Écrire Un rappeur et dissident victime de torture risque d’être exécuté

Le rappeur et dissident Toomaj Salehi risque une exécution après qu’un tribunal révolutionnaire d’Ispahan l’a condamné à mort en avril 2024, uniquement pour avoir participé au mouvement de révolte « Femme, Vie, Liberté » et publié sur les réseaux sociaux des messages critiquant les autorités iraniennes.

Son procès a été entaché d’irrégularités flagrantes et les autorités n’ont pas tenu compte de ses allégations de torture. Il aurait notamment été soumis à des décharges électriques, des menaces de mort et de multiples coups qui ont entraîné des fractures osseuses et une baisse de la vision d’un de ses yeux.

Au cours d’une interview réalisée le 30 octobre 2022, jour de l’arrestation de Toomaj Salehi, le procureur d’Ispahan, Mohammad Mousavian, a bafoué son droit à la présomption d’innocence en l’accusant publiquement d’avoir joué un « rôle crucial en provoquant, en incitant et en encourageant des émeutes ». En violation de son droit de ne pas témoigner contre soi-même et de son droit à la présomption d’innocence, la Radio-télévision de la République islamique d’Iran (IRIB) et d’autres médias d’État ont diffusé plusieurs vidéos de propagande accusant Toomaj Salehi d’avoir « incité des personnes à la sédition et aux émeutes de rue » et montrant son arrestation et ses « aveux » forcés obtenus alors qu’il était détenu sans accès à un avocat et soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements.

Le 27 novembre 2022, les autorités ont annoncé l’avoir inculpé de plusieurs chefs d’accusation. Son avocat, Amir Raesian, a alors déclaré lors d’une interview que l’équipe juridique de Toomaj Salehi avait présenté des objections aux charges retenues contre lui, notamment en faisant valoir que l’enquête pénale et les poursuites étaient entachées d’irrégularités. Le tribunal révolutionnaire a accepté ces objections et renvoyé le dossier au parquet afin qu’il « remédie aux carences de l’enquête », mais les chefs d’accusation n’ont pas été modifiés.

Le procès de Toomaj Salehi s’est déroulé le 2 juillet 2023 devant la première chambre du tribunal révolutionnaire d’Ispahan. Il n’a eu droit qu’à un entretien de 30 minutes avec ses avocats au centre de détention des services de renseignement à Ispahan avant son procès, qui ne leur a pas laissé suffisamment de temps pour lui expliquer pleinement la nature des huit chefs d’accusation retenus contre lui.

Le 10 juillet 2023, l’avocat de Toomaj Salehi a annoncé lors d’une interview que la première chambre du tribunal révolutionnaire d’Ispahan avait rendu son jugement, en le déclarant coupable de six chefs d’accusation, non coupable des deux autres, et en le condamnant à une peine cumulée de 18 ans et neuf mois de réclusion. Selon son avocat, le tribunal l’a notamment condamné à six ans et trois mois d’emprisonnement au titre du commentaire de l’article 286 du Code pénal islamique, portant sur l’infraction de « corruption sur terre » (efsad fel arz).

L’article 286 du Code pénal islamique dispose : « Quiconque, de manière généralisée, commet des atteintes à l’intégrité physique de personnes, des atteintes à la sécurité nationale, provoque des perturbations de la structure économique du pays, commet un incendie volontaire et des destructions, distribue des substances toxiques ou dangereuses, ou gère des lieux de corruption et de prostitution, d’une façon qui provoque de graves troubles à l’ordre public du pays ou de graves dommages pour l’intégrité physique de personnes ou de biens privés et publics, ou diffuse la corruption ou la prostitution à grande échelle est “corrompu” sur terre et doit être condamné à mort. »

Le commentaire de l’article 286 précise que, si le tribunal n’établit pas, sur la base de la totalité des éléments disponibles, l’intention de provoquer des perturbations et de l’insécurité généralisées dans l’ordre public, de causer de graves dommages ou de diffuser la corruption ou la prostitution à grande échelle, et si les actions de la personne jugée ne tombent pas sous le coup d’autres sanctions juridiques, une peine d’emprisonnement sera prononcée plutôt qu’une peine de mort.

