Écrire Un professeur et des étudiants détenus pour sédition

Un professeur de l’Université de Delhi et deux étudiants de l’Université Jawaharlal à Delhi sont en détention parce qu’ils auraient scandé des slogans « hostiles à l’Inde » lors de deux événements distincts. S’ils sont déclarés coupables, ils encourent la réclusion à perpétuité. Un autre étudiant, arrêté car il était soupçonné des mêmes faits, a été libéré sous caution.

D’après le procès-verbal introductif de la police de Delhi concernant le professeur Syed Abdul Rehman Geelani, un reportage télévisé diffusé le 11 février a attiré l’attention sur un événement organisé au Club de la presse d’Inde pour marquer l’anniversaire de l’exécution d’Afzal Guru, déclaré coupable de participation à une attaque contre le Parlement indien en 2001. Les policiers affirment que lors de cet événement Syed Abdul Rehman Geelani aurait amené un groupe de 50 personnes à scander des slogans « hostiles à l’Inde » et à déclarer qu’Afzal Guru était un martyr. Le professeur a été arrêté le 16 février. Le 20 février, un tribunal de Delhi lui a refusé la liberté sous caution. Il a été placé en détention provisoire.

Le procès-verbal introductif concernant Kanhaiya Kumar, Umar Khalid et Anirban Bhattacharya, trois étudiants, indique que les policiers ont reçu une plainte le 9 février à propos d’un événement organisé sur le campus de l’Université Jawaharlal qui marquait également l’anniversaire de l’exécution d’Afzal Guru. Selon la police, le 10 février, un reportage télévisé sur cet événement montrait des personnes en train de scander des slogans « hostiles à la nation ». Des informations diffusées dans les médias ont suggéré que les images avaient été falsifiées.

Le 12 février, des policiers de Delhi ont convoqué des étudiants qui étaient présents lors de l’événement et ont arrêté Kanhaiya Kumar, qui y avait participé. D’après les médias et plusieurs témoins, Kanhaiya Kumar aurait été roué de coups par un groupe d’avocats alors qu’on le conduisait à un tribunal de Delhi pour une audience, le 17 février. Umar Khalid et Anirban Bhattacharya se sont livrés à la police le 23 février. Ils ont été placés en détention provisoire jusqu’au 14 mars. Le 29 février, la police a déclaré à la haute cour de Delhi qu’elle ne disposait d’aucune vidéo prouvant que Kanhaiya Kumar aurait scandé des slogans « hostiles à l’Inde ». Le 2 mars, le tribunal a ordonné sa libération sous caution.

La Cour suprême indienne a déterminé que la liberté d’expression peut être limitée pour des motifs de maintien de l’ordre, mais uniquement en cas d’incitation à des actes violents ou à des troubles de l’ordre imminents. En 2015, la Cour a déclaré : « Une discussion, voire un plaidoyer en faveur d’une cause particulière, toute impopulaire qu’elle soit, tombe sous le coup de [la liberté d’expression]. »

Syed Abdul Rehman Geelani, 46 ans, est professeur d’arabe à l’Université de Delhi. Soupçonné d’avoir participé à une attaque contre le Parlement indien, il avait déjà été arrêté en 2001. Amnesty International avait fait part de ses préoccupations quant aux violations des droits humains commises autour de son arrestation, durant la procédure préliminaire. En octobre 2013, la haute cour de Delhi a acquitté Syed Abdul Rehman Geelani. Ce jugement a été confirmé par la Cour suprême de l’Inde en août 2005.

Kanhaiya Kumar, Umar Khalid et Anirban Bhattacharya sont étudiants en doctorat à l’Université de Jawaharlal Nehru.

L’article 124A du Code pénal indien dispose qu’une personne commet un acte séditieux quand, « par des mots écrits ou oraux, par des signes, par des représentations visibles ou par tout autre moyen, elle incite ou tente d’inciter à la haine, ou de susciter le mépris ou le mécontentement à l’égard des pouvoirs publics établis par la loi ». Ces actes sont passibles de la réclusion à perpétuité. Ce texte a été promulgué à l’époque coloniale pour étouffer la dissidence pendant la lutte pour l’indépendance en Inde. Gandhi, emprisonné au titre de ce texte, l’a qualifié de « prince » parmi les articles politiques du Code pénal indien conçus pour réprimer la liberté du citoyen.

En vertu de certaines dispositions du droit international relatif aux droits humains, juridiquement contraignantes pour l’Inde, les États sont autorisés à imposer des restrictions au droit à la liberté d’expression pour des motifs incluant l’« ordre public ». Il convient cependant de démontrer que ce type de restriction est nécessaire et proportionnée, et elle ne doit pas compromettre le droit lui-même.

L’article 19(1) de la Constitution indienne garantit le droit de chaque personne à la liberté de parole et d’expression. L’article 19(2) cite l’ordre public comme un motif parmi d’autres de restriction de la liberté d’expression. Toutefois, la Cour suprême indienne a estimé que ces restrictions devaient être autorisées par la loi et ne pas présenter de caractère excessif ni disproportionné. La Cour suprême a par ailleurs déterminé que les restrictions se fondant sur des considérations en relation avec l’ordre public ne sont valides que lorsqu’il existe un lien étroit entre les propos visés et des troubles à l’ordre public, et qu’il existe un risque d’anarchie imminent.

Cette loi sur la sédition continue cependant à être utilisée pour réprimer les opposants et les dissidents. Les gouvernements indiens successifs y ont recouru contre des journalistes, des militants et des défenseurs des droits humains.

En décembre, un député a introduit devant la Chambre basse du Parlement une proposition de loi ayant pour objectif la modification de la loi sur la sédition afin que celle-ci recouvre uniquement les cas d’incitation directe à la violence. Les députés ne se sont pas encore prononcés sur cette proposition de loi.

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