Écrire Un réfugié poursuivi en justice pour avoir demandé l’asile

Loghman Sawari, un réfugié iranien, risque de faire l’objet de poursuites pénales en Papouasie-Nouvelle-Guinée, car il aurait présenté de fausses informations dans le but d’obtenir un passeport et de demander l’asile à Fidji. Renvoyé en Papouasie-Nouvelle-Guinée sans respect des garanties d’une procédure régulière, il a été détenu au secret pendant 30 heures. Loghman Sawari est toujours en détention et on craint pour sa sécurité.

En août 2013, Loghman Sawari, qui avait alors 17 ans, a été illégalement détenu au centre de détention pour hommes administré par l’Australie sur l’île de Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Il y est resté en détention pendant environ trois ans, pendant que sa demande d’asile était examinée. Les conditions sur l’île de Manus et l’incertitude prolongée dans laquelle il se trouvait s’apparentent à de la torture ou à d’autres mauvais traitements cruels ou dégradants. Une fois que les demandes d’asile ont été examinées, les gouvernements de Papouasie-Nouvelle-Guinée et d’Australie ne fournissent aucune aide, financière ou autre, aux réfugiés ni aucun document d’identité ou de voyage, et nombre d’entre eux ne peuvent donc pas se réinstaller en Papouasie-Nouvelle-Guinée ni même quitter le pays.

Loghman Sawari affirme qu’il a été persécuté en Papouasie-Nouvelle-Guinée en raison de son statut de réfugié. Il s’est retrouvé sans abri un mois après avoir été relocalisé à Lae, la capitale de la province de Morobe, car il a été forcé à quitter son travail en raison de la discrimination raciale et du harcèlement auxquels le soumettaient ses collègues. Loghman Sawari a pris un vol vers Fidji aux alentours du 24 janvier 2017 et aurait utilisé de faux documents d’identité. Le 3 février, bien que le gouvernement de Fidji lui ait assuré qu’il pourrait avoir accès à une procédure d’asile, Loghman Sawari a été appréhendé alors qu’il se rendait à une réunion avec des agents de l’immigration accompagné de son avocat, et a été immédiatement expulsé, sans respect des garanties d’une procédure régulière et sans que sa demande d’asile n’ait été examinée.

Loghman Sawari est rentré en Papouasie-Nouvelle-Guinée à 12 h 30 le 3 février 2017 et a été détenu au secret pendant 30 heures avant de pouvoir contacter son avocat. Loghman Sawari serait poursuivi pour avoir utilisé de fausses informations pour obtenir un passeport, une infraction pénale passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 Kinas de Papouasie-Nouvelle-Guinée et d’une peine de prison de jusqu’à six mois. L’audience concernant sa libération sous caution est prévue le 8 février 2017.
Au titre de l’article 31 de la Convention relative au statut des réfugiés, les pays ne peuvent pas appliquer de sanctions pénales aux réfugiés du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers. Par conséquent, même s’il a effectivement utilisé de faux documents d’identité, Loghman Sawari ne devrait pas faire l’objet de sanctions pour avoir quitté la Papouasie-Nouvelle-Guinée en vue de demander l’asile ailleurs.

Loghman Sawari affirme qu’il était persécuté en raison de son statut de réfugié en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Il a déclaré qu’il avait été agressé par un gardien au centre de détention en septembre 2015 parce qu’il aurait demandé plus de lessive, et qu’il a été emprisonné sans inculpation quatre fois au commissariat de Lorengau, car il aurait entamé une grève de la faim et demandé un visa. Loghman Sawari affirme qu’il a signalé ces agressions, menaces de mort et vols au chef de la police provinciale de Manus David Yapu, mais qu’aucune mesure n’a été prise.

En décembre 2016, environ 850 hommes réfugiés étaient toujours en Papouasie-Nouvelle-Guinée après y avoir été envoyés par le gouvernement australien. La plupart d’entre eux vivent dans deux centres sur l’île de Manus, leur liberté de mouvement est restreinte et ils n’ont pas le droit de travailler. Les centres sont surpeuplés et exigus et les soins médicaux y sont inadaptés. Amnesty International, le HCR et le Rapporteur spécial sur les exécutions sommaires ou arbitraires ont tous condamné la détention de réfugiés et l’incapacité à les protéger des violences au centre.

Le 26 avril 2016, la Cour suprême a statué que la détention de réfugiés et de demandeurs d’asile pendant plus de trois ans était illégale et contraire à la Constitution et a ordonné aux gouvernements de Papouasie-Nouvelle-Guinée et d’Australie de fermer immédiatement les camps. Ceux-ci sont toujours ouverts, mais des réfugiés ont engagé des poursuites pour forcer leur fermeture.

Trois personnes sont mortes pendant leur détention sur l’île de Manus depuis 2012 : Reza Berati, un demandeur d’asile iranien, a été tué lorsque des habitants de l’île ont attaqué le centre en février 2014 ; Hamid Khazaei, un Iranien, est mort des suites d’une infection au pied en septembre 2014 ; et Faysal Ahmed, un réfugié soudanais de 27 ans, est mort le 24 décembre 2016 des suites d’une chute et de convulsions. Deux personnes ont été condamnées pour le meurtre de Reza Berati, mais des témoins ont affirmé qu’au moins deux autres personnes étaient impliquées et n’ont pas été poursuivies. En plus de la mort de Reza Berati, plus de 100 détenus ont reçu des soins pour des blessures liées à des violences qui ont éclaté au centre, mais seules deux personnes ont été condamnées.

Bien que certains réfugiés puissent quitter les deux centres pour migrants sur l’île de Manus pendant la journée, des couvre-feux stricts sont imposés. Des agressions physiques contre des demandeurs d’asile sont signalées, mais la police ouvre rarement des enquêtes sur ces faits et les responsables sont rarement poursuivis. Aux alentours du 10 août 2016, deux réfugiés afghans ont été violemment agressés par des habitants de l’île de Manus.
La Papouasie-Nouvelle-Guinée n’est pas un lieu évident pour la gestion des réfugiés ou leur réinstallation.

Le pays est appauvri, le taux de chômage y est élevé, et les étrangers, particulièrement les femmes, y sont victimes de violences et d’une discrimination généralisée. Les violences policières y sont omniprésentes. Le bilan du pays en matière de protection du peu de réfugiés qu’il a accueillis à ce jour (principalement des personnes originaires de la province de Papouasie en Indonésie) est déplorable. Les chances d’intégrer un plus grand nombre de réfugiés de cultures et croyances diverses sont limitées.

Au titre d’un accord similaire, l’Australie vient également d’envoyer plus de 1 000 réfugiés (principalement des femmes et des enfants) à Nauru, où des réfugiés ont signalé des violences et des agressions sexuelles par des habitants de l’île. La police n’a pas mené d’enquête satisfaisante sur ces plaintes.

Amnesty International appelle toujours les gouvernements d’Australie, de Papouasie-Nouvelle-Guinée et de Nauru à cesser de délocaliser le traitement des demandes d’asile et à rapatrier en Australie, ou dans un pays tiers adapté, toutes les personnes envoyées à Nauru et sur l’île de Manus.

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