Toomaj Salehi a également été condamné à un an et trois mois de prison pour « diffusion de mensonges dans l’intention de perturber l’opinion publique » pour les mêmes faits qui lui ont valu d’être condamné au titre du commentaire de l’article 286. D’après son avocat, ces deux chefs d’accusation découlent de ses publications sur X (anciennement Twitter) concernant le mouvement de révolte et critiquant les autorités.

Toomaj Salehi a en outre été condamné à un an et trois mois d’emprisonnement pour « diffusion de propagande contre le régime » ; un an et trois mois assortis de 40 coups de fouet pour « troubles à l’ordre public » ; six ans et trois mois pour avoir « incité des personnes à la guerre et au meurtre dans l’intention de perturber la sécurité nationale » (article 512 du Code pénal islamique) ; et deux ans et six mois pour avoir « incité des personnes à commettre des actes de violence » (article 743).

En ce qui concerne les deux derniers chefs d’accusation, son avocat a indiqué que les éléments considérés comme constitutifs d’une infraction aux articles 512 et 743 sont les mêmes, ce qui signifie que le tribunal a de nouveau condamné Toomaj Salehi deux fois pour les mêmes faits présumés. Toomaj Salehi a été déclaré non coupable de deux chefs d’accusation : « collaboration avec un gouvernement hostile » et « insulte au Guide suprême ».

Sa condamnation a été assortie d’une interdiction de voyager pendant deux ans, d’une interdiction de toute activité liée à la musique pendant deux ans et d’une obligation d’assister à des cours de savoir-vivre organisés par le département de la prévention de la délinquance du pouvoir judiciaire. Une précédente condamnation à six mois d’emprisonnement avec sursis prononcée en 2021 a également été prise en compte. En novembre 2023, la 39e chambre de la Cour suprême a annulé le jugement du tribunal révolutionnaire et a renvoyé l’affaire devant celui-ci pour qu’il soit rejugé.

Le 21 janvier 2024, l’avocat de Toomaj Salehi a annoncé sur X que le tribunal révolutionnaire avait renvoyé le dossier au parquet en lui ordonnant d’émettre un nouvel acte d’inculpation comportant 10 chefs d’accusation, dont les deux pour lesquels il avait été déclaré non coupable ainsi que deux nouveaux : « rassemblement et collusion en vue de commettre des infractions compromettant la sécurité nationale » et « complicité de rébellion armée contre l’État » (baghi). En avril 2024, le tribunal révolutionnaire l’a finalement condamné à mort pour « corruption sur terre » (efsad fel arz) et condamné à mort.

Le 18 novembre 2023, après l’annulation du jugement du tribunal révolutionnaire par la Cour suprême, Toomaj Salehi a été libéré sous caution. Le 26 novembre 2023, il a publié sur sa chaîne YouTube une vidéo dans laquelle il a décrit en détail les actes de torture auxquels il avait été soumis et expliqué les plaintes qu’il avait déposées auprès des autorités au sujet de sa détention. À la suite de cette publication, le 30 novembre 2023, les autorités l’ont de nouveau arrêté et le pouvoir judiciaire a annoncé qu’il était « détenu après avoir formulé des accusations infondées et sans preuve diffusées sur Internet concernant des plaintes relatives à son traitement en détention » et qu’il était « poursuivi pour diffusion de mensonges dans l’intention de perturber l’opinion publique ».

En mars 2024, un tribunal pénal d’Ispahan l’a condamné à une peine d’un an de prison dans ce dossier. Il est également poursuivi dans une nouvelle affaire liée à ses activités pacifiques sur Internet. Tous ses procès ont été contraires aux règles d’équité les plus élémentaires.

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