Pannir Selvam Pranthaman est un talentueux musicien malaisien et, pendant son incarcération dans le couloir de la mort, il a écrit des poèmes et des chansons, dont certains ont donné lieu à des collaborations avec d’autres artistes malaisiens.
Il a été reconnu coupable le 2 mai 2017, alors qu’il avait 29 ans, d’avoir importé à Singapour 51,84 grammes de diamorphine (héroïne) et a été condamné de manière automatique à la peine capitale. Le 18 octobre 2018, la Cour d’appel a rejeté son appel ordinaire. Le juge a déclaré que Pannir Selvam Pranthaman était impliqué uniquement dans le transport de drogues, remplissant donc les critères pour être reconnu comme simple « mule » aux termes de la loi. Toutefois, le ministère public ne lui a pas délivré de certificat d’assistance substantielle, ne laissant d’autre choix au juge que de prononcer la peine de mort automatique.
Depuis les modifications apportées à la Loi singapourienne relative à l’usage illicite de stupéfiants en 2013, les juges à Singapour ont un pouvoir discrétionnaire limité en matière de condamnations lorsqu’ils estiment qu’un accusé a fait office de « coursier » et que le ministère public fournit un certificat d’assistance substantielle, ou que l’accusé souffre d’une déficience mentale ou intellectuelle qui a considérablement altéré sa responsabilité mentale pour ses actes et omissions en lien avec l’infraction commise.
Sans le certificat d’assistance substantielle, le tribunal a été privé de tout pouvoir discrétionnaire lors de la condamnation de Pannir Selvam Pranthaman, la décision revenant dans la pratique à l’accusation. Cela a violé son droit à un procès équitable, car dans les faits, la décision de vie ou de mort a été placée entre les mains d’un fonctionnaire qui n’est pas une partie neutre au procès et qui ne devrait pas avoir de tels pouvoirs. Cela a porté atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire, en brisant la séparation qui doit exister entre l’accusation et le tribunal, et violé le principe d’« égalité des armes », c’est-à-dire l’égalité des pouvoirs de l’accusation et de la défense devant les tribunaux.
La condamnation de Pannir Selvam Pranthaman se fondait sur la présomption légale selon laquelle il connaissait l’existence de la drogue saisie.
La Loi relative à l’usage illicite de stupéfiants permet au ministère public d’invoquer des présomptions légales : la charge de la preuve revient alors à l’accusé·e, qui doit la réfuter en appliquant la norme juridique selon la « prépondérance des probabilités ». Les présomptions de culpabilité abaissent de fait le seuil de la preuve nécessaire pour aboutir à une condamnation dans les affaires de peine capitale, sapent les garanties d’équité des procès au titre du droit international relatif aux droits humains et bafouent le droit à la présomption d’innocence, une norme impérative du droit international coutumier.
Pannir Selvam Pranthaman devait être exécuté le 24 mai 2019. La procédure a été interrompue la veille, après que la Cour d’appel a autorisé l’examen de recours extraordinaires. D’autres recours concernant Pannir Selvam Pranthaman ont récemment été examinés et rejetés, et l’on pense qu’il risque à présent de faire l’objet d’un nouvel ordre d’exécution.
Le droit international et les normes en la matière interdisent l’application automatique de la peine de mort, car elle supprime la possibilité de prendre en compte les éventuelles circonstances atténuantes dans une affaire. Également selon le droit international et les normes associées, le recours à la peine de mort doit être limité aux « crimes les plus graves » impliquant un homicide volontaire.
Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances. À ce jour, 113 pays ont aboli la peine de mort pour toutes les infractions et 144 sont abolitionnistes en droit ou en pratique. Singapour compte parmi le petit groupe de pays qui procède encore à des exécutions, et parmi le plus petit groupe qui applique la peine de mort pour des infractions à la législation sur les stupéfiants.