Le 18 juillet 2014, Singapour a procédé à ses deux premières exécutions depuis 2012. Tang Hai Liang et Foong Chee Peng ont été pendus, après avoir été déclarés coupables de trafic de stupéfiants et condamnés à la peine de mort, obligatoire au titre de la loi pour ce type d’infractions. En les mettant à mort, Singapour a mis fin à un moratoire décrété en juillet 2012 pour permettre au Parlement de réexaminer les lois imposant la peine capitale comme châtiment obligatoire.
Depuis l’adoption des modifications à la Loi de 2012 relative à l’usage illicite de stupéfiants et au Code pénal, le 14 novembre 2014, les tribunaux de Singapour ont la possibilité de ne pas imposer la peine de mort dans certains cas. Les personnes accusées d’homicide peuvent maintenant échapper à la peine capitale si elles sont inculpées de meurtre au titre des articles 300(b) et 300(c) du Code pénal, et parviennent à prouver qu’elles n’avaient pas l’intention de donner la mort. Dans les affaires de stupéfiants, cela est possible si le prévenu n’est impliqué que dans le transport, l’expédition ou la livraison d’une substance illicite, ou s’il a simplement proposé ses services pour de tels actes. La peine de mort peut en outre ne pas être prononcée contre les personnes dont il est établi qu’elles souffrent d’une « anomalie de l’esprit [...] telle qu’elle entraîne le défaut de responsabilité mentale pour leurs actes et omissions ». Si ces restrictions à l’imposition obligatoire de la peine de mort constituent une avancée dont on peut se réjouir, il reste que les modifications apportées à la loi ne sont pas conformes au droit international relatif aux droits humains et aux normes en la matière, notamment en ce qui concerne le recours à la fustigation en tant que peine de substitution. En outre, pour que les prévenus dans les affaires de stupéfiants soient épargnés, le parquet doit pouvoir établir qu’ils ont apporté une aide substantielle à l’Office central des stupéfiants dans ses opérations de lutte contre le trafic de drogue. L’application obligatoire de la peine de mort est contraire au droit international. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a indiqué que « la condamnation automatique et obligatoire à la peine de mort constitue une privation arbitraire de la vie, en violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte [international relatif aux droits civils et politiques], dans des circonstances où la peine capitale est prononcée sans qu’il soit possible de prendre en considération la situation personnelle de l’accusé ou les circonstances ayant entouré le crime en question ».
Trois nouvelles condamnations à mort ont été prononcées en 2014. Dans les trois cas, elles ont été prononcées automatiquement pour trafic de stupéfiants. La dernière exécution à Singapour a eu lieu le 17 avril 2015 dans une affaire d’homicide volontaire, infraction qui reste obligatoirement punie de la peine de mort.
Pour la première fois, la Cour d’appel de Singapour a dû réfléchir dans le cas de Kho Jabing à la façon de déterminer quel châtiment imposer dans une affaire de meurtre pour laquelle la peine de mort ou bien la réclusion à perpétuité et la fustigation peuvent être prononcées. Le panel de cinq juges a établi à l’unanimité que la peine de mort doit être imposée lorsque la manière dont l’auteur a perpétré le meurtre « dénote de la cruauté ou un mépris flagrant pour la vie humaine ». Si les cinq juges ont admis que les éléments de preuve disponibles dans le dossier de Kho Jabing ne permettaient pas une reconstitution précise du meurtre, ils sont arrivés à des conclusions différentes lorsqu’il s’est agi de déterminer s’il était possible de prouver au-delà d’un doute raisonnable qu’il avait porté plus de deux coups à la tête de la victime, auquel cas il aurait fait preuve d’un « mépris flagrant pour le caractère sacré de la vie humaine ». Trois juges ont estimé que ses actes méritaient d’être punis par la peine de mort, les deux autres ont affirmé que les éléments disponibles ne permettaient pas de prouver qu’il avait frappé la victime plus de deux fois. La peine de mort a donc été prononcée à seulement trois voix contre deux. Deux recours extraordinaires ont été déposés à l’approche de la date de son exécution ; la Cour d’appel a accepté le 5 novembre de les examiner.
Amnesty International estime que la peine de mort constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, ainsi qu’une violation du droit à la vie, inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Elle soutient les appels, figurant notamment dans cinq résolutions adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies depuis 2007, en faveur d’un moratoire sur les exécutions en vue de l’abolition de la peine capitale. À ce jour, 140 pays ont aboli la peine capitale en droit ou en pratique. Dans la région Asie-Pacifique, 18 États ont aboli la peine capitale pour tous les crimes et 10 autres sont abolitionnistes dans la pratique.