Près d’un million de Rohingyas, une minorité majoritairement musulmane persécutée au Myanmar, ont fui des vagues d’attaques violentes dans le pays depuis 1978, cherchant refuge au Bangladesh voisin. L’immense majorité de ces personnes ont commencé à arriver il y a trois ans, à partir du 25 août 2017, lorsque plus de 740 000 Rohingyas ont fui le Myanmar, après que leurs habitations eurent été incendiées et qu’au moins 10 000 hommes, femmes et enfants rohingyas eurent été tués, victimes des crimes contre l’humanité commis par l’armée du Myanmar.
Bhashan Char, qui signifie littéralement « l’île qui flotte », a émergé du limon du golfe du Bengale il y a une vingtaine d’années et a été aménagée par la marine du Bangladesh. « Son dense tapis de baraquements cellulaires, la digue qui l’encercle et l’océan n’évoquent pas une infrastructure propice à la vie civile, mais plutôt les types d’infrastructure associés à l’incarcération », a écrit Lindsay Bremner, professeure d’architecture à l’Université de Westminster, dans un article (en anglais) intitulé “Sedimentary logics and the Rohingya refugee camps in Bangladesh” (« Les logiques sédimentaires et les camps de réfugiés rohingyas au Bangladesh »), publié dans ScienceDirect en mars 2020.
En septembre 2020, Amnesty International a publié un rapport (en anglais) intitulé “Let Us Speak for our Rights”, dans lequel deux réfugiés rohingyas disent avoir entendu parler de personnes victimes de harcèlement sexuel imputable à des éléments de la police et de la marine sur l’île . Au lieu de diligenter des investigations impartiales sur ces allégations, les autorités ont catégoriquement refusé d’ouvrir une enquête.
Deux semaines avant la réinstallation de décembre 2020, cinq Rohingyas représentant 23 réfugié.es membres de leurs familles ont dit à Amnesty International qu’ils avaient signé pour la réinstallation à Bhashan Char sous la contrainte, et non par choix.
Une femme rohingya figurant sur la liste des personnes à réinstaller a dit à Amnesty International qu’elle s’était inscrite pour se rendre sur l’île parce que son mari s’y trouvait. En tant que mère seule avec un enfant en bas âge, sans proche dans le camp, elle rencontrait de nombreux problèmes. « C’est très difficile à vivre, cette vie de réfugiés. Je n’ai pas d’autre solution. J’ai le sentiment que les autorités ne laisseront jamais mon mari quitter cette île », a-t-elle dit.
Deux familles rohingyas ont été inscrites sur la liste des personnes à réinstaller après avoir informé des représentants des autorités et le majhi (un chef de la communauté rohingya choisi par les autorités bangladaises) que leurs abris étaient partiellement endommagés. Au lieu de réparer leurs abris, on a dit à ces familles qu’elles devaient se réinstaller à Bhashan Char.
Des membres du personnel médical humanitaire ont fait état de leur profonde inquiétude au sujet de cette réinstallation. Un de leurs patients rohingyas était « complètement paniqué » à l’approche de son départ pour Bhashan Char, où on le forçait à se réinstaller, leur a-t-il dit. « Il ne sait pas s’il continuera à recevoir ses médicaments là-bas et il voulait avoir quelques mois de traitement d’avance », ont témoigné ces humanitaires.
Le personnel de cet établissement de santé de premier plan a dit à Amnesty International que certains des réfugiés avaient un traitement à prendre régulièrement. En l’absence de certitude quant à la disponibilité d’une prise en charge médicale à Bhashan Char, il est fort à craindre que leur santé ne s’y détériore.
L’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Bangladesh est partie, garantit à chacun le droit à la liberté de sa personne et interdit l’arrestation et la détention arbitraires, la privation de liberté n’étant autorisée que conformément à la procédure prévue par la loi. L’article 12 du PIDCP garantit à toute personne se trouvant sur le territoire d’un État le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.