En avril 2020, les autorités maltaises ont utilisé la pandémie de COVID-19 pour justifier leur décision de n’autoriser aucun débarquement de personnes secourues en mer à Malte. À la suite de cette décision, des bateaux en détresse ont été laissés à la dérive sans assistance pendant plusieurs jours et, dans un cas, Malte aurait ordonné à des navires privés de secourir des personnes en mer puis de les débarquer en Libye. Une enquête pénale est actuellement en cours à Malte au sujet de cet ordre, dans lequel le Premier ministre lui-même aurait joué un rôle. Les retours forcés vers la Libye constituent une violation du droit international et européen relatif aux droits humains et aux réfugiés.
Déterminé à empêcher de nouveaux débarquements dans le pays, le gouvernement maltais s’est également mis à employer des navires privés, appartenant à la compagnie maritime Captain Morgan et servant habituellement pour des excursions à la journée le long des côtes de Malte, pour retenir des personnes secourues en mer sous sa coordination. Au 22 mai 2020, environ 160 personnes secourues en mer lors de trois sauvetages distincts les 29 avril et 7 mai se trouvaient à bord de deux de ces navires privés.
Un groupe de 57 hommes sauvés le 29 avril par un bateau de pêche a été transféré le lendemain sur l’Europa II. Deux autres groupes, de 45 et 78 personnes respectivement, ont été secourues le 7 mai par un patrouilleur de l’armée maltaise et un bateau de pêche ; plusieurs familles, dont 18 femmes et enfants, ont été autorisées à débarquer à Malte, mais les 105 autres passagers ont été transférés d’abord sur le navire de tourisme Bahari puis, le 15 mai, à bord de l’Atlantis. Les personnes à bord des deux bateaux de croisière, qui ne sont pas conçus pour de longs séjours, y sont restées bloquées depuis. Les autorités maltaises ont fourni des matelas et de la nourriture, et des tests de dépistage du COVID-19 auraient été effectués.
Cependant, certaines informations parues dans les médias et communiquées par des ONG locales laissent penser que la situation des personnes à bord est inadaptée et qu’elle provoque de la détresse, des dépressions et de l’anxiété, à tel point que des passagers auraient entamé une grève de la faim et que d’autres auraient tenté de mettre fin à leurs jours. Alors que les personnes à bord sont en droit de solliciter l’asile à Malte si elles le souhaitent, les autorités maltaises n’ont pas autorisé le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à leur rendre visite. Elles sont coupées du monde, sans accès à des avocats ou des médecins de leur choix. Il est donc impossible d’avoir des informations précises quant à leur nombre et leur identité.
En dépit du fait que la pandémie de COVID-19 a été utilisée par les autorités maltaises pour justifier leur décision de fermer les ports du pays, il est évident que ce n’est pas en guise de mesure de quarantaine qu’elles retiennent des réfugié·e·s et des migrant·e·s sur des navires privés aux abords de leurs eaux territoriales. Aucune date de fin de leur rétention n’a été annoncée et Malte a entamé d’âpres négociations avec la Commission européenne au sujet de la relocalisation de ces personnes.
Le gouvernement maltais n’a pas précisé les raisons exactes ni les bases légales de cette mesure, en se contentant d’invoquer une incapacité supposée du pays à aider les réfugié·e·s et les migrant·e·s pendant la crise du COVID-19. En revanche, il a menacé de ne pas laisser ces personnes débarquer tant que d’autres États membres de l’Union européenne ne proposeraient pas de les prendre en charge. Ce type d’action porte manifestement atteinte au droit de demander asile et au droit à la liberté dont elles devraient bénéficier.
Les mesures limitant certains droits humains, par exemple pour la protection de la santé publique, peuvent parfois être indispensables ; elles doivent toutefois être prévues par la loi et être proportionnées et nécessaires à la réalisation d’un objectif légitime. Les autorités doivent par ailleurs respecter le principe de « non-refoulement » et d’autres obligations découlant du droit international, notamment le droit de demander asile.
Depuis longtemps, Malte commet régulièrement des violations des droits humains contre les personnes réfugiées, demandeuses d’asile et migrantes qui tentent de rallier le pays par la mer depuis l’Afrique du Nord. Les autorités maltaises ont notamment recours à la détention arbitraire de ces personnes. Elles se sont en outre dérobées à leur responsabilité de secourir des personnes risquant de se noyer en Méditerranée centrale.
Ces dernières années, Malte a soutenu activement les politiques de l’UE visant à déléguer à la Libye la responsabilité des opérations de recherche et de sauvetage dans la zone centrale de la Méditerranée, même si des personnes interceptées par les autorités libyennes ont ensuite été débarquées en Libye et détenues arbitrairement dans des centres où elles subissent des conditions atroces et risquent d’être torturées.
Bien que ces actions aient fortement réduit le nombre de personnes qui traversent la Méditerranée et gagnent l’Europe en bateau, plus de 3 400 personnes sont arrivées à Malte par la mer en 2019, et plus de 1 200 depuis le début de l’année 2020.