Au Soudan du Sud, les journalistes travaillent dans des conditions extrêmement précaires et sont régulièrement victimes de manœuvres d’intimidation, de harcèlement, de détention arbitraire, de torture et d’autres formes de mauvais traitements, voire d’exécutions extrajudiciaires.
Le journaliste John Gatluak Manguet a été, semble-t-il, assassiné le 11 juillet 2016 à Djouba par des hommes armés alors que les combats entre les forces fidèles au président Salva Kiir et les éléments du premier vice-président Riek Machar faisaient rage dans toute la ville. Le 19 août 2015, le reporter Peter Julius Moi avait été abattu lui aussi dans la capitale, quelques jours seulement après que Salva Kiir avait menacé de tuer tous les journalistes considérés comme hostiles au régime. Le ministère de l’Information et le porte-parole de la présidence ont affirmé par la suite que la citation était sortie du contexte. George Livio, journaliste à Radio Miraya, est détenu sans inculpation ni jugement par le Service national de la sûreté et du renseignement depuis août 2014 ; il était accusé de collaboration avec les rebelles.
Plusieurs journaux ont été forcés à suspendre leur production temporairement, d’autres ont vu la totalité de leurs exemplaires saisis et d’autres encore ont reçu l’ordre de fermer purement et simplement. L’édition imprimée du Nation Mirror a été interdite en janvier 2015 après la publication d’une photo de Riek Machar au-dessus de celle du président Kiir. Le Service national de la sûreté et du renseignement a contraint deux journaux à la fermeture en août 2015 : The Citizen, quotidien en langue anglaise, et Al Rai, quotidien en langue arabe.
Les disparitions forcées, les arrestations arbitraires, les exécutions extrajudiciaires et les détentions prolongées sont fréquentes et se sont multipliées depuis le début du conflit (mi-décembre 2013). Des cas de torture et d’autres formes de mauvais traitements en détention ont notamment été signalés. À plusieurs reprises, le Service national de la sûreté et du renseignement a harcelé, tenté d’intimider et détenu arbitrairement des journalistes et d’autres dissidents, obligé des journaux à cesser leurs activités et saisi tous les exemplaires d’une édition. Ces pratiques abusives ont gravement porté atteinte au droit à la liberté d’expression et réduit l’espace civique dans le pays.
Une proposition de loi adoptée le 8 octobre 2014 par l’Assemblée législative sud-soudanaise a conféré au Service national de la sûreté et du renseignement de vastes pouvoirs en matière d’arrestation, de détention et de saisie, en l’absence de garanties satisfaisantes contre les abus. Elle ne précise pas les lieux de détention reconnus ni ne garantit les droits élémentaires à une procédure régulière, notamment le droit de consulter un avocat ou celui d’être jugé dans un délai raisonnable, pourtant énoncés dans la Constitution de transition. En mars 2015, le ministre de la Justice a annoncé que le texte avait été promulgué. Cette décision a été prise alors que le texte avait suscité une opposition aux niveaux national et international, n’avait pas été ratifié par le président, et était inconstitutionnel.
Amnesty International a recommandé à maintes reprises que les pouvoirs du Service national de la sûreté et du renseignement soient limités à la collecte de renseignements, comme prévu par la Constitution provisoire de 2011, qui le charge de « se concentrer sur le recueil et l’analyse d’informations, et sur les activités de conseil des autorités concernées ». Les pouvoirs en matière d’arrestation, de placement en détention, de perquisition, de saisie de biens et de recours à la force doivent être explicitement exclus des compétences du Service national de la sûreté et du renseignement, et exercés par les organes chargés de l’application des lois compétents.