Après l’éviction de Mohamed Morsi le 3 juillet 2013, Mahmoud Abu Zeid a commencé à prendre des photos d’un sit-in de grande envergure organisé par des sympathisants de l’ancien président sur la place Rabaa al Adawiya (quartier de Nasr City) dans la capitale de l’Égypte, Le Caire. Les forces de sécurité égyptiennes ont eu recours à une force excessive pour disperser ce sit-in le 14 août 2013, tuant plusieurs centaines de personnes. Huit membres des forces de sécurité ont aussi perdu la vie dans les échauffourées qui ont suivi. La police a arrêté Shawkan le 14 août 2013, alors qu’il réalisait une mission pour l’agence photographique Demotix, basée à Londres. Deux journalistes étrangers ont également été arrêtés en même temps que lui, mais ils ont été libérés le jour même. L’agence Demotix a informé le ministère public que Mahmoud Abu Zeid effectuait une mission pour elle, mais les autorités égyptiennes l’ont tout de même maintenu en détention.
Mahmoud Abu Zeid a indiqué à Amnesty International que des policiers et des militaires l’avaient maltraité pendant son premier jour de garde à vue et le 17 août 2013, lors de son transfert d’une cellule surpeuplée d’un poste de police du Caire à la prison d’Abu Zaabal, dans la même ville. Selon sa lettre, publiée par Amnesty International le 5 avril, les agents l’ont frappé à coups de pied, de poing et de matraque. À son arrivée à la prison d’Abu Zaabal, ils l’ont également laissé enfermé pendant huit heures d’affilée dans un véhicule en stationnement, sans nourriture, sans eau et sans aération, alors que la température dépassait les 30 °C. Dans sa lettre, il qualifiait sa détention illimitée de « psychologiquement insupportable ». (La lettre de Shawkan figure dans le document suivant : Emprisonné depuis 600 jours pour avoir pris des photos : un témoignage poignant envoyé depuis une cellule de la prison de Tora, en Égypte, 5 avril 2015 ; https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2015/04/600-days-in-jail-for-taking-pictures/). Shawkan a été transféré au centre pénitentiaire de Tora, au Caire, en décembre 2013. Il y est toujours incarcéré.
Le cas de Shawkan a été mis en avant dans le cadre de la campagne Écrire pour les droits d’Amnesty International en décembre 2016, durant laquelle des personnes du monde entier ont envoyé des lettres de solidarité et des appels aux autorités. Au moins 445 590 signataires du monde entier ont demandé la libération de Shawkan pendant cette campagne.
Le 21 octobre 2016, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a publié un avis dans lequel il appelait les autorités égyptiennes à « libérer immédiatement » Shawkan et à « lui accorder un droit exécutoire à réparation ». Ce groupe considère que l’arrestation et la privation de liberté de Shawkan sont arbitraires et contraires aux droits et libertés garantis par la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
La détention de Shawkan, qui dure maintenant depuis près de cinq ans, n’est pas conforme au droit égyptien. En effet, elle dépasse largement la limite de deux ans d’incarcération prévue par l’article 143 du Code de procédure pénale égyptien pour les personnes encourant la réclusion à perpétuité ou la peine de mort. La détention de Shawkan, illégale en vertu de cet article, est un nouvel affront aux droits humains en Égypte.
Les audiences du procès de Shawkan ont été ajournées par le tribunal plus de 50 fois, principalement en raison du nombre de personnes jugées. Les procès collectifs de cette nature sont incompatibles avec le droit à un procès équitable. Les autorités égyptiennes ont empêché à maintes reprises les avocats de Shawkan d’accéder à des documents essentiels liés à l’affaire.
L’Égypte est partie au PIDCP, dont l’article 9 interdit le recours à la détention arbitraire. L’article 19 de ce traité garantit par ailleurs le droit à la liberté d’expression, en d’autres termes, le droit de rechercher, de recevoir et de diffuser des informations et des idées. Son article 14 garantit le droit de faire entendre sa cause équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi. Cet article reconnaît en outre le droit, pour toute personne accusée d’une infraction pénale, à être informée dans le plus court délai de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle, à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, à être présente au procès et à interroger ou faire interroger les témoins à charge.