Écrire Reconnue coupable d’avoir projeté un documentaire sur les droits humains

Lena Hendry, défenseure des droits humains malaisienne, a été reconnue coupable par le tribunal de première instance de Kuala-Lumpur d’avoir projeté dans un cadre privé le documentaire No Fire Zone : The Killing Fields of Sri Lanka. Elle risque jusqu’à trois ans d’emprisonnement ou une amende pouvant atteindre 30 000 ringgits.

Lena Hendry, en sa qualité de membre du personnel de l’organisation malaisienne de défense des droits humains Pusat KOMAS (centre de communications de la communauté), a organisé la projection privée du documentaire No Fire Zone : The Killing Fields of Sri Lanka le 3 juillet 2013 au Kuala-Lumpur Selangor Chinese Assembly Hall, un centre culturel chinois.

Au milieu de la projection, environ 30 représentants du ministère de l’Intérieur, des services de l’immigration et de la police ont pénétré dans la salle et ont arrêté la projection. Trois représentants de KOMAS, dont Lena Hendry, ont été arrêtés et détenus jusqu’au lendemain. Lena Hendry a ensuite été inculpée de violation de l’article 6 de la Loi de 2002 sur la censure cinématographique.

Après la victoire en appel du procureur contre son acquittement en 2015, Lena Hendry a été reconnue coupable le 21 février 2017 par le tribunal de première instance de Kuala-Lumpur de « diffusion, distribution, exposition, production, vente, location ou possession » de supports vidéo non approuvés par le conseil de la censure, nommé par le gouvernement. Les dispositions de la Loi sont vagues et érigent en infraction toute forme de diffusion ou d’exposition d’un film qui n’a pas été approuvé par le conseil de la censure cinématographique. Elles visent notamment les journalistes citoyens.

Sanctionner la projection d’un documentaire sur les droits humains bafoue clairement le droit fondamental à la liberté d’expression. Exiger l’obtention d’une permission de projection s’apparente à une forme de censure préalable et freine le droit de la société en général à chercher et recevoir des informations et des idées. Amnesty International s’inquiète des pouvoirs étendus et arbitraires accordés au conseil de la censure cinématographique au titre de la Loi sur la censure cinématographique, ainsi que de la manière dont celle-ci est utilisée pour réduire au silence des défenseurs pacifiques des droits humains et saper leur travail.

La liberté sous caution de Lena Hendry a été prolongée jusqu’au prononcé du jugement.

Lena Hendry est la première militante à être sanctionnée au titre de la Loi de 2002 sur la censure cinématographique. Le 3 juillet 2013, le KOMAS a organisé la projection du film No Fire Zone pour des parlementaires à 15 heures, puis au Kuala-Lumpur Selangor Chinese Assembly Hall, à 20 heures, sur invitation uniquement. Amnesty International a été informée que des représentants de l’ambassade sri-lankaise s’étaient opposés à la projection du film à cette heure précise et qu’ils avaient tenté de persuader les propriétaires de la salle d’arrêter la projection. Deux heures avant la projection, le KOMAS a organisé une rencontre avec les représentants de l’ambassade sri-lankaise pour parler de leurs objections à la projection du film, mais les représentants de l’ambassade ne sont pas venus.

Après que la projection a été arrêtée, Lena Hendry et ses deux collègues, Arul Prakkash et Anna Har, ont été arrêtés et ont passé une nuit en détention. Ils ont été libérés sous caution le lendemain, le 4 juillet 2013, et Lena Hendry a été inculpée le 19 septembre 2013 par le tribunal de première instance de Kuala-Lumpur au titre de la Loi de 2002 sur la censure cinématographique. En mars 2016, le tribunal de première instance de Kuala-Lumpur a constaté qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour obtenir une condamnation et Lena Hendry a été acquittée. Cette décision a été cassée le 21 septembre 2016 après un appel du procureur et elle a été déclarée coupable le 21 février 2017.

Les avocats de Lena Hendry ont introduit une demande d’abandon des charges, au motif qu’elles vont à l’encontre des dispositions de la Constitution fédérale relatives à la liberté d’expression. La demande a été rejetée et classée par la Cour fédérale. Lena Hendry pourra encore faire appel de la décision du tribunal de première instance. Ce n’est cependant pas son dernier appel. Elle peut toujours faire appel de la décision auprès de la Haute cour et de la Cour d’appel.

L’arrestation, la détention et pour finir l’inculpation de Lena Hendry sont des actes à caractère politique et bafouent clairement le droit fondamental à la liberté d’expression. De plus, ils font partie d’une pratique courante de répression de la dissidence initiée par le gouvernement malaisien pour intimider, harceler et sanctionner les personnes qui le critiquent et les dissidents.
Par leur utilisation de tout un éventail de lois oppressives, les autorités malaisiennes ont jeté un large filet répressif, ciblant et arrêtant de nombreuses personnes, notamment des militants des droits, des journalistes, des avocats et des politiciens de l’opposition qui exerçaient tous pacifiquement leurs droits humains. Ces arrestations ont eu un effet dévastateur sur le débat public et l’espace civique en Malaisie, car les personnes sont en permanence découragées de s’exprimer de multiples façons – de la publication de contenu sur les réseaux sociaux à la projection de documentaires et la participation à des rassemblements pacifiques.

Au titre de l’article 19 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, « tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».

Le documentaire intitulé No Fire Zone : The Killing Fields of Sri Lanka, et projeté par Lena Hendry, met en lumière des crimes de droit international présumés commis par les troupes du gouvernement sri-lankais et par les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE) durant les dernières phases du conflit armé interne en mai 2009. Il se concentre sur la situation désespérée des civils pris entre deux feux et le refus de fournir une assistance humanitaire adaptée dans la zone dite « protégée » (« No Fire Zone »). Depuis la diffusion du documentaire, les autorités sri-lankaises ont promis de rendre des comptes pour ces crimes présumés et de dédommager convenablement les victimes.

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