Depuis quelques mois, les autorités turques renvoient des personnes réfugiées syriennes dans leur pays d’origine, en violation du droit interne et du droit international. Parallèlement, les personnes réfugiées dont le document d’identité turc a expiré ne peuvent pas le renouveler, alors que la législation turque le permet. La Turquie doit mettre fin à tous les renvois vers la Syrie et permettre aux personnes réfugiées de renouveler leurs documents d’identité.
Écrire Les renvois illégaux de syriennes et de syriens doivent cesser
La Turquie est le pays qui accueille le plus de réfugiés au monde - leur nombre s’élève actuellement à environ 4 millions de personnes, dont la plupart (plus de 3,6 millions) sont syriennes. En théorie, tous les Syriens en Turquie bénéficient d’une « protection temporaire », mais ils doivent s’enregistrer et obtenir des documents d’identité pour pouvoir accéder aux services de base, notamment aux soins de santé et à l’éducation. Les autorités turques ont dépensé des milliards d’euros pour accueillir cette population, et ont bénéficié d’une aide financière de l’Union européenne (UE).
Bien que la Turquie et l’UE affirment le contraire, la Turquie n’est pas un pays sûr pour les personnes réfugiées et en quête d’asile. Amnesty International et d’autres organisations ont recueilli des éléments dignes de foi et cohérents prouvant que des renvois vers la Syrie ont eu lieu entre 2014 et 2018. Le refoulement (expulsion d’une personne vers un lieu où elle risque de graves violations des droits humains) est interdit tant par le droit turc que par des instruments de droit international auxquels la Turquie est partie. Les réfugiés syriens disent généralement qu’on leur fait signer, par la contrainte ou par la ruse, un prétendu accord de retour volontaire, parfois rédigé uniquement en turc. Lors de leur expulsion vers la Syrie, leurs documents d’identité au titre de la protection temporaire sont annulés. Les personnes qui réussissent à entrer de nouveau dans le pays (presque toujours de manière irrégulière, puisque la frontière est de fait fermée) se retrouvent sans statut juridique et sont particulièrement vulnérables à un renvoi.
Certaines personnes retournent en Syrie de façon réellement volontaire, par exemple pour en ramener des parents âgés ou pour renouveler leur passeport. Ces personnes ont déclaré à Amnesty qu’elles n’étaient pas informées des conséquences d’un départ de Turquie et qu’à leur retour (forcément irrégulier), elles avaient constaté que la protection temporaire dont elles bénéficiaient avait été annulée.
Le 7 janvier 2019, la Direction générale de la gestion des migrations a publié une circulaire indiquant que les titulaires de documents d’identité au titre de la protection temporaire qui avaient perdu leur statut devaient pouvoir le rétablir. Cependant, pour des raisons obscures, il semble pratiquement impossible de renouveler ou de rétablir le statut de protection temporaire une fois qu’il a été perdu, quelles que soient les raisons de cette perte (que le retour ait été forcé ou réellement volontaire, ou dans le cas où les documents d’identité ont simplement expiré, par exemple).
Le 22 juillet 2019, le gouvernorat d’Istanbul a déclaré que tous les Syriens non enregistrés à Istanbul avaient jusqu’au 20 août pour se rendre dans d’autres départements. La Direction générale de la gestion des migrations a par la suite prolongé ce délai jusqu’au 30 octobre. L’annonce de juillet a semé la panique et est intervenue à peu près à la période où des informations faisaient état d’une hausse du nombre de renvois en Syrie. Il est à craindre que des événements similaires n’aient lieu en octobre. Istanbul accueille plus de 500 000 Syriennes et Syriens enregistrés, ainsi que des milliers d’autres non enregistrés ou enregistrés dans un autre département. Bien qu’aucune personne réfugiée de nationalité syrienne ne soit pleinement protégée contre le refoulement, les personnes qui semblent particulièrement vulnérables sont celles qui ne possèdent pas de document d’identité, se trouvent en dehors de leur département d’enregistrement ou travaillent sans permis. À la fin de l’année 2018, quelque 68 000 permis de ce type seulement avaient été délivrés ; la quasi-totalité des personnes réfugiées de nationalité syrienne qui travaillent en Turquie relèvent donc de cette dernière catégorie.
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