anas Barghouti le 15 septembre 2013, à un poste de contrôle militaire au nord de Bethléem, dans les territoires palestiniens occupés. Il revenait chez lui, à Ramallah, après avoir rendu visite à des amis et à des membres de sa famille. Vers 19 heures, des soldats israéliens ont arrêté la voiture dans laquelle il circulait et l’ont interpellé après qu’il eut fait état de sa profession d’avocat et présenté sa carte du barreau palestinien. Les soldats ont confisqué son téléphone et l’ont interrogé, puis ils lui ont bandé les yeux, lui ont passé des menottes et l’ont transféré dans un centre de détention situé dans la colonie israélienne illégale d’Etzion. Il a ensuite été conduit au complexe militaire d’Ofer où il a été détenu jusqu’à sa libération sous caution.

À l’époque, Amnesty International l’a considéré comme un prisonnier d’opinion car il a été arrêté uniquement en raison de son travail pacifique en tant que défenseur des droits humains, en représentant des Palestiniens détenus par les forces de sécurité palestiniennes. Le 16 septembre, il a été présenté à un tribunal militaire, et un juge a accepté, conformément à la demande du procureur militaire, de prolonger sa détention sans inculpation jusqu’au 22 septembre. Ce jour-là, la période de détention a de nouveau été prolongée jusqu’au 24 septembre, date à laquelle il a été inculpé. Lors d’une audience qui a eu lieu le 1er octobre, son procès a été remis au 9 octobre puis ajourné de nouveau jusqu’au 23 octobre, date à laquelle il a été libéré sous caution. Après son arrestation, les autorités israéliennes lui ont imposé une interdiction de voyager.

Depuis son inculpation, Anas Barghouti a dû tous les trois mois se rendre à une audience au tribunal militaire d’Ofer, en Cisjordanie occupée. Chaque audience est une journée de travail perdue pour Anas Barghouti, qui est installé à son compte à Ramallah, où il représente des Palestiniens arrêtés par les autorités palestiniennes. C’est également une journée d’incertitude pour lui et pour sa famille, qui ne savent pas s’il rentrera chez lui.

Le 8 novembre 2016, Anas Barghouti a déclaré à Amnesty International dans son bureau de Ramallah : « Je serai heureux si cette affaire se termine comme elle le doit, et que je ne retourne pas en prison. Cette perspective, peu importe le temps que l’on a eu pour s’y habituer, est toujours très douloureuse. » Il espère également que l’interdiction de voyager prononcée contre lui par les autorités israéliennes depuis son arrestation sera levée.

Anas Barghouti a également parlé à Amnesty International des conséquences de l’affaire en cours : « Le jour de l’audience est un jour perdu et il crée une tension pour moi et au sein de ma famille. C’est surtout le cas quand vous êtes au tribunal de 10 h à 16 h et que votre téléphone a été confisqué, car vous n’avez aucun moyen de prévenir votre famille de ce qu’il se passe. Quand j’ai une audience, je m’assure de faire le vide dans mon agenda, pour être certain de n’avoir aucun engagement professionnel ou social. Je suis avocat, mais ce statut disparaît dès que je me rends à l’audience. À cause de l’interdiction de voyager, j’ai l’impression de vivre dans une grande prison, je ne peux me rendre ni en Israël ni à l’étranger. »

Les procès devant le tribunal militaire d’Ofer sont fréquemment reportés lorsque l’accusation n’est pas en mesure de faire comparaître ses témoins, qui sont souvent des Palestiniens emprisonnés ou des membres des forces israéliennes. Par le passé, Amnesty International a déjà exprimé ses inquiétudes concernant certaines affaires pour lesquelles il semblerait que les retards répétés et injustifiés dans les procès aient constitué un moyen de punir des Palestiniens qui n’étaient ni en détention ni en liberté sous caution. Les procédures des tribunaux militaires israéliens devant lesquels les Palestiniens en Cisjordanie occupée comparaissent sont loin de respecter les normes internationales d’équité des procès. Les juges et les procureurs sont recrutés dans l’armée israélienne. Les juges sont nommés par le commandant régional sur recommandation du procureur général de l’armée israélienne et sont presque exclusivement sélectionnés parmi les procureurs. Une fois nommés, les juges ne sont jamais titularisés et peuvent être démis de leurs fonctions par le commandant régional à tout moment. De sérieux doutes quant à leur indépendance et leur impartialité ont été exprimés. Par ailleurs, les procès reposent fréquemment sur des déclarations de témoins qui, souvent, retirent leur témoignage par la suite au motif qu’il a été obtenu sous la contrainte. Les accusés ont régulièrement recours à des négociations de peine, même lorsqu’ils affirment être innocents, car ils craignent que leur procès ne soit pas équitable et pensent qu’ils n’ont pas d’autre choix que de plaider coupable afin d’obtenir une peine réduite.

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