D’après une déclaration officielle du ministère de l’Intérieur, le 17 mars, des policiers et des agents de l’immigration ont fait une descente dans un centre d’hébergement (la Casa del Migrante de la Pastoral de Movilidad Humana) à La Paz, en Bolivie, et ont arrêté 14 personnes réfugiées, originaires du Venezuela, qui vivaient en Bolivie, les accusant d’être « en situation irrégulière ». Des agents ont emmené ces personnes dans un bureau de la Direction générale de l’immigration, pour qu’elles y soient interrogées sur leur situation au regard de la législation sur l’immigration et sur leur participation présumée à une manifestation organisée devant l’ambassade de Cuba le 15 mars.
Le ministre de l’Intérieur a affirmé qu’elles avaient toutes avoué avoir participé à des « actes de conspiration et à des activités politiques portant atteinte à l’ordre public en contrepartie de sommes d’argent » . Huit d’entre elles, qui avaient déposé une demande d’asile, ont été libérées, tandis que les six autres ont été immédiatement soumises à une expulsion arbitraire vers le Pérou. Selon des organisations locales et des témoins, l’arrestation au centre d’hébergement a été collective et effectuée sans mandat, en l’absence d’une autorité compétente, et des agents ont menacé les personnes réfugiées et pointé des armes à feu dans leur direction pendant l’intervention.
Les personnes réfugiées n’ont pas été présentées à une autorité judiciaire ; de plus, elles n’ont pas pu consulter un avocat et ont été interrogées en l’absence d’un conseil, ce qui les a empêchées de préparer leur défense. Les agents ne leur ont pas non plus donné la possibilité de former un recours contre leur expulsion. Pendant leur détention, qui a duré environ 10 heures, les personnes réfugiées n’ont pas reçu de nourriture et il leur a été interdit d’aller aux toilettes sans être accompagnées par un agent. On peut par conséquent se demander si des policiers ou des agents de l’immigration ont recouru à des mauvais traitements et à des menaces pour leur arracher des « aveux ».
Le 19 mars, des organisations locales ont annoncé que cinq des personnes réfugiées qui avaient été libérées avaient fui au Pérou, craignant de nouvelles persécutions, car le ministre de l’Intérieur les avait mises en cause publiquement et la police avait conservé leurs papiers d’identité. Le fait que six d’entre elles aient été mises en cause et expulsées collectivement le jour même, sans être autorisées à former un recours contre leur expulsion, est contraire au droit international et laisse à penser que la décision était arbitraire, faute d’analyse objective de la situation individuelle de chacune de ces personnes.
En outre, l’un des réfugiés était un indigène pemon de la communauté de Kumarakapay, au Venezuela, et ne parlait pas espagnol. Pendant son interrogatoire, il n’a pas bénéficié de services de traduction ; en conséquence, il n’a pas été informé des faits qui lui étaient reprochés et n’a pas pu se défendre. La communauté de Kumarakapay a été déplacée de force au Brésil par l’armée vénézuélienne entre le 22 et le 24 février 2019. Par conséquent, ses membres ont probablement besoin d’une protection internationale.
Ces dernières années, le Venezuela a connu une grave crise humanitaire et de très nombreuses violations des droits humains. Compte tenu de ce contexte, il est prévisible que les personnes contraintes de fuir le Venezuela aient besoin d’une protection internationale, dans un cadre de respect des droits humains. Quelle que soit leur situation au regard du droit dans le pays d’accueil, ces personnes jouissent, entre autres, du droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique, à une procédure régulière et à des garanties judiciaires, ainsi que du droit de ne pas être soumises à des mauvais traitements, à une expulsion collective ou à un refoulement.