Écrire UN RÉALISATEUR IRANIEN EST EMPRISONNÉ ET RISQUE LA FLAGELLATION

Le réalisateur iranien Keywan Karimi a été incarcéré le 23 novembre après avoir été convoqué pour commencer à purger sa peine d’emprisonnement. Les autorités lui ont indiqué qu’elles prévoyaient également d’appliquer sa peine de flagellation de 223 coups de fouet. Cet homme est un prisonnier d’opinion.

Le réalisateur iranien Keywan Karimi, membre de la minorité kurde d’Iran, a commencé à purger sa peine d’emprisonnement le 23 novembre. Bien qu’il n’ait jamais reçu de convocation écrite officielle, le Bureau d’application des peines lui avait téléphoné à plusieurs reprises depuis février 2016 en lui ordonnant de se présenter à la prison d’Evin, à Téhéran, pour commencer à purger sa peine. Les autorités lui ont en outre annoncé qu’elles avaient l’intention d’appliquer sa peine de flagellation de 223 coups de fouet.

Keywan Karimi avait été libéré sous caution en décembre 2013. Il avait obtenu une lettre de médecins certifiant que sa mère suivait un traitement pour le cancer, notamment une chimiothérapie, et il espérait que les autorités ne le convoqueraient pas pour purger sa peine de prison avant la fin du traitement. Il souhaitait également rester libre suffisamment longtemps pour achever la réalisation de son dernier film.
Keywan Karimi a été arrêté le 14 décembre 2013 et détenu pendant 12 jours à l’isolement sans pouvoir contacter un avocat dans la section 2A de la prison d’Evin, qui est contrôlée par les pasdaran (gardiens de la révolution), avant d’être libéré sous caution. En octobre 2015, à l’issue d’un procès inique qui s’est déroulé devant un tribunal révolutionnaire à Téhéran, il a été condamné à six ans de prison pour « outrage aux valeurs sacrées de l’islam » et 223 coups de fouet pour « relations illicites ne constituant pas un adultère ». Le premier chef d’accusation faisait suite à un clip vidéo musical que les autorités ont trouvé sur son disque dur, et le second a été retenu contre lui parce qu’il avait « serré la main » d’une amie poète et s’était « trouvé sous le même toit » qu’une femme « dont la tête et le cou n’étaient pas couverts ». Le 20 février 2016, il a appris qu’une cour d’appel avait confirmé sa peine de flagellation et statué qu’il devait purger une année sur sa peine de six ans d’emprisonnement. Cette juridiction a assorti le reliquat de sa peine d’un sursis de cinq ans, sous réserve de « bonne conduite ».

Keywan Karimi a été arrêté le 14 décembre 2013 par des pasdaran (gardiens de la révolution) et détenu à l’isolement pendant 12 jours dans la section 2A de la prison d’Evin sans pouvoir contacter un avocat. Il a pu passer un bref appel téléphonique à sa famille une semaine après son arrestation, mais n’a pas été autorisé à leur dire qu’il avait été arrêté ni où il était retenu. Il a été libéré sous caution au bout de 12 jours. Le procès de Keywan Karimi, qui s’est déroulé devant la 28e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, a débuté le 11 mai 2014 et s’est achevé le 13 octobre 2015. Au total, sept audiences ont eu lieu, de seulement 15 à 20 minutes chacune. Son avocat était présent, mais le tribunal ne lui a semble-t-il pas laissé le temps nécessaire pour présenter sa plaidoirie. En outre, la condamnation et le prononcé du jugement présentaient certaines irrégularités. Keywan Karimi était également poursuivi pour « diffusion de propagande contre le régime » en raison de son film de 2012 intitulé Neveshtan Rooye Shahr (Écrire sur la ville), qui évoque les graffitis peints sur les murs des rues de Téhéran, mais ce chef d’accusation n’a pas été mentionné une seule fois dans le jugement. En revanche, il a été condamné à six ans de prison pour « outrage aux valeurs sacrées de l’islam », accusation dont il n’a été informé qu’à la dernière audience de son procès. L’audience en appel de Keywan Karimi, à laquelle ont assisté des représentants des services de sécurité et de renseignement, s’est déroulée le 23 décembre 2015.

Keywan Karimi a réalisé 12 films, dont des documentaires et des œuvres de fiction. Son documentaire The Broken Border a reçu le prix du meilleur court-métrage documentaire en 2013 au Festival international du film de Beyrouth. Ce film traite de la question du trafic depuis l’Iran vers l’Irak de carburant subventionné par l’État, auquel se livre une partie pauvre de la communauté kurde dans la province du Kurdistan, dans l’ouest du pays. Un autre de ses films, The Adventure of a Married Couple, a été projeté aux festivals du film de Fribourg, de San Sebastián et de Zurich.

Keywan Karimi fait partie d’un certain nombre d’artistes qui ont été arrêtés et jugés pour des accusations liées à leurs activités artistiques non violentes. Parmi eux figurent les frères Mehdi et Hossein Rajabian, respectivement musicien et réalisateur, qui ont été condamnés à six ans d’emprisonnement. Ils ont été arrêtés avec un autre musicien, Yousef Emadi, le 5 octobre 2013 par des gardiens de la révolution. Au cours de leur arrestation, tous trois ont été immobilisés à l’aide d’un pistolet incapacitant et ont eu les yeux bandés. Pendant les 18 jours qui ont suivi, ils ont été maintenus en détention dans un lieu inconnu, où ils affirment avoir été torturés, notamment au moyen de décharges électriques. Ils ont ensuite été détenus pendant deux mois à l’isolement dans la section 2A de la prison d’Evin. Ils ont été remis en liberté sous caution en décembre 2013. À l’issue d’un procès inique qui s’est tenu en avril 2015, ils ont été déclarés coupables d’« outrage aux valeurs sacrées de l’islam », de « diffusion de propagande contre le régime » et d’« activités audiovisuelles illégales ». Les charges retenues contre eux sont en rapport avec leurs activités artistiques, notamment avec un long métrage d’Hossein Rajabian portant sur le droit au divorce des femmes en Iran et avec la diffusion par Mehdi Rajabian de musiques non autorisées enregistrées par des musiciens iraniens à l’extérieur du pays, dont certaines paroles ont un caractère politique, abordent des sujets tabous ou sont considérées par les autorités iraniennes comme « anti-islamiques », « perverses » ou « contre-révolutionnaires ». Trois des six années d’emprisonnement auxquelles ils ont été condamnés ont par la suite été assorties d’un sursis de cinq ans en appel, sous réserve de « bonne conduite ». Ils ont commencé à purger leur peine le 4 juin 2016 et ont observé deux grèves de la faim pour protester contre leur incarcération et leur privation de soins médicaux.

En novembre 2016, Amnesty International et le célèbre groupe de musique iranien Kiosk ont lancé une campagne commune pour mobiliser les gens à travers le monde afin d’attirer l’attention sur la répression qui frappe les artistes en Iran, en particulier les musiciens et les cinéastes, et d’inonder les autorités iraniennes de messages de soutien en faveur des artistes incarcérés dans ce pays. Cette répression se traduit par de lourdes peines d’emprisonnement et de flagellation infligées à des artistes qui sont considérés comme des délinquants uniquement parce qu’ils ont exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression à travers leur art, notamment la musique et le cinéma. Voir le communiqué de presse d’Amnesty International : Iran. Des musiciens et des militants lancent une campagne pour obtenir la libération d’artistes emprisonnés, 8 novembre 2016, https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2016/11/iran-musicians-and-activists-launch-campaign-to-free-jailed-artists/.

